La crise des pilules de 3ème et 4ème générations, survenue fin 2012-début 2013, est passée par là. Beaucoup de femmes se posaient des questions, mais hésitaient à sortir du modèle "tout pilule". Avec les plaintes déposées contre les fabricants de pilules de nouvelles générations, les alertes sanitaires qui ont suvi, les utilisatrices de contraceptifs oraux ont trouvé de bonnes raisons de se tourner vers d’autres méthodes. Et l’image de la pilule a changé, comme le montre la dernière étude Fécond (1) de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et de l’Institut national d’études démographiques (Ined). Elle a porté sur près de 4 500 femmes et sur plus de 1 500 hommes.
Les femmes jeunes sont moins sensibles à l’enjeu social qu’a représenté la pilule, qui a permis pour la 1ère fois aux femmes de maîtriser elles-mêmes leur fécondité. Deuxième enseignement de cette enquête, il n'y a pas eu de désaffection vis-à-vis de la contraception. Seules 3 % des femmes n’utilisent aucun moyen contraceptif, soit la même proportion qu’en 2010.
En revanche, les modes de contraception ont changé. « Cette controverse, notent les auteurs de l'étude, semble avoir contribué à assouplir un modèle contraceptif fortement centré sur la pilule, alors même que de nombreuses femmes en soulignaient le caractère contraignant. »
Une évolution des moyens contraceptifs
Près d’une femme sur cinq déclare avoir changé de méthode depuis le débat sur les contraceptifs oraux. Le recours à la pilule est passé de 50 % à 41 % entre 2010 et 2013. Et en l’espace de 10 ans, la contraception orale a reculé de 14 points. Cette baisse est liée principalement à la controverse sur les pilules de dernière génération. En effet, en raison des risques de thrombose veineuse, le ministère de la Santé a décidé de ne plus les rembourser à partir d’avril 2013 et l’Agence du médicament a demandé aux médecins de ne plus les prescrire en 1ère intention. Résultat, alors que 40 % des pilules utilisées en 2010 étaient de nouvelles générations, cette proportion est passée à 25% en 2013.
Caroline Moreau, chercheuse à l'Inserm et co-auteur de l'étude Fecond : « La crise des pilules de 3ème et 4ème générations a terni l'image de la pilule en général, les femmes se sont tournées vers d'autres méthodes contraceptives comme le stérilet »
Un changement au profit des stérilets et des préservatifs
Les femmes se sont en partie reportées sur les pilules de 2ème génération, mais surtout elles ont adopté d’autres méthodes comme le stérilet (+1,9 point depuis 2010), le préservatif (+3,2 points), mais également des techniques naturelles comme les dates (rapports en dehors des périodes de fécondabilité) ou le retrait (+3,4 points). « Or ces dernières sont moins efficaces, d’où le risque de voir apparaître des grossesses non désirées », s’inquiète Caroline Moreau, chercheuse à l’Inserm et co-auteur de l’étude.
Des différences selon les âges et les catégories sociales
La baisse du recours à la pilule est particulièrement marquée chez les femmes de moins de 30 ans. Chez celles de 15 à 19 ans, on a observé une diminution de 20 points du recours aux pilules de dernière génération. Mais elle a été en partie compensée par une augmentation des pilules de 2ème génération (+13 points). En revanche, les femmes de 25-29 qui ont délaissé dans les mêmes proportions les pilules de dernière génération, ont opté pour le stérilet (+8 points) et les préservatifs.
On observe également des différences selon les catégories sociales. Les femmes sans aucun diplôme se sont davantage tournées vers les méthode les moins efficaces (dates, retrait), tandis que celles qui détiennent un CAP ou un BEP ont choisi le préservatif, et les plus diplômées (Bac + 4) le stérilet.
Stérilet chez les femmes jeunes : la réticence des médecins
Chez les femmes de moins de 20 ans, et chez celles de 20-24 ans sans enfant, l’usage du stérilet reste exceptionnel. Ce qui traduit une réticence des médecins à le conseiller à ces jeunes femmes. « L’idée selon laquelle le stérilet peut provoquer des infections et être à l’origine d’une infertilité perdure chez les professionnels de santé, or c’est faux, martèle le Dr Danielle Hassoun, gynécologue à Paris. Toutes les études scientifiques montrent que le stérilet est sans danger, et ne remet nullement en cause la fertilité, même chez les femmes qui n’ont pas encore eu d’enfant ». Des idées reçues qui ont la vie dure, chez les médecins, comme chez les femmes.
Dr Danielle Hassoun, gynécologue à Paris : « Il existe une très forte réticence des professionnels vis-à-vis du stérilet. Or les études scientifiques montrent que le stérilet n'entraîne pas d'infection, ni de problèmes de stérilité »
(1) La crise de la pilule en France : vers un nouveau modèle contraceptif ?
Auteurs : Nathalie Bajos, Mylène Rouzaud-Cornabas, Henri Panjo, Aline Bohet, Caroline Moreau et l'équipe Fécond.