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Controverse

Cancer du sein : le test sanguin de dépistage serait-il trop prometteur ?

Par Cécile Coumau avec Sandrine Chauvard

Prédire les femmes qui risquent de développer un cancer du sein grâce à un test sanguin, la perspective évoquée par des chercheurs britanniques est séduisante mais peu réaliste, estime un expert de l'Inserm.

SERGE POUZET/SIPA

Une simple prise de sang pour dépister un cancer du sein, et cela des années avant son apparition... Un scénario très futuriste mais possible d'après des chercheurs britanniques. Ils auraient découvert un test sanguin qui permettrait à des femmes qui n’ont pas de prédisposition génétique de savoir si elles ont un risque de développer la maladie. Car la grande majorité des cancers du sein (environ 90%) ne sont pas ne sont pas d’origine héréditaire et reste de cause inexpliquée. Les 10% restant sont liés à une mutation du gène BRCA1.


Une mutation chez les femmes BRCA1 et les autres...
Les chercheurs de l’University College London, qui publient leurs travaux dans la revue Genome Medicine, ont identifié une signature épigénétique dans le sang des femmes à risque de cancer du sein. Ce qu’on appelle épigénétique, c’est l’influence de l’environnement et de nos modes de vie sur l’expression de nos gènes. Les chercheurs ont travaillé sur des échantillons de sang collectés plusieurs années avant l’apparition du cancer. Ils se sont attachés à la methylation de l’ADN, qui est une signature épigénétique, et ont observé si cette méthylation était présente chez les femmes présentant ou non une mutation du gène BRCA1.


« Nous avons identifié une signature épigénétique chez les femmes ayant cette mutation et qui est liée à une augmentation du risque de cancer du sein et à une baisse du taux de survie, explique le Pr Martin Widschwendter, l’un des principaux auteurs de l’étude. De façon surprenante, nous avons retrouvé cette même signature chez de nombreuses femmes ne présentant pas la mutation BRCA1, et cela a permis de prédire le risque de développer un cancer du sein des années avant le diagnostic ».

Faux espoir ?
Bien sûr, la perspective de disposer d'un simple test sanguin pour prédire le risque de développer un cancer du sein est enthousiasmant. Mais, pour Marc-Henri Stern, directeur de recherche Inserm et spécialiste des prédispositions au cancer, cela risque fort de ne pas être pour tout de suite. « Ces modifications épigénétiques semblent réelles, elles pourraient être associées au cancer du sein mais vu leur valeur prédicitive, je ne vois pas leur application en santé publique. Un tel test créerait beaucoup de faux-positifs et de faux négatifs », estime le chercheur.

Ecoutez le Dr Marc-Henri Stern, chercheur à l'Inserm : « Un tel test ne me semble pas réaliste. Le caractère prédictif est quand même très faible. »

 
En outre, la méthodologie de l'étude ne serait pas dénuée de défauts. « Dans ce genre d'études où un grand nombre de données sont brassées, il y a un grand risque d'erreur dans l'interprétation de ces données. Les chercheurs doivent donc faire ce que nous appelons une série de réplication, explique Marc-Henri Stern. Concrètement, ils doivent reproduire l'expérience sur une autre série de patients, pour vérifier que les résultats obtenus sont reproductibles. Le problème, c'est que dans cett étude, leur série de réplication ne répond pas à la même question. La méthodologie me semble donc très peu satisfaisante. »

Les auteurs de ces travaux font, quant à eux, l'hypothèse que cette méthylation pourrait entraîner des changements au niveau du système immunitaire; or celui-ci est lié à la progression du cancer. Mais, ils reconnaissent tout de même que de nouvelles études sont nécessaires pour savoir si cette signature épigénétique est juste un indicateur de cancer du sein ou si elle est impliquée dans le développement de la maladie. Un simple test sanguin prédictif ne semble donc pas être possible dans un proche avenir...