C’est un chiffre malheureusement constant. Depuis une dizaine d’années, le nombre de femmes qui débarquent dans les hôpitaux parisiens pour accoucher, sans avoir eu le moindre suivi obstétrical, reste le même - aux alentours de 1500 par an. L’Association pour le Développement de la Santé des Femmes (ADSF), qui a mené une enquête, tire la sonnette d’alarme. Toutes les nuits, 80 à 100 femmes enceintes couchent dans la rue. 15% des femmes enceintes ont un logement instable.
De nombreuses femmes Roms
Ces femmes vivent pour la plupart dans une situation très précaire. Le rapport de l’association énumère ces profils : « des migrantes concentrées dans des zones de bidonvilles en banlieue Est de Paris (93 et 94), pour l’immense majorité des femmes Roms ; des femmes logées dans des hôtels sociaux, notamment d’origine africaine ; mais aussi des femmes vivant dans des squats ou des habitations précaires. Parmi elles, certaines sont toxicomanes et « se traitent » avec les drogues. D’autres sont des Françaises démunies, SDF, dont la moitié auraient besoin de soins psychiatriques.
Les femmes Roms comptent en effet parmi les populations les moins suivies médicalement : 9 sur 10 ne consultent aucun spécialiste pendant leur grossesse. Elles ont en moyenne 4 grossesses, dont seule la moitié aboutit à la naissance d’un enfant vivant.
Des grossesses à risque
Faute de suivi obstétrical, d’examens sanguins ou d’échographies, de nombreuses anomalies ne sont pas détectées (malformations congénitales, bébés de petits poids…). Prises en charge trop tardivement, les pathologies maternelles aboutissent souvent à des complications graves.
Ainsi, ces femmes s’exposent à des risques létaux en cas d’hypertension artérielle et de diabète gestionnel. Les petites maladies fréquentes chez la femme enceinte, comme les infections urinaires, ont des conséquences très graves lorsqu’elles ne sont pas traitées (accouchements prématurés, infections néonatales…).
« Globalement, les études montrent que chez les femmes en situation très précaire, le taux d’accouchements prématurés est élevé : de 12 à 15% contre 6 à 8% dans la population générale, explique Paule Herschkorn Barnu, gynécologue obstétricienne et directrice du réseau SOLIPAM (Solidarité Paris Maman). Les césariennes sont aussi beaucoup plus fréquentes : elles sont réalisées chez plus de 30% de ces femmes, contre 18% dans la population générale ».
Au manque de suivi de grossesse s’ajoutent des conditions de vie souvent précaires - logements insalubres, alimentation déséquilibrée ou insuffisante… Chez ces femmes, la probabilité de développer une grossesse à risques se décuple. « La précarité a des conséquences sur le déroulement et l’issue de la grossesse, mais aussi sur la santé périnatale. Confrontées à une insécurité physique et émotionnelle majeure, il leur est parfois difficile d’investir leur grossesse, et ce, qu‘elles que soient leur origine sociale ou leur culture », conclut Paule Herschkorn Barnu.