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Colloque de l'Institut Curie

Cancer du sein : 8 femmes sur 10 relèvent de la chirurgie ambulatoire

Dans la chirurgie du cancer du sein, la prise en charge en ambulatoire est de plus en plus indiquée. Rentrer chez soi le soir est non seulement un confort, mais aussi un gage de qualité.

Cancer du sein : 8 femmes sur 10 relèvent de la chirurgie ambulatoire Ronda Churchill/AP/SIPA

  • Publié le 30.09.2014 à 18h08
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L’ambulatoire serait-il l’avenir du traitement du cancer du sein ? La question est de circonstance puisque l’Institut Curie a consacré le 26 septembre son premier colloque « Cancer du sein et chirurgie ambulatoire. » La France est largement en retard dans ce domaine par rapport à l’Europe : dans les centres de lutte contre le cancer (CLCC), 17 % des patientes avec une tumeur au sein sont opérées en ambulatoire, c’est-à-dire qu’elles quittent l’hôpital le jour de l’intervention. Mais les objectifs affichés par le gouvernement sont ambitieux : le Plan Cancer 2014-2019 veut parvenir à une intervention sur deux en hôpital de jour.

 

Un parcours très cadré

A l’Institut Curie (Paris), au centre Léon-Bérard (Lyon, Rhône), à l’Institut du Cancer de Montpellier (Hérault), l’exemple est donné : 40 à 50 % des chirurgies du cancer du sein sont réalisées en ambulatoire. Dans le dernier établissement, un bloc ambulatoire dédié a même été construit : seuls des patients qui quittent l’hôpital avant la nuit sont accueillis, une salle d’opération et une salle de réveil leur sont réservées.

 

Le parcours de soins lui-même est repensé dans les unités de chirurgie ambulatoire. La patiente arrive le matin. Dans certains cas, comme au centre Léon-Bérard, elle se rend au bloc opératoire à pied (c’est la méthode « patient debout »). Après l’intervention, chaque malade est surveillée en salle de réveil, puis dans sa chambre. Plusieurs points permettent de vérifier si elle est apte à quitter l’établissement : nausées, vomissements, douleur, malaise au lever, tension basse… Si un seul d’entre eux est négatif, la patiente reste, sinon, elle peut sortir avec un accompagnant. 24 heures après l’opération, une infirmière recontacte la patiente et lui pose des questions très précises : souffre-t-elle de nausées, de vomissements, comment note-t-elle sa douleur sur 10, quel est l’aspect de sa cicatrice…

Le suivi post-opératoire, lui, n’est pas modifié d’un iota : une consultation 15 jours après l’intervention. En effet, les complications, en plus d’être rares, se manifestent plusieurs jours après l’opération. Inutile donc de rester une nuit à l’hôpital.

 

Une maladie particulièrement indiquée

Voilà longtemps que la chimiothérapie et la radiothérapie se réalisent en hôpital de jour. De plus en plus, l'ambulatoire s’élargit à la chirurgie oncologique, particulièrement sénologique. « Cette organisation se prête beaucoup à la chirurgie du cancer du sein », souligne le Pr Philippe Rouanet, coordonnateur du pôle de chirurgie oncologique à l’Institut du Cancer de Montpellier (ICM), contacté par pourquoidocteur. « Elle est peu traumatisante, limitée dans le temps, plutôt superficielle par rapport à la chirurgie digestive par exemple. Cela se traite très bien d’un point de vue technique. » Malgré tout, des freins à la chirurgie ambulatoire existent.

 

Ecoutez le Pr Philippe Rouanet, responsable du pôle de chirurgie oncologique à l’Institut du Cancer de Montpellier : « Opérer une femme qui pèse 60 kg et fait un 85B n’a rien à avoir avec opérer une patiente de 100 kg et qui a un 120E. »

 

« Une grande révolution organisationnelle »

Une patiente sur deux est opérée en ambulatoire dans les CLCC les plus novateurs. Pourtant, « actuellement, toute patiente peut en bénéficier si elle ne présente pas de comorbidité, ce qui concerne 80 % des patientes », précise le Dr Séverine Alran, responsable de l’unité de chirurgie ambulatoire à l’Institut Curie, contactée par pourquoidocteur. L’hôpital de jour est appelé à devenir le standard dans tout le pays, estime-t-elle. Le Dr Frédéric Beurrier, chirurgien au centre Léon-Bérard, le confirme : depuis que l’ambulatoire est indiqué d’office, il fait face à très peu de réticences. « Les craintifs voient qu’ils n’avaient aucune raison d’avoir peur, et ceux qui y étaient favorables ont été satisfaits par le confort de rentrer chez soi. » 

 

La prise en charge en ambulatoire nécessite toutefois une « grande révolution organisationnelle » selon le Dr Alran. « C’est toute la structure architecturale de l’hôpital qui doit être revue », ajoute-t-elle. « L’ambulatoire permet de recentrer la mission sur le soin, c’est repenser l’accueil hôtelier et le transport. Les lits disparaissent ou réduisent fortement, et les fauteuils remplacent les lits. C’est donc toute la structure architecturale qui doit être modifiée, ce qui ne se fait pas du jour au lendemain. »

 

Ecoutez le Dr Séverine Alran, responsable de l’unité de chirurgie ambulatoire à l’Institut Curie : « C’est une réorganisation pluridisciplinaire et pluriprofessionnelle. L’ambulatoire ne se conçoit que dans une énergie collective. »

 

Un patient plus « éduqué »

Autre avantage de l’ambulatoire : le patient se situe au cœur du parcours de soins. « On donne des connaissances au patient, on ne l’infantilise pas », souligne le Dr Alran. « On ne fait pas de l’éducation thérapeutique au sens où l’entend la Haute Autorité de Santé, mais on fait un accompagnement d’apprentissage : on délivre de l’information, on explique dans quelles conditions il faut appeler », complète le Dr Frédéric Beurrier, chirurgien au Centre Léon-Bérard de Lyon, contacté par pourquoidocteur.

 

Le spectre d’application de l’ambulatoire est très large : la majorité des patientes bénéficient d’un « traitement conservateur » (ablation de la tumeur et des tissus l’entourant, sans mastectomie), mais on peut envisager une prise en charge en hôpital de jour des femmes qui subissent une mastectomie. L’Institut Curie le réalise, uniquement sur demande des patientes. Le centre Léon-Bérard l’a également testé. « Techniquement, le test a été probant, mais il y a une limite psychologique », tempère le Dr Beurrier. « L’impact sur l’image corporelle est très difficile. » L’élargissement de l’indication n’est donc pas à l’ordre du jour, d’autant plus qu’il sera nécessaire de développer des méthodes anesthésiques moins lourdes, selon le Dr Alran. En revanche, le curage axillaire pourrait rapidement être réalisé en ambulatoire.

Les chiffres eux-mêmes penchent en faveur de la généralisation de l’ambulatoire dans la chirurgie du cancer du sein.

 

Ecoutez le Dr Séverine Alran, responsable de l’unité de chirurgie ambulatoire à l’Institut Curie : « On a un taux de ré-hospitalisation inférieur à 1 % et aucun cas d’infection du site opératoire. »

 

Quant aux patientes, leurs retours sont également positifs : 95 % des patientes interrogées par l’Institut du Cancer de Montpellier se sont dites satisfaites de leur expérience. « Les retours sont extrêmement favorables », s’enthousiasme le Pr Rouanet. Un avis partagé par les autres chirurgiens, mais aussi les patients eux-mêmes : selon un récent sondage, 80 % des Français plébiscitent la chirurgie ambulatoire, et autant la jugent préférable en cas de cancer. Et pour cause : tous les médecins s’accordent à le dire, rentrer chez soi après une intervention sur une tumeur relativise la gravité de la maladie.

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