Non, les grandes maternités ne sont pas des « usines à bébé » où l’on pratique césariennes et épisiotomies à tour de bras. Une étude de la Drees (division statistiques du ministère de la Santé) balaye les peurs de surmédicalisation des grossesses à bas risque exprimées par de nombreux acteurs, dans un contexte de fermeture des petites maternités et de fusion au sein de grandes structures hospitalières.
Travail déclenché, extractions instrumentales...
En France, la moitié des femmes se rendent dans des gros centres de maternités, qui réalisent plus de 2000 accouchements par an. Le plus souvent, il s’agit de structures publiques et spécialisées, qui n’attiraient, en 1995, que 16 % des femmes enceintes.
Plusieurs études ont sondé l’impact de ce mouvement de concentration dans des pays étrangers. Elles ont révélé une augmentation des interventions obstétricales (travail déclenché, césariennes, extractions instrumentales et épisiotomies) au sein des grandes maternités. Et donc, une médicalisation des grossesses qui ne présentent pourtant pas de complications, alors même que les scientifiques recommandent de limiter les interventions sur cette population.
Une femme sur deux subit une intervention
Mais ce constat ne semble pas s’avérer en France. Selon le ministère de la Santé, 52 % des femmes présentant une grossesse à bas risque en 2010 ont subi au moins une intervention obstétricale. Or, ce taux serait la même dans les petits centres que dans les plus gros.
Dans le détail, parmi les 9500 femmes interrogées et dont la grossesse ne présentait pas de complications, 24 % ont eu recours à un déclenchement du travail, 10 % à une césarienne, 15 % à une extraction instrumentale et 20 % à une épisiotomie.
Des chiffres similaires selon la taille des établissements - ou presque : « Seul le risque d’extraction instrumentale est un peu plus élevé (multiplié par 1,2) dans les maternités de 3000 accouchements par an ou plus, en comparaison avec les maternités de moins de 1000 accouchements », notent les chercheurs.
Les auteurs de l’étude expliquent cette absence d’impact par des mouvements compensatoires. D’un côté, les grands établissements seraient plus enclins à pratiquer des interventions, « par une transposition des protocoles dédiés aux femmes enceintes à haut risque vers les grossesses à bas risque ». Mais de l’autre, les obstétriciens des grandes maternités, souvent professeurs universitaires, seraient plus à même d’appliquer les recommandations scientifiques les plus récentes.
La crainte du risque judiciaire dans le privé
L’étude sonde également la différence de prise en charge entre les établissements publics et privés. Et c’est plutôt là que le bât blesse. « Le risque d’avoir une intervention lors de l’accouchement est 1,2 fois supérieur dans les maternités privées par rapport aux maternités publiques », peut-on lire sur le compte-rendu de l’étude.
A nouveau, les auteurs tentent une explication : « La crainte du risque médico-judiciaire et des poursuites pourrait être plus forte dans le privé, et amènerait les praticiens à pratiquer plus facilement une césarienne ou un déclenchement afin d’anticiper les risques potentiels pour la mère ou le nouveau-né ». En effet, dans le public, c’est l’établissement qui endosse la responsabilité civile médicale, et non le médecin.
Autre interprétation : ces interventions génèrent « un gain de temps », ce qui permettrait à l’obstétricien « de mieux organiser son temps de travail, car il est souvent amené à réaliser des consultations parallèlement à son activité ». Les praticiens du privé apprécieront.