Un homme, plutôt âgé, exerçant la profession d’agriculteur. Tel est le profil d’un Français qui risque de mettre fin à ses jours. L’Observatoire national du suicide (ONS) a remis son premier rapport annuel à la ministre de la Santé, Marisol Touraine. Il dessine un portrait précis des personnes décédées par suicide ou qui ont tenté de se suicider, et souligne de fortes inégalités au sein de la population.
Plus de tentatives chez les femmes
« Le suicide constitue un enjeu majeur de santé publique », précise le ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes dans un communiqué. On dénombre en France métropolitaine 18 décès par suicide pour 100 000 habitants. C’est un des taux les plus élevés d’Europe, et il s’observe de manière très concrète : « On estime qu’un personne sera confrontée, sur une période de quarante ans, au décès par suicide d’une à trois personnes de son entourage immédiat », illustre le rapport de l’ONS.
Après une année de travail, l’Observatoire national du suicide (ONS) a mis en évidence de nombreuses inégalités face au suicide. Les hommes sont trois fois plus touchés par cet acte fatal que les femmes, bien que les deux sexes aient souvent recours au même moyen pour mettre fin à leurs jours, en l'occurence la pendaison. « Les femmes effectuent deux fois plus de tentatives de suicide que les hommes, mais sont trois fois moins nombreuses à se donner la mort », selon le rapport.
Les personnes âgées meurent plus par suicide
Dans l’ensemble de la population, le taux de décès par suicide a baissé depuis 1990, mais il augmente avec l’âge. Ainsi, un tiers des suicidés a plus de 60 ans. La part du suicide dans la mortalité générale, en revanche, est plus élevée chez les jeunes.
Mais ce sont bien les personnes âgées qui parviennent le plus à abréger leur vie : le ratio suicide abouti/tentative de suicide est de 1 pour 4 dans cette population, contre 1 pour 200 chez les moins de 25 ans. « La personne âgée accomplissant un geste suicidaire est en général animée d’une détermination forte comme en témoignent les moyens fréquemment employés (précipitation d’un lieu élevé, armes à feu, pendaison) », explique un rapport du Comité national de la bientraitance et des droits (CNBD) cité par l’ONS.
Source : Observatoire national du suicide
Les agriculteurs plus touchés que les autres actifs
Les agriculteurs sont particulièrement à risque de mettre fin à leurs jours. Ils sont deux à trois fois plus touchés que les cadres. S’ils déclarent moins de tentatives de suicide par rapport aux autres professions, c’est simplement parce qu’ils ont recours à des moyens « plus létaux » (pendaison et armes à feu) explique l’Observatoire national du suicide. C’est donc sans surprise que le décès par suicide est plus fréquent dans les régions à forte dominante agricole (Bretagne, Basse-Normandie, Nord-Pas-de-Calais, Champagne-Ardenne).
Source : Observatoire national du suicide
Ce n’est qu’une des inégalités sociales « très marquées » que souligne le rapport de l’Observatoire national du suicide. Après les agriculteurs, les ouvriers, les chômeurs, mais aussi les détenus, portent le plus lourd fardeau dans ce domaine. « Sur la période très récente, plusieurs études suggèrent que la crise économique et financière de 2008 se serait traduite par une hausse des suicides et une dégradation de la santé mentale pour les hommes en âge de travailler dans la plupart des pays concernés, les femmes étant moins affectées », analyse l’ONS.
Ados, détenus et sans abri : des profils à surveiller
Le rapport de l’Observatoire national du suicide permet enfin de distinguer trois profils de risque particulier. Une enquête de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) a montré que 2,2 % des adolescents ont déjà fait une tentative de suicide suivie d’hospitalisation. Parmi eux, les filles étaient particulièrement exposées au risque de multiplier les tentatives.
Les personnes sans domicile sont également considérées à risque suicidaire. Une enquête du Samu social de Paris l’a confirmé : 22 % des sans abri ont déjà tenté de mettre fin à leurs jours… et 13 % sont considérés comme à risque d’y parvenir.
Enfin, les détenus constituent un groupe à risque élevé. Un risque suicidaire est détecté chez 40 % des hommes détenus en métropole et 62 % des femmes. Ce risque est jugé « élevé » dans la moitié des cas.
En plus de fournir des éléments précieux sur les profils à risque de suicide, ce rapport de l’Observatoire national du suicide servira de base au prochain programme national d’actions contre le suicide. C’est ce qu’a annoncé la ministre de la Santé Marisol Touraine. Ce programme comportera notamment des mesures à destination des personnes âgées.