Echographie 3D, souvenir, plaisir, ludique ou encore affective, les dénominations sont nombreuses mais la pratique reste la même : une échographie pratiquée par un professionnel non médecin pour que les parents puissent conserver des photos et un dvd de souvenir de leur enfant dans les premières mois de sa vie. Bien que plébiscitée par les parents, le corps médical s’inquiète de cette pratique que l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) déconseille depuis 2005. En décembre dernier, le Collège des gynécologues et obstétriciens français dénonce une exposition inutile sinon risquée des fœtus aux ultrasons et réclamé l’application du principe de précaution en réservant la pratique des échographies aux seuls médecins et sages-femmes. En réponse, le gouvernement d’alors saisit la Haute autorité de santé (HAS) et l’Agence nationale de sécurité du médicament sur ces échographies fœtales à visée non médicale. Le rapport de la HAS rendu public hier porte un nouveau coup à une activité déjà sur le déclin depuis cet hiver. Elle précise que l’échographe est un dispositif médical qui doit, à ce titre, n’être utilisé qu’à des fins médicales et par des professionnels de santé.
Pr Jean-Luc Harousseau, président de la Haute Autorité de Santé : « Un dispositif médical doit être utilisé à des fins médicales, sinon c’est un usage détourné ».
L’ANSM, qui doit se pencher sur l’évaluation des risques pour le fœtus, n’a pas encore rendu son rapport. Mais certains spécialistes s’inquiètent des effets potentiels d’une application prolongée de la sonde de l’échographe sur les zones fragiles qui intéressent particulièrement les parents : le visage et les organes génitaux du fœtus. L’effet thermique des ultrasons est démontré et il n’est pas exclu qu’une exposition prolongée entraîne une augmentation de température dommageable pour l’enfant à naître. Les gynécologues-obstétriciens préconisent donc, par prudence, de s’en tenir aux échographies médicalement justifiées.
Pr Jacques Lansac, président de la Commission nationale d’échographie obstétricale et fœtale : « On n'est pas à l’abri de découvrir que trop d’échographies favorise la surdité ou la dyslexie ».
Pour les spécialistes, l'échographie doit être exclusivement médicale pour éviter toute découverte fortuite d'une anomalie ou d'une mort foetale hors la présence d'un professionnel formé à ce type d'annonce.
Du côté des entreprises qui pratiquent ces échographies ludiques, on dénonce le corporatisme médical. « Depuis des années, les gynécologues tentent de nous faire interdire. Quand ils auront réussi, ils se mettront eux-mêmes à l’échographie affective, à grand renfort de dépassement d’honoraires », dénonce l’un d’entre eux sous couvert d’anonymat.
La HAS prend d’ailleurs les devants en rappelant que faire commerce de l’échographie sans visée diagnostique serait parfaitement contraire à la déontologie médicale. Mais l’interdiction n’est pas forcément pour demain. Au Royaume-Uni, au Canada ou aux Etats-Unis, les Sociétés savantes de gynécologie déconseillent, elles aussi, ces échographies non indispensables depuis de nombreuses années. Elles n’en sont pas interdites pour autant.
Reste la demande des couples. « Ma première écho a duré 10 minutes chrono, hyper froide, très peu d’explications … Bien sûr ça m’inquiète un peu cette histoire d’ultrasons, mais j'ai besoin de revoir mon bébé plus longuement pour commencer à faire connaissance avec lui », explique Annabelle, une future maman tentée par l’échographie affective. Ce type de témoignage foisonne sur les forums de discussion. Auditionnées par la HAS, plusieurs associations familiales ont témoigné de l’importance pour de nombreux parents de ce moment de découverte de leur enfant dans un contexte plus serein et moins médicalisé. Si les sages-femmes plaident pour l’haptonomie et d’autres méthodes pour entrer en contact avec l’enfant à naître, l’image semble difficile à concurrencer.