Administrer un médicament anticancéreux avant même un cancer du sein peut payer. Selon une étude parue dans l’édition du 23 janvier du prestigieux Lancet Oncology, le tamoxifène peut protéger en partie les femmes à haut risque de développer un cancer du sein.
Une protection durable
Le tamoxifène est le traitement de référence dans le cancer du sein. Il pourrait aussi être utilisé en prévention, si l’on en croit les résultats de l’essai clinique IBIS-1. Plus de 7 000 femmes âgées de 35 à 70 ans, et à haut risque de cancer, ont pris le médicament ou un placebo pendant 5 ans. Elles ont été suivies pendant 22 ans, afin d’évaluer l’impact à long terme du traitement.
Au cours de l’essai, 350 diagnostics de cancer du sein ont été posés dans le groupe placebo, contre 251 dans le groupe tamoxifène. L’anticancéreux réduit donc de 29 % le risque de cancer du sein. Il est particulièrement efficace en prévention des cancers invasifs à récepteurs aux oestrogènes positifs. Cet effet préventif « est très significatif, avec une réduction d’environ un tiers du taux de cancer du sein », commente le principal auteur de l’essai, Jack Cuzick. « Cet impact reste fort et ne se relâche pas après 20 ans de traitement. » Le tamoxifène n’agit pas, en revanche, sur la mortalité par cancer du sein : 31 femmes sont décédées dans le groupe tamoxifène, contre 26 dans le groupe placebo.
« Pour les femmes non ménopausées à risque élevé, le tamoxifène est la seule option pour la prévention du cancer du sein et c’est une bonne option, comme le prouve ces nouvelles données », estime le Dr Jack Cuzick. Ses conclusions sont quelque peu tempérées par une modélisation parue dans le Journal of the National Cancer Institute. Une équipe de l’université de Caroline du Nord à Chapel Hill (Etats-Unis) a utilisé un outil mathématique développé par l’Institut National du Cancer (NCI).
Un rapport bénéfice-risque par toujours favorable
Les dossiers de 788 femmes traitées en prévention par tamoxifène ont été intégrés à l’outil mathématique. Elles étaient éligibles au traitement si leur sœur avait développé un cancer du sein. La modélisation calcule le rapport bénéfice-risque d’un traitement. Dans ce cas, elle prend en compte l’âge, l’ethnie de chaque patiente mais aussi son risque de cancer du sein ou d’effets secondaires liés au tamoxifène (AVC, cancer utérin, cataracte).
Dans 74 % des cas, le rapport bénéfice-risque du tamoxifène en prévention est positif. Pour une femme sur cinq, la prudence est de mise. Les chercheurs soulignent que certaines femmes sont plus à risque d’effets secondaires que d’autres. Les femmes qui ont subi une hystérectomie avant le début du traitement ont 11 fois plus de chance d’avoir un rapport favorable. Les femmes jeunes sont également favorisées. Les Afro-américaines, en revanche, sont 65 % plus à risque d’un rapport défavorable. « Le tamoxifène est très efficace pour prévenir le cancer du sein, mais il faut prendre en compte le risque de cancer de l’utérus, d’AVC ou de formation d’un caillot de sang », précise Hazel Nichols, co-auteur de l’étude. « Les femmes doivent avoir une conversation précise avec leur médecin sur leur santé, pour savoir si c’est une option raisonnable. »