Tout le monde se souvient de la mort de Laurent Fignon, ou encore de celles de Marco Pantani. Ces décès prématurés ont renforcé l’idée selon laquelle tous les cyclistes du Tour de France seraient dopés… et qu’ils le paieraient au prix cher. Pourtant, ces affaires dramatiques pourraient bien déformer quelque peu la réalité.
Pour savoir si l’espérance de vie des cyclistes en avaient pris un coup depuis le recours massif à l’EPO et aux hormones de croissance dans le peloton, plusieurs instituts de recherche* se sont lancés dans une grande étude, dont les résultats viennent d’être présentés au congrès européen de cardiologie (ESC) et publiés dans l’European Heart journal. Ils ont analysé la longévité et la mortalité des 786 cyclistes français ayant participé au Tour de France depuis 1947. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’espérance de vie des ces sportifs de haut niveau n’est pas diminuée. Bien au contraire même. On constate une baisse de la mortalité de 41% par rapport à la population générale, ce qui se traduit par six années de plus que le commun des mortels.
Le sport de haut niveau conserve
Cependant, pour le Pr Jean-François Toussaint, physiologiste et directeur de l’Irmes, cet avantage n’est pas surprenant : « De nombreuses études scientifiques mettent en évidence des écarts en faveur des sportifs de haut niveau. C’est vrai dans l’aviron, le ski, le base-ball, et même le foot-ball américain. Et à chaque fois, des réductions de mortalité assez comparables de l’ordre de 40 à 45% sont enregistrées. Le sport de haut niveau est à chaque fois associé à une augmentation de la durée de vie. » Et les cyclistes du Tour de France marquent des points sur toutes les causes de mortalité.
Ecoutez le Pr Jean-François Toussaint, directeur de l’Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie du sport : « La mortalité cardiovasculaire, respiratoire mais aussi par cancer est réduite. »
L’impact du dopage sur la santé des cyclistes restait pourtant une inquiétude. Ces chercheurs ont donc comparé la mortalité sur trois périodes de 20 ans depuis la seconde guerre mondiale pour mesurer son éventuelle évolution. Et aucune dégradation n’a été observée. Même au sein de la dernière génération de cyclistes où l’utilisation des produits dopants était très forte, la courbe de mortalité n’a pas bougé. « Bien sûr, il va falloir vérifier ces données chez des coureurs italiens, espagnols ou encore américains, lâche Jean-François Toussaint… Et si nous n’enregistrons pas surmortalité pour le moment, il faudra vérifier s’il n’y a un impact sur le très long terme. »
Plus résistants aux maladies que la moyenne
Comment expliquer ces 6 années de vie supplémentaire ? Trois raisons majeures sont avancées par le directeur de l’Irmes. « Ces cyclistes ayant participé au Tour de France ont tout d’abord des qualités physiques et psychologiques hors normes, qui leur permettent d’endurer des doses d’entraînement très importantes. Ils ont donc une meilleure résistance aux différentes maladies ». La deuxième explication, c’est la notoriété. Les sportifs de haut niveau peuvent parfois payer la rançon de la gloire mais il ne faut pas oublier le côté brillant de la médaille.
Ecoutez le Pr Jean-François Toussaint :« Pour ceux qui ont remporté des étapes, cela va également contribuer à une meilleure qualité de vie et une plus longue durée de vie.»
Enfin, il n’y a pas de miracle. Si ces cyclistes de haut niveau gardent un temps d’avance sur les cyclistes du dimanche et surtout sur ceux qui se contentent de regarder passer le peloton, c’est parce qu’ils conservent un entrainement physique, même après avoir pris leur retraite. « Très peu fument et très peu se mettent à fumer », souligne le Pr Jean-François Toussaint. La réduction de la mortalité par maladies respiratoires ne doit donc rien au hasard.
*L’Irmes (Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie du sport), le centre d’expertise de la mort subite, l’Institut Imagine, le labex GrEX et le Centre dépidémiologie sur les causes médicales de décès.