Le traitement de la leucémie lymphoïde chronique n’est pas systématique et dépend de chaque malade.
En effet, selon ses caractéristiques cinétiques et génétiques, la LLC peut relever soit d’une simple surveillance attentive et régulière, qui peut durer des années, soit de traitements médicamenteux plus ou moins complexes.
Pour choisir la stratégie la plus adaptée au cas de chaque malade, plusieurs médecins de spécialités différentes doivent se réunir pour discuter de chaque dossier : il s’agit d’une « réunion de concertation pluridisciplinaire » (ou RCP). Le choix de la prise en charge est basé sur le profil de chaque malade et les données validées scientifiquement que l’on trouve dans des recommandations de bonne pratique, elles-mêmes régulièrement remises à jour.
Les deux systèmes de classification clinique similaires, Rai et Binet, fournissent des informations pronostiques en utilisant les résultats de l'examen physique et de la numération sanguine.
Divers marqueurs biologiques et génétiques ont également une valeur pronostique. Les délétions du bras court du chromosome 17 (del [17p]) et/ou les mutations du gène TP53 permettent de prédire la résistance à la chimio-immunothérapie et un temps plus court avant la progression, avec la plupart des thérapies ciblées.
Un score pronostique international complet (CLL-IPI) intègre des variables génétiques, biologiques et cliniques pour identifier des groupes à risque distincts de patients atteints de LLC.
• Le suivi prolongé sans traitement est aussi appelée « surveillance active », c’est-à-dire qu’on surveille attentivement l’apparition de signes d’évolution de la LLC. Elle peut être une option s’il y a des signes de LLC mais pas de signes gênants, chez un malade qui est généralement déjà très âgé. Elle se justifie dans les circonstances où elle ne peut pas améliorer l’espérance de vie normale de la personne âgée, mais un traitement pourra être débuté secondairement si la maladie évolue.
• La chimiothérapie est le traitement principal de la LLC à risque moyen ou à risque élevé, ainsi que de la LLC qui récidive ou qui est réfractaire. On y a recours pour contrôler le nombre de cellules sanguines, atténuer l’anémie (nombre peu élevé de globules rouges), atténuer la « thrombocytopénie » (nombre peu élevé de plaquettes) et réduire la taille des ganglions lymphatiques et de la rate. On administre également une chimiothérapie si la rate est hypertrophiée : réduire la taille d’une « splénomégalie » soulage l’inconfort causé par la pression exercée sur d’autres organes.
• Lors d’un traitement ciblé, on se sert de médicaments qui ciblent des molécules spécifiques, comme des protéines, présentes à la surface des cellules cancéreuses. Ces molécules contribuent à l’envoi de signaux qui indiquent aux cellules de croître ou de se diviser. En ciblant ces molécules, les médicaments interrompent la croissance et la propagation des cellules cancéreuses tout en limitant les dommages aux cellules normales. On peut administrer un traitement ciblé quand la LLC est à risque moyen ou à risque élevé et quand elle récidive ou ne répond plus à la chimiothérapie. Il est également possible d’associer des médicaments ciblés à une chimiothérapie.
Les médicaments ciblés les plus souvent employés sont : le rituximab, l’alemtuzumab, l’ofatumumab, l’obinutuzumab, l’ibrutinib, l’idélalisib. On administre le rituximab, l’ofatumumab et l’obinutuzumab par voie intraveineuse (perfusion). L'alemtuzumab est administré par voie intraveineuse ou par injection juste sous la peau (injection sous-cutanée, ou SC). L’ibrutinib et l’idélalisib sont administrés par la bouche, sous forme de capsule ou de comprimé.
• On fait parfois de la chirurgie pour enlever la rate (« splénectomie ») si elle est enflée et douloureuse et que la chimiothérapie, ou la radiothérapie, ne permet pas d'en réduire la taille. Enlever la rate peut aussi aider à améliorer le nombre de cellules sanguines circulantes. On pratique la splénectomie sous anesthésie générale et la plupart des personnes opérées se rétablissent complètement en 4 à 6 semaines. La période de convalescence peut être plus courte après une chirurgie par laparoscopie. Il est possible que l’équipe de soins réalise certains vaccins avant la chirurgie pratiquée pour retirer la rate.
• On recourt parfois à la radiothérapie pour traiter la leucémie lymphoïde chronique (LLC). En radiothérapie, on a recours à des rayons ou à des particules de haute énergie pour détruire les cellules cancéreuses. On peut administrer une radiothérapie pour : réduire la taille d’une splénomégalie si la chimiothérapie n'est pas efficace, pour soulager la douleur causée par la croissance des cellules leucémiques dans la moelle osseuse, pour réduire la taille de ganglions lymphatiques gonflés dans une région du corps.
• La greffe de cellules souches ne constitue pas un traitement standard de la LLC à l’heure actuelle. Les personnes qui sont atteintes de LLC sont souvent âgées et risquent de ne pas bénéficier de cette greffe. Des chercheurs étudient la « greffe d’intensité réduite » afin de savoir si elle pourrait servir de traitement pour les personnes âgées atteintes de LLC.
• On administre un « traitement de support » pour maîtriser les complications habituellement associées aux traitements de la LLC et à la maladie même. Le traitement de soutien peut comporter : des antibiotiques, des antiviraux ou des antifongiques pour prévenir ou combattre les infections, des perfusions d’immunoglobulines pour prévenir les infections récurrentes, des transfusions de produits sanguins pour remplacer les cellules sanguines dont le nombre est bas, des facteurs de croissance, comme le filgrastim (Neupogen®), pour inciter le corps à produire des globules blancs....
• La leucophérèse est une technique qui consiste à séparer et à extraire, à l’aide d’une machine spéciale appelée « appareil d’aphérèse », des globules blancs spécifiques dans un prélèvement sanguin, pour enlever beaucoup de globules blancs du sang. Le sang restant est ensuite redonné à la personne.
De nouveaux traitements, en particulier des « thérapies ciblées », peuvent également être utilisées dans certains cas. Le traitement utilisé combine des molécules de chimiothérapie classique et des molécules d’immunothérapie : on parle « d’immunochimiothérapie ».
Il existe différentes stratégies de prise en charge en fonction de l’évolution de la LLC au moment du diagnostic. Seuls les patients dont la maladie est active ou symptomatique, ou dont le stade de Binet ou de Rai est avancé, nécessitent un traitement. Ces stratégies sont évolutives en fonction des progrès qui sont présentés chaque année.
• Le stade A ne nécessite pas de traitements. Une surveillance basée sur des examens cliniques et biologiques est mise en place. En cas d’évolution de la maladie, la mise en route secondairement d’un traitement par immunochimiothérapie et/ou d’une thérapie ciblée sera discutée.
• Les LLC de stade B ne présentant pas de signes d’évolutivité font généralement l’objet d’une surveillance basée sur des examens cliniques et biologiques. En cas de signes d’évolutivité, la mise en place d’un traitement reposant sur une immunochimiothérapie et/ou une thérapie ciblée est discutée. Des traitements spécifiques sont prescrits en cas de complications de la maladie.
• Les LLC de stade C font généralement l’objet d’un traitement d’emblée basé sur une immunochimiothérapie et/ou une thérapie ciblée. Des traitements spécifiques sont prescrits en cas de complications de la maladie. Dans quelques rares cas, une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques peut être envisagée. Elle est généralement proposée après un premier traitement par immunochimiothérapie et/ou thérapie ciblée.
En pratique, lorsqu'un traitement est indiqué, plusieurs options existent pour la plupart des patients atteints de LLC : une association de venetoclax et d'obinutuzumab, une monothérapie par ibrutinib ou une chimio-immunothérapie.
Pour les patients de moins de 65 ans en bonne forme physique (en particulier lorsqu'ils présentent un gène IGVH muté), la chimio-immunothérapie par fludarabine, cyclophosphamide et rituximab reste un traitement standard, car elle peut avoir un potentiel curatif.
En cas de rechute, le traitement initial peut être répété, si l'intervalle sans traitement dépasse 3 ans. Si la maladie rechute plus tôt, le traitement doit être modifié en utilisant un autre schéma thérapeutique.
Les patients qui ont une mutation del (17p) ou TP53 constituent une catégorie différente à haut risque et doivent être traités avec des agents ciblés. Une greffe de mœlle allogénique peut être envisagée chez les patients en rechute qui ont une mutation de TP53 ou une del (17p), ou chez les patients réfractaires au traitement par inhibiteurs.
Perspectives : Les agents ciblés (ibrutinib, idelalisib, venetoclax, obinutuzumab) seront de plus en plus utilisés en association pour permettre des thérapies courtes mais potentiellement définitives de la LLC. La démonstration que tous ces agents ciblés génèrent un résultat supérieur à celui des monothérapies avec des inhibiteurs de la tyrosine kinase de Bruton, reste parfois à démontrer. En outre, la séquence optimale des associations de médicaments est inconnue. Par conséquent, les patients atteints de LLC devraient être traités dans le cadre d'essais cliniques chaque fois que cela est possible.