Quand faut-il penser à une maladie de Lyme ?
La difficulté du diagnostic de la maladie de Lyme vient du fait qu’elle atteint de nombreux organes et que, quand la plupart des signes apparaissent, la morsure de tique est habituellement guérie et oubliée. Les personnes atteintes ne font donc pas nécessairement le lien entre la maladie et une morsure de tique.
Au stade de début, il faut évoquer cette maladie devant l’apparition d’une plaque rouge siégeant principalement aux membres inférieurs et du printemps à l’automne, chez quelqu’un qui a eu une morsure de tique ou qui va souvent en forêt ou dans les zones sauvages.
A un stade plus tardif, il faut évoquer cette maladie devant des signes d’atteintes de plusieurs organes en même temps (peau, articulations, muscles, cœur et système nerveux) chez les professionnels travaillant en forêt, les campeurs, les chasseurs, les golfeurs, les pêcheurs, les ramasseurs de champignons, les randonneurs…
Quels sont les signes les plus fréquents de la maladie de Lyme ?
Ces signes varient en fonction du stade de la maladie, avec la possibilité de chevauchement des stades, et en fonction du terrain immunitaire.
Il peut y avoir une absence totale de signes chez certaines personnes. D'autres peuvent éprouver des troubles graves, mais des semaines seulement après la morsure.
Les principaux signes seront donc une association à différents degrés de : fatigue, fièvre (avec ou sans frissons), gros ganglions, éruption sur la peau, maux de tête, faiblesse musculaire, engourdissements ou picotements, douleurs ou gonflements articulaires (arthrites), troubles du système nerveux (paralysies, douleurs), trouble de la cognition (difficultés à penser) et un rythme cardiaque irrégulier.
En l'absence de traitement antibiotique, les signes peuvent durer des mois, voire des années.
Comment la maladie est-elle diagnostiquée?
Le diagnostic de la maladie de Lyme peut être difficile à obtenir, car les signes varient d'une personne à l'autre (à cause de l'immunité) et peuvent ressembler à ceux d'autres maladies (polyarthrite "séronégative", sclérose en plaques, méningite, méningoradiculite…).
Le médecin sera amené à poser de nombreuses questions et à réaliser un examen clinique complet. Il recherchera en particulier un contexte favorable à une exposition aux tiques et la notion d’une morsure de tique et d’une plaque rouge sur la peau.
Il sera enfin amené à demander des prises de sang et en particulier un sérodiagnostic de Lyme.
Au stade des complications, il sera nécessaire de réaliser des examens complémentaires articulaires, cardiologiques et neurologiques.
Quel est l'apport des tests biologiques dans la maladie de Lyme ?
Afin de préciser le diagnostic, il est possible de réaliser des examens biologiques visant à mettre en évidence dans le sang ou dans d’autres liquides du corps des « traces » témoignant d’une réponse de l’organisme à l’infection à Borellia (le plus souvent des anticorps). Mais, entre des tests homologués qui n'ont pas toujours été fiables, des tests non évalués et non homologués, et des tests abracadabrantesques, il est difficile aux malades, comme d'ailleurs aux médecins, de s’y retrouver.
La méthode officielle qui a été choisie dans tous les pays, le test réglementaire, consiste à chercher dans le sang les anticorps produits par le système immunitaire du malade en réponse à un contact avec la bactérie Borellia. Il s'agit des tests sérologiques, réalisés en deux étapes (en France) selon les recommandations : une étape de « screening » (dépistage) par une technique « ELISA » qui, en cas de positivité, doit être confirmée obligatoirement par une seconde réaction appelée immuno-empreinte ou « Western-Blot ». Ces recommandations ont été établies au cours d’une conférence de consensus il y a dix ans, et elles ont été confirmées dans toutes les recommandations internationales depuis. Ces tests sont proposés aux patients en cas de suspicion d'une maladie de Lyme et réalisés dans un laboratoire d'analyses biologiques.
Ces 2 techniques sont donc systématiquement utilisées mais, selon une enquête de 2014 du Ministère de la Santé, elles n'étaient pas standardisées entre les laboratoires et les régions, concernant les antigènes et les seuils de sensibilité utilisés (un malade pouvait être considéré séropositif à Paris mais séronégatif à Orléans ou à Strasbourg, par exemple). Ce problème a été depuis corrigé avec les mesures mises en place par le Ministère de la Santé sur l'expertise des centres de référence. Mais en France et en Europe, la maladie de Lyme n'est pas due à une seule bactérie, mais à au moins à cinq espèces du genre Borellia différentes : pour identifier les anticorps produits par l'organisme au contact de chacune de ces bactéries, il faut donc utiliser des antigènes (les protéines de la bactérie reconnues par ces anticorps) appartenant à ces 5 espèces bactériennes qui peuvent être potentiellement à l'origine de la maladie (soit des antigènes communs à ces 5 bactéries, soit une combinaison d'antigènes qui couvre ces 5 espèces de Borellia). Mais les fabricants des différents tests sérologiques autorisés en France n'indiquent pas toujours les antigènes utilisés, ce qui est un facteur de complexité.
Dans certaines situations mal connues, les Borrelia se camoufleraient pour passer presque inaperçues des défenses immunitaires de l'organisme et induisent donc moins d’anticorps qu’au cours d’une infection bactérienne, ce qui laisse les tests Elisa et Western Blot négatifs ou faiblement positifs. D’après des chercheurs, la cause serait liée au passage des Borrelia dans les glandes salivaires de la tique, celles-ci se recouvriraient d'une sorte de camouflage fait de constituants de la salive de la tique. Quand la tique mordra une personne, Borrelia pénètrera « camouflée » dans son corps et se diffusera masquée dans le corps : avec ce camouflage, la bactérie serait à l'abri du système immunitaire humain, qui va réagir tardivement et faiblement à l'infection. L’infection à Borrelia sera dite « peu immunogène », c'est-à-dire qu'elle activera peu le système immunitaire de la personne infectée (et les tests usuels sont à des taux très faibles).
Par ailleurs, le résultat des tests est souvent négatif dans la première phase de la maladie (phase de l'Erythema Chronicum Migrans où il est inutile de les demander) mais toujours positif dans les phases secondaires et tertiaires. Il faut savoir également qu'une sérologie positive (IgG) peut correspondre à une infection ancienne, mais non évolutive (c’est-à-dire que la personne a contracté l’infection mais la maladie n’évolue pas), cas le plus fréquent chez les travailleurs forestiers ou après un traitement efficace.
Un autre test a été proposé par certains médecins européens, la « goutte épaisse », que l’on utilise par exemple dans le diagnostic d'une parasitose : le paludisme. Il s’agit d’analyser une goutte de sang de la personne suspecte d'infection sur une lame de verre à l'aide d'un microscope à fond noir. En France, et surtout en Allemagne, des laboratoires d'analyses proposent cette technique alors qu'elle n'est pas validée et qu'elle est franchement inefficace. En effet, une étude scientifique a été réalisée par l’équipe de Raymond-Poincaré, à Garches, et elle a démontré l’inefficacité de ce test puisqu'il déclarait positives des personnes malades mais aussi des personnes en bonne santé (nombreux faux positifs).
Certains pays utilisent d'autres tests déclarés plus sensibles et plus chers, comme le « Test de Transformation Lymphocytaire » (ou TTL). Leur avantage n'est pas toujours patent, car leur efficacité diagnostique dépend comme toujours des antigènes bactériens choisis et testés, ainsi que de la population contrôle testée. Leur évaluation est mal faite mais montre une trop grande sensibilité (nombreux faux positifs).
Un examen par « PCR » (ou « Polymerase Chain Reaction ») est considéré à tort comme la technique de référence : elle permettrait de mettre en évidence l’ADN (patrimoine génétique) de la bactérie dans tous les liquides et les tissus biologiques du corps où la Borellia pourrait se nicher ou aurait pu passer. La PCR est indiquée dans les cas douteux de lésion de la peau et des articulations, en particulier les malades avec discordance entre la clinique et la sérologie. La PCR est une méthode « d'amplification de l'ADN », bactérien ou viral, qui est utilisée pour trouver, par exemple, le virus du sida. C’est une méthode très sensible et très spécifique (le risque de confondre une autre bactérie avec une Borrelia est faible), à condition d'être utilisée selon des normes strictes pour éviter le risque de contamination par d'autres matériels génétiques. Mais Borrelia ne circule dans le sang que de manière transitoire et n'y reste pas : c'est pourquoi la PCR ne peut pas être considérée comme fiable quand elle est utilisée sur des prélèvements de sang, comme c'est régulièrement le cas dans d'autres pays européens, comme l'Allemagne. Par contre, elle peut être très intéressante quand un organe est touché spécifiquement par la maladie, par exemple, en cas d’épanchement de liquide articulaire (« arthrite »), on peut prélever le liquide synovial contenu dans les articulations pour l'analyser en PCR. En présence de problèmes neurologiques (« méningo-radiculite » ou « méningo-encéphalite »), la PCR dans le liquide céphalo-rachidien (prélevé par ponction lombaire) n'est pas très performante. On peut également faire une PCR sur une biopsie de peau sur le site de la morsure ou une biopsie de membrane synoviale.
Une autre méthode, appelée « Elispot », et habituellement utilisée pour le diagnostic de la tuberculose, est proposée par certains laboratoires d'analyses médicales. Ce test consiste à mettre en évidence des cellules du système immunitaire du patient qui auraient été en contact avec Borrelia. Mais comme le test de la goutte épaisse, il donne un nombre très élevé de résultats faussement positifs, et il n’a jamais démontré scientifiquement son intérêt pour le diagnostic de la maladie de Lyme. Les résultats de l'Elispot sont donc à prendre avec méfiance, ce qui est rédibitoire dans la mesure où ils coûtent cher (environ 300 euros).
Enfin, des stratégies de recherche d'autres germes se dessinent, car selon le programme CiTIQUE, en France, 31% en moyenne des tiques piqueuses d’êtres humains analysées (N=1412) sont porteuses d’au moins un agent potentiellement pathogène : 15% des tiques qui piquent les êtres humains sont porteuses de Borrelia burgdorferi sensu lato, la bactérie responsable de la maladie de Lyme et 14% sont porteuses d’un autre agent pathogène potentiellement dangereux pour la santé humaine. Il apparaît donc que les tiques pourraient transmettre plusieurs types de bactéries, autres que les Borellia, au cours de la même morsure (« co-infections » à Rickettsia, à Bartonella ou à Erlichia), y compris des bactéries « intracellulaires », ce qui veut dire que ces bactéries ne seront pas forcément sensibles aux mêmes antibiotiques que Borellia et qu’une cure d’amoxicilline par exemple, peut débarrasser des Borellia les personnes mordues par une tique, mais pas des autres bactéries. Ces autres bactéries sont cependant beaucoup moins fréquentes que les Borellia et leur fréquence peut varier selon les régions. Des parasites peuvent également être transmis par les tiques en France et dans le monde (Babesia), parasites qui ne sont pas non plus sensibles aux mêmes antibiotiques.
Dans tous les cas, sans aucune exception, les résultats des tests doivent être confrontés aux constatations de l’examen clinique réalisé par un médecin spécialiste. En cas de doute ou de situation complexe, il faut aller dans un centre de référence.