Le lupus est une maladie auto-immune chronique et diffuse à tout le corps. Elle se manifeste le plus souvent par des lésions au niveau de la peau et des douleurs articulaires, mais le lupus peut également atteindre des organes comme le rein, le cœur, le cerveau… Les progrès thérapeutiques ont té importants ces dernières années.
Par le Dr Jean-Paul Marre, rhumatologue, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris
Le lupus érythémateux disséminé est une maladie auto-immune chronique, de la famille des connectivites. Les connectivites regroupent des maladies systémiques, c’est-à-dire touchant plusieurs organes ce qui est à l’origine d’une présentation très diversifiée.
Le lupus, comme les connectivites, est caractérisé par des auto-anticorps qui sont dirigés contre différentes parties du corps. Ces anticorps jouent donc un rôle important dans l’apparition des atteintes d’organes.
Le risque est l’évolution vers une détérioration, progressive et parfois brutale, de différents organes et, en particulier, le rein, le cœur et le cerveau.
Le traitement est chronique et basé sur les anti-inflammatoires, les corticoïdes et les médicaments qui visent à réduire l’auto-immunité, les immuno-modulateurs. Plus récemment, des biothérapies ont montré leur intérêt dans certaines formes de lupus.
Le lupus est une maladie chronique, d’origine auto-immune, c’est-à-dire qu’elle s’explique par un dérèglement du système de l’immunité. Celui-ci est normalement chargé de défendre notre corps contre les agressions externes et internes, mais dans le cas du lupus, l’activité anormale des cellules de défense de notre corps, les lymphocytes, entraînent une agression de différents composants de tous les organes de notre corps : la peau, les articulations, le rein, le cœur, le cerveau…
L’hyperactivité du système immunitaire dans le lupus, qui se manifeste aussi par différents auto-anticorps, a vraisemblablement pour origine de multiples facteurs, même si les causes exactes restent inconnues.
Du fait de la diversité des causes et de la grande variété des atteintes possibles (maladie systémique), l’expression de la maladie sera différente pour chaque individu. Elle peut être exclusivement cutanée (sans aucun risque d’atteinte ultérieure d’un organe vital), ou plus diffuse et touchant plusieurs organes, ce qui peut conduire à des atteintes sévères si la maladie n’est pas bien traitée.
En effet, l’absence de traitement adapté et surtout bien suivi, et les formes diffuses de la maladie lupique peuvent aboutir à des défaillances de différents organes, et en particulier le rein, le cœur, le cerveau... Cette grande diversité dans la maladie est la raison pour laquelle les médecins cherchent à développer une prise en charge et un traitement adaptés au plus près du profil de chaque malade.
Le lupus est une maladie auto-immune qui ne peut pas être rattachée à une seule cause. Sa cause exacte est inconnue et son origine tient probablement plus à l’association de plusieurs facteurs et d’un terrain génétique prédisposant (maladie multifactorielle).
Parmi les facteurs prédisposant, les facteurs immunogénétiques sont les plus connus : le risque d’avoir une maladie lupique chez deux vrais jumeaux est 4 fois plus important que chez les faux jumeaux. Le lupus n’est, en effet, pas associé à une anomalie majeure d’un seul gène (comme dans l’hémophilie), mais ce sont différentes particularités génétiques qui, associées, prédisposent à développer la maladie (« maladie multigénique »). Ces petites différences génétiques des gènes de l’immunité sont appelées « polymorphismes ». On retrouve donc une prédisposition génétique au lupus associée à certains groupes HLA et à certains gènes, mais aucune anomalie, prise isolément, ne suffit pour provoquer la maladie.
Les facteurs d’environnement susceptibles de participer au déclenchement d’un lupus sont nombreux mais, là encore, aucun ne peut à lui seul déclencher la maladie. Il faut certainement plusieurs facteurs d’environnement (associés à des vulnérabilités génétiques du système immunitaire) pour provoquer la maladie. Les facteurs d’environnement les plus connus sont des virus, comme les virusceux de la mononucléose infectieuse (virus d’Epstein-Barr), et différents médicaments (comme la procaïnamide, la quinidine, l’hydralazine…), ainsi que des facteurs toxiques. D’autres facteurs plus connus, comme les rayons ultraviolets (du soleil) et les hormones des femmes (estrogènes), sont sans doute plus importants. En revanche, il n’y a pas de métier connu comme favorisant l’apparition d’un lupus systémique. La responsabilité de certains produits utilisés pour les teintures capillaires avait été évoquée dans le passé, mais cela a été éliminé depuis.
Le lupus, comme la plupart des maladies auto-immunes, touche beaucoup plus souvent les femmes que les hommes (9 femmes pour un homme). Cette prédominance féminine n’est pas très claire et est probablement en rapport avec de nombreuses causes, même si elle peut s’expliquer du fait des différences hormonales ou des différences génétiques.
La cause hormonale de cette prédominance féminine de la maladie est l’explication la plus traditionnellement avancée. Les hormones des femmes et, en particulier les estrogènes, favorisent globalement l’excès d’immunité observé dans le lupus. Cela explique que la maladie puisse s’aggraver pendant la grossesse, lors de la prise de contraceptifs hormonaux à base d’estrogènes ou lors du traitement hormonal substitutif après la ménopause.
Le chromosome X, dont les cellules féminines portent deux exemplaires (XX), alors que les cellules masculines n’en portent qu’un (XY), est un chromosome sur lequel on trouve des gènes importants de notre système immunitaire. Il a été démontré qu’une femme lupique exprimerait différemment les gènes de l’immunité portés par le chromosome X, ce qui pourrait favoriser une hyperactivité du système immunitaire.
Un lupus peut apparaître suite à la prise de certains médicaments. On considère alors que le lupus a été « induit » par la prise de ces médicaments et on parle de « lupus induit ». Ce profil de maladie induite se manifeste par un profil auto-immun différent avec des auto-anticorps différents.
Parmi ces médicaments, on retiendra la doxycycline (antibiotique fréquemment prescrit contre certaines infections et l’acné), certains antituberculeux, certains bêtabloqueurs (médicaments antihypertenseurs), certains antiépileptiques (carbamazépine), les anti-TNF.
La liste des médicaments potentiellement inducteurs est très longue et elle est régulièrement remise à jour, mais il est parfois difficile d’être certain du caractère vraiment inducteur de ces médicaments pour le lupus. Dans certains cas, l’arrêt du médicament « inducteur » n’entraîne pas, en effet, la disparition de la maladie lupique.
Le lupus n’est pas une maladie héréditaire, même s’il peut exister une prédisposition familiale aux maladies auto-immunes. En revanche, un « lupus néonatal » est une complication de la maladie lupique, lupus de la mère qui va affecter le fœtus ou le nouveau-né. Cette complication est toujours associée à la présence de certains auto-anticorps chez la mère : les anti-SSA (anti-Ro) ou SSB (anti-La) la mère.
Ces anticorps sont capables de passer de la mère vers le fœtus, en traversant la barrière du placenta, et ils peuvent attaquer certains organes de l’enfant. Il peut, en particulier, se produire une éruption chez le nouveau-né, qui ressemble au lupus cutané et, plus grave, mais plus rare, un ralentissement de la conduction électrique dans le cœur du fœtus, appelé « bloc auriculo-ventriculaire congénital » : 1 % des enfants de mères lupiques porteuses d’anticorps anti-SSA courent ce risque. Ce bloc de conduction des influx nerveux dans le cœur ralentit les battements du cœur de l’enfant et expose à un arrêt cardiaque. On peut observer, plus rarement, une maladie du foie ou des troubles neurologiques.
A la naissance, les anticorps anti-SSA de la mère sont progressivement éliminés et l’éruption cutanée va régresser, en revanche, le ralentissement de la conduction électrique du cœur peut persister, ce qui peut conduire à appareiller le cœur de l’enfant à la naissance. Lors d’une grossesse lupique, la présence des anticorps anti-SSA justifie une surveillance rapprochée du cœur de l’enfant par échographie.
A côté du lupus néonatal, il peut exister un lupus chez l’enfant mais ces formes pédiatriques sont rares : elles représentent environ 5 % des lupus. Ce lupus de l’enfant est souvent sévère, avec une atteinte rénale plus fréquente que dans la forme de l’adulte. Il serait moins nettement associé au sexe féminin.
Le syndrome des anticorps anti-phospholipides (SAPL) est une maladie auto-immune qui peut être associée au lupus (SAPL secondaire). Le SAPL est caractérisé par la présence d’anticorps dirigés contre les phospholipides. Les phospholipides sont des constituants des membranes des cellules, dont les cellules des parois des vaisseaux sanguins. En interagissant avec ces membranes des parois des vaisseaux, ces anticorps peuvent activer la coagulation et entraîner l’apparition de caillots de sang (thromboses). La particularité de ces caillots est qu’ils peuvent se former aussi bien dans les veines (phlébites à répétition), que les artères (thromboses artérielles). Chez la femme enceinte, ces anticorps peuvent boucher les vaisseaux du placenta, diminuer ainsi les échanges entre la mère et son enfant, et provoquer une fausse-couche.
La formation de caillots de sang peut se produire dans tous les vaisseaux du corps : artères du cerveau, du rein, du cœur ou veines des membres, du cou, du foie… En fonction du type et de l’endroit anatomique où le vaisseau est bouché, les symptômes seront différents ce qui complique le diagnostic. Mais on peut avoir des anticorps anti-phospholipides, sans qu’ils augmentent pour autant le risque de caillots sanguins.
Le SAPL peut également être isolé et on parle alors de SAPL primaire.
D’autres maladies auto-immunes peuvent s’associer au lupus, probablement en raison d’un terrain génétique commun.
Le syndrome de Gougerot-Sjögren peut s’associer au lupus, dans environ 30 % des cas. Il s’agit d’une maladie auto-immune qui touche surtout les glandes exocrines et qui se manifeste principalement par une sécheresse de la bouche et/ou des yeux.
Le syndrome des anticorps anti-phospholipides (SAPL), qui se caractérise sur le plan clinique par l’apparition des caillots de sang (thromboses) (caillots de sang) au niveau des artères ou des veines est souvent associé au lupus également.
Enfin, d’autres maladies auto-immunes systémiques, comme les myopathies inflammatoires, la polyarthrite rhumatoïde ou la sclérodermie, peuvent être associées au lupus.