Si le rhumatisme psoriasique survient chez des personnes déjà atteintes de psoriasis cutané, l’apparition de douleurs articulaires inexpliquées peut faire évoquer la maladie articulaire et c’est l’analyse de la présentation clinique qui permettra de poser le diagnostic.
Mais l’atteinte articulaire précède parfois l’éruption de psoriasis ou la personne n’a jamais été consciente de lésions cutanées qui peuvent être très discrètes (cuir chevelu, derrière les oreilles, sillon inter-fessier, modifications minimes des ongles) : il est conseillé de consulter son médecin devant des douleurs articulaires, de la colonne vertébrale, des fesses ou des talons qui persistent plus de 2 semaines :
Surtout si les douleurs sont maximales dans la 2e partie de la nuit ou le matin et qu’elle s’accompagnent de réveils nocturnes et de raideurs maximales le matin, avec un dérouillage matinal de plus de 30 minutes et s’estompent ensuite dans la journée et à l’effort (et évoquent une spondyloarthrite).
Surtout si les douleurs concernent les articulations distales des doigts (inter-phalangiennes distales), si elles sont asymétriques et capricieuses et si elles s’accompagnent d’un gonflement de l’ensemble du doigt ou de l’orteil « en saucisse ». Une arthrite survient parfois à la suite d’une blessure et peut faire l’objet d’un diagnostic erroné.
Il n’existe pas de test spécifique permettant d’établir un diagnostic de rhumatisme psoriasique. L’antigène HLA B27 est une protéine que l’on retrouve normalement à la surface des globules blancs de certaines personnes et cet antigène est retrouvé plus fréquemment au cours des spondylarthrites. Mais, l’antigène HLA B27 est retrouvé chez 8 % des personnes normales et sans spondylarthrite, par ailleurs, il est retrouvé chez seulement 50 % des malades souffrant de rhumatisme psoriasique de forme axiale.
Le diagnostic est plus facile à poser en cas de psoriasis cutané et/ou des ongles et si le tableau est typique (atteinte distale des doigts, doigt ou orteil en saucisse, atteintes mixtes, axiale et périphérique, caractère destructeur et reconstructeur du processus articulaire).
La lésion typique du psoriasis est une plaque inflammatoire rouge, surmontée d’une croûte faite de squames blanchâtres qui se détachent pour laisser apparaître une plaque rouge « vernissée » à la surface de la peau. C’est l’épaisseur de la squame et les caractéristiques associées qui permettent de différencier cette lésion d’une dermite séborrhéique : les plaques rouges du psoriasis sont bien délimitées, rondes ou ovales. Les plaques peuvent être étendues et mesurer plusieurs centimètres de diamètre. Elles peuvent également être petites et nombreuses en forme de goutte. Dans 30 à 60 % des cas, ces plaques peuvent démanger (« prurit »). Il n’y a, en revanche, ni fièvre, ni fatigue.
Le psoriasis se situe habituellement sur le cuir chevelu et sur les zones de frottement : coudes, avant-bras, genoux, bas du dos, mais d'autres localisations sont possibles : ongles (croissance anormale et décoloration des ongles des mains et des pieds, micro-ponctuations « en dé à coudre »), lésions de la paume des mains, de la plante des pieds, des plis (par exemple, la pliure du bras, de la cuisse, l'arrière du genou, sous les seins...), des muqueuses génitales chez l’homme avec atteinte du gland. Le psoriasis se manifeste alors sous forme de plaques rouges indolores et ne desquamant pas.
Les ongles sont parfois touchés au cours d'un psoriasis commun, mais peuvent n'être que la seule localisation de la maladie chez certaines personnes. Les ongles ont généralement de légères déformations punctiformes (aspect en « dé à coudre ») ou se décoller du doigt. La peau peut être très épaissie sous l’ongle qui perd alors sa transparence (hyperkératose sous-unguéale).
Quand il n’y a pas de psoriasis cutané évident et connu, les signes articulaires du rhumatisme psoriasique peuvent être semblables à ceux d’autres formes de polyarthrite ou de spondyloarthrite. Afin de faire le diagnostic et d’exclure d’autres formes d’arthrite, le médecin recherchera dans les antécédents familiaux la notion d’un psoriasis cutané et fera un examen clinique détaillé de la peau et des ongles (en particulier cuir chevelu, derrière les oreilles, sillon inter-fessier et ongles).
Il existe trois atteintes au cours du rhumatisme psoriasique : l’atteinte inflammatoire des articulations périphériques (ou « arthrite »), l’atteinte axiale de la colonne vertébrale (ou spondylite) et des articulations sacro-iliaques du bassin (sacro-iliite) et l’atteinte de l’insertion des tendons, comme la « talalgie », mais de nombreux autres tendons peuvent être concernés dans tout le corps (« enthésopathie »).
L’atteinte des articulations périphériques, ou arthrite, consiste en une inflammation et une hypertrophie de la membrane synoviale qui recouvre l’intérieur des articulations. L’aspect caractéristique est l’atteinte de quelques articulations (« oligoarthrite ») ou de plus de 4 articulations, la polyarthrite chronique, capricieuse et asymétrique.
Au niveau des mains, l’atteinte des articulations distales des doigts (inter-phalangiennes distale ou IPD) évoque fortement ce diagnostic, de même que la triple atteinte (métacarpo-phalangienne et interphalangiennes proximale et distale) formant parfois le caractéristique doigt ou orteil « en saucisse » (gonflement du doigt qui efface les reliefs osseux). Chez 5 à 15 % des malades, le rhumatisme psoriasique prend un caractère destructeur, très agressif des articulations (« arthrite mutilante des mains ») avec résorption des houppes phalangiennes.
La particularité des atteintes articulaires en radiographie est que les lésions articulaires sont, soit très mutilantes avec des lésions destructrices des doigts qui sont rongés « en sucette », soit à la fois destructrices et constructrices, ce qui est très caractéristique.
Lorsqu’elles sont présentes, les manifestations axiales et tendineuses du rhumatisme psoriasique sont les mêmes que dans la spondylarthrite ankylosante : lésions radiologiques de « syndesmophytes » au rachis, « sacroiliite » asymétrique au bassin avec « ossification » des insertions des tendons qui s’insèrent sur le bassin (ou « insersite ») donnant un aspect de bassin « hérissé » en radiologie et « talalgie » avec lésion d’insersite osseuse au calcanéum (« calcanéite »). Par ailleurs, la spondylarthrite peut s’associer assez fréquemment à des lésions extra-osseuses et extra-cutanées comme une atteinte inflammatoire de l’œil ou « uvéite ».
Dans tous les cas, le médecin demandera des prises de sang, une échographie articulaire et des radiographies des articulations et des sacro-iliaques à la recherche d’une atteinte articulaire mixte, à la fois destructrice (« ostéolyse ») et reconstructrice, ainsi qu’une atteinte inflammatoire des articulations sacro-iliaques, ou « sacro-iliite », et une atteinte de l’insertion des tendons sur le calcanéum, ou « calcanéite ». Le rhumatisme psoriasique est l’exemple typique de la polyarthrite « séronégative » (négativité des examens immunologiques sanguins) ou de forme mixte, à la fois axiale (spondylite et sacro-iliite) et périphérique (arthrite et enthésite).
Il est important qu’un diagnostic exact soit posé, car si certaines options thérapeutiques sont communes à la polyarthrite rhumatoïde ou à la spondylarthrite, d’autres sont plus spécifiques et certaines ne marchent pas dans cette maladie.
Le rhumatisme psoriasique dans sa présentation type polyarthrite périphérique peut être confondu avec une polyarthrite rhumatoïde, mais le diagnostic peut être réorienté si les douleurs concernent les articulations distales des doigts (inter-phalangiennes distales qui sont exceptionnelles dans la polyarthrite rhumatoïde), si elles sont asymétriques et capricieuses, si elles s’accompagnent d’un gonflement du doigt ou de l’orteil (« en saucisse »), si l’atteinte radiologique est à la fois destructrice et reconstructive, et si l’on découvre un psoriasis cutané ou unguéal discret ou des antécédents familiaux de psoriasis.
Ce n’est pas sans importance car certains traitements de fond utilisés dans la polyarthrite rhumatoïde sont de peu d’efficacité et certains risquent même d’entraîner des accidents au cours du rhumatisme psoriasique : c’est le cas de l’hydroxychloroquine et plus rarement des sels d’or.
Les formes avec atteinte distale isolées des articulations des doigts peuvent être confondues avec les formes de polyarthrose érosive, mais le syndrome inflammatoire, les signes cutanés ou unguéaux discrets, l’aspect radiographique (association de lésions destructrices et reconstructrices) et les antécédents familiaux redresseront le diagnostic.
Les formes axiales peuvent être confondues avec les autres spondylarthrites, mais le début plus tardif, après 30 ans, l’asymétrie nette de l’atteinte sacro-iliaque et les signes cutanés ou unguéaux discrets ou les antécédents familiaux orienteront vers une spondylarthrite psoriasique. Cette différence n’est pas sans intérêt depuis la mise au point des biothérapies plus spécifiques du psoriasis (anticorps anti-IL12/23 et anti-IL17-A et un inhibiteur de la phosphodiestérase-4) à la différence des anti-TNF qui marchent dans toutes les spondylarthrites.
Le rhumatisme psoriasique dans sa présentation type polyarthrite peut être confondu avec une polyarthrite rhumatoïde qui, si elle n’est pas traitée rapidement, va entraîner des destructions articulaires qu’aucun médicament ne peut réparer.
Le rhumatisme psoriasique lui-même peut rapidement causer des lésions articulaires s’il n’est pas traité et maîtrisé. Ces lésions peuvent survenir même en l’absence de douleur intense. Elles ne sont pas réversibles et peuvent entraîner d’intenses douleurs ainsi qu’une invalidité. Certains médicaments récents semblent avoir un intérêt tout particulier dans le rhumatisme psoriasique et ne pas en faire bénéficier le malade pourrait être une perte de chance.
De nombreuses études ont montré qu’un traitement précoce et agressif permet dans bien des cas d’améliorer l’évolution de la maladie à long terme et de réduire considérablement les lésions articulaires.