Quand faut-il penser au syndrome de Gougerot-Sjögren ?
Les signes du syndrome de Gougerot-Sjögren varient d'une personne à l'autre.
• Le signe le plus évident est la sécheresse de la bouche et des yeux. Chez les personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde ou d'une autre maladie systémique, ce signe peut être longtemps masqué derrière les autres plaintes du malade. La diminution de la quantité de salive dans la bouche peut rendre difficile la mastication et la déglutition des aliments secs (pain, gâteaux secs…). Le malade a souvent l'impression « d'avoir du sable dans les yeux », en particulier le matin au réveil. Ces manifestations ne sont cependant pas spécifiques du syndrome de Gougerot-Sjögren et peuvent se rencontrer en cas de troubles hormonaux, lors de la prise de certains médicaments et du vieillissement.
• Un gonflement des glandes salivaires, le long du bord inférieur ou en arrière de la mâchoire peut faire penser à un syndrome de Gougerot-Sjögren. Ce gonflement peut être douloureux ou pas, et permanent ou épisodique. Il peut apparaître d'un seul ou des deux côtés de la mâchoire.
Les glandes salivaires étant moins actives, les dents et les gencives sont privées de l'effet nettoyant de la salive, ce qui favorise la carie et peut accélérer les troubles des dents et des gencives (« parodontopathie »).
• La fatigue n’est pas très évocatrice, mais elle est marquée au cours du syndrome de Gougerot-Sjögren. Elle est évocatrice si elle s’associe à des douleurs (surtout des petites articulations) et symétrique, ainsi que des taches rouges sur la peau du bas des jambes (« purpura vasculaire »), un engourdissement ou des fourmillements des orteils (atteinte des nerfs sensitifs)... En cas de fatigue au cours d’un syndrome de Gougerot-Sjögren, il ne faut pas oublier de rechercher une hypothyroïdie, surtout s’il y a des antécédents de thyroïdite de Hashimoto.
Comment faire le diagnostic de syndrome de Gougerot-Sjögren ?
Le diagnostic du syndrome de Gougerot-Sjögren repose sur un faisceau d’arguments cliniques, immunologiques et histologiques, c’est-à-dire la réunion d’un certain nombre de critères. En général, on peut porter le diagnostic devant l’association de signes cliniques, notamment du syndrome sec et d’au moins un examen complémentaire positif.
• Les signes cliniques du syndrome sec sont subjectifs (perception d’une sécheresse de l’œil et de la bouche) et objectifs : « kérato-conjonctivite » et tests évaluant la sécheresse de l’œil ou de la bouche positifs.
Les sécrétions des glandes lacrymales peuvent être mesurées au moyen de l'épreuve de Schirmer, qui consiste à insérer dans le cul de sac conjonctival une bandelette de papier filtre graduée : on considère qu’il existe une hyposécrétion lacrymale si moins de 5 mm de la bandelette a été humecté par les larmes au bout de 5 minutes. Une autre épreuve courante est le test de coloration au rose Bengale ou au vert de lissamine, qui consiste à instiller dans l'œil un colorant qui en tâchera temporairement la surface en rouge si elle est sèche. Ce test étant un peu désagréable, il peut être remplacé par un test équivalent.
La mesure du débit salivaire qui consiste à mesurer dans un verre gradué la quantité de salive que peut cracher la personne en 15 minutes est un moyen simple de quantifier cette hyposécrétion salivaire. On considère qu’elle est pathologique en deçà de 1,5 ml sur 15 minutes.
• Un élément important du diagnostic est la mise en évidence dans le sang d’anticorps anti-SSA (anti-Ro) et anti-SSB qui sont assez spécifiques de la maladie (mais peuvent se voir dans le lupus érythémateux disséminé).
• Un autre élément majeur du diagnostic est la mise en évidence d’un aspect histologique compatible sur une biopsie de glandes salivaires accessoires. Il s’agit d’un geste minime qui consiste à prélever de petites glandes salivaires accessoires au niveau de la face interne de la lèvre inférieure sous anesthésie locale. Cette biopsie met en évidence l’infiltration des glandes salivaires par de très nombreux lymphocytes qui se regroupent en amas, au sein du tissu glandulaire qui peut être plus ou moins altéré avec notamment une dilatation des petits canaux excréteurs de salive, sclérose et atrophie du tissu glandulaire. Seule une infiltration importante par ces cellules lymphocytaires est caractéristique du syndrome de Gougerot-Sjögren.
Ce degré d’infiltration doit être coté par le pathologiste qui étudie les lames de biopsies selon la classification de Chisholm, qui compte 4 stades : le stade 0 est une absence totale d’infiltrat lymphocytaire, le stade 1 correspond à un infiltrat léger, le stade 2 à un infiltrat un peu plus important, mais comportant moins de 50 cellules lymphocytaires par 4 mm&³2; de tissu glandulaire, le stade 3 correspond à un foyer de plus 50 lymphocytes par 4 mm&³2;, enfin dans le stade 4, l’infiltration est encore plus importante, réalisant plus d’un foyer de 50 cellules par 4 mm&³2;.
Seuls les stades 3 et 4 de la classification de Chisholm sont caractéristiques de la maladie, et constituent un critère majeur du diagnostic.
Ces 4 stades de Chisholm ne correspondent donc qu’uniquement au degré de l’infiltration du tissu glandulaire par les cellules lymphocytaires, et il n’y a aucune corrélation entre ces stades et la sévérité du syndrome sec ou le nombre et la gravité des éventuelles manifestations systémiques extra glandulaires de la maladie.
• Au cours de l’évolution du syndrome de Gougerot-Sjögren, et en fonction des signes présentés par le malade, d’autres examens complémentaires peuvent être nécessaires comme : l’électromyogramme, s’il existe des signes d’atteinte des nerfs périphériques (ou les « potentiels évoqués laser » pour les atteintes des petites fibres), le scanner thoracique, en cas de suspicion d’atteinte pulmonaire, un IRM cérébrale ou médullaire en cas de suspicion d’atteinte neurologique centrale, très exceptionnellement biopsie rénale ou biopsie de ganglions.
Faut-il faire systématiquement une biopsie des glandes salivaires accessoires pour le diagnostic du Gougerot-Sjögren ?
La biopsie des glandes salivaires accessoires permet de savoir s’il y a une véritable inflammation (lymphocytaire) dans les glandes salivaires. Cet examen permet donc de différencier un syndrome sec lié à un syndrome de Gougerot-Sjögren (maladie auto-immune) d’autres syndromes secs.
A titre d’exemple, quand le syndrome sec est lié à la prise d’un médicament (psychotrope) dans une autre maladie, il n’y a pas de petites cellules de l’inflammation (lymphocytes) dans les glandes.
Cependant, si le diagnostic de syndrome de Gougerot-Sjögren (forme auto-immune) est assuré par d’autres examens, en particulier la présence d’anticorps antinucléaires de type anti-Ro-SSA, la biopsie n’est pas forcément nécessaire.
Il faut aussi rappeler qu’il peut être utile de faire une biopsie pour des études de recherche clinique. L’analyse de certaines anomalies inflammatoires, de l’expression de certains gènes ou de la recherche éventuelle de certains débris microbiens est une voie de recherche très importante dans le syndrome de Gougerot-Sjögren. Il peut être proposé aux patients d’effectuer cette biopsie en les informant, et si nécessaire, en demandant leur consentement.
Avec quoi peut-on confondre un syndrome de Gougerot-Sjögren ?
Le syndrome sec n’est pas toujours au premier plan et devant un tableau de douleurs avec fatigue, il est assez facile d’évoquer une fibromyalgie. Une polyarthrite rhumatoïde peut également être évoquée en cas d’arthrite avec synovite, mais le Gougerot-Sjögren ne donne aucune destruction osseuse des articulations. Le lupus peut donner également des douleurs, des atteintes articulaires et musculaires, voire neurologiques. De même, il peut partager un certain nombre d’anticorps auto-immuns avec le Sjögren (anticorps antinucléaires, anti-SSA et anti-SSB). On peut également évoquer une hyperthyroïdie en cas de thyroïdite. Un déficit des muscles de la racine des membres secondaires à l’hypokaliémie peut faire évoquer une pseudo-polyarthrite rhyzomélique.
Quand faut-il consulter en urgence ?
Certaines manifestations traduisent évolutivité de la maladie et il est nécessaire de les connaître afin de consulter rapidement : il s’agit des épisodes de gonflement des glandes salivaires, en particulier les glandes parotides. Une poussée de purpura ou l’apparition d’un essoufflement avec gêne respiratoire rapidement progressive sont aussi des motifs de consultation en urgence. L’apparition de troubles de la sensibilité de la peau, de fourmillements ou d’un déficit brutal d’un membre doit faire suspecter une atteinte neurologique et justifie aussi d’une consultation urgente.
Les douleurs de la bouches ou de la langue sont-elles inquiétantes ?
Une douleur dans toute la bouche (« stomatodynie ») ou une douleur uniquement sur la langue (« glossodynie ») est un signe extrêmement pénible mais qui n'évoluera pas vers une lésion grave ou une tumeur. Avec le temps, les douleurs vont diminuer sans que l’on sache en combien de temps.
Pour tenter de se soulager, il existe différentes petites techniques comme garder des gorgées d'eau dans la bouche, sans les avaler ou sucer des comprimés antidouleurs. Si ces petits moyens ne soulagent pas, au moins un peu, il peut être nécessaire de consulter un psychiatre, parce que la stomatodynie se développe souvent dans un contexte anxio-dépressif qu’il faudra prendre en charge.