Il faut évoquer une fracture de fatigue devant des douleurs localisées aux os des membres inférieurs après des efforts inhabituels et répétés. Aux membres inférieurs, ces douleurs sont essentiellement déclenchées par la marche ou la course à pied, sont aggravées lors des marches prolongées avec des chaussures à semelles de cuir ou lors des séances d’entraînement en particulier sur sol dur. La douleur, d’abord sournoise, apparaît initialement après un entraînement, puis devient progressivement croissante et franchement aiguë à l’effort, contraignant à l’arrêt de l’activité sportive. Chez le coureur, ces douleurs limitent la durée et la fréquence des entraînements.
Il faut garder à l’esprit que chez le coureur, une douleur de « périostite » qui persiste depuis plusieurs mois, alors que tous les traitements médicaux efficaces habituels ont été mis en place (étirements des muscles de la jambe, travail d’équilibre, semelles orthopédiques pour diminuer la pronation, rééducation avec renforcement excentrique des muscles tibiaux postérieurs et antérieurs), doit être considérée jusqu’à preuve du contraire comme une fracture de fatigue.
Initialement décrite chez les jeunes recrues, quelques semaines après leur incorporation, la fracture de fatigue est retrouvée désormais le plus souvent chez les sportifs, et pas forcément ceux de haut niveau : ce sont surtout des sportifs amateurs en bonne santé qui reprennent ou augmentent leur activité physique.
La douleur apparait lors de l’activité puis peut persister au repos, le plus souvent aux membres inférieurs (au tibia, sur un pied le plus souvent ou au niveau du fémur ou du bassin). Il n’y a pas de notion de traumatisme, d’anomalie localisée ou de facteur déclenchant+++. Le sportif est le plus souvent en bonne forme, la fracture de fatigue survenant en effet quelques semaines après une reprise de l’activité sportive ou une augmentation de l’intensité de son entraînement.
Le diagnostic est évoqué devant la notion de douleurs « mécaniques » (aggravées par l’activité et calmées par le repos), sans traumatisme déclenchant mais avec des circonstances favorisantes, essentiellement liées à une activité sportive trop intense ou une modification de l’activité sportive dans le cadre d'un entraînement mal conduit.
En cas de douleur du talon (« talalgie ») avec appui au sol très douloureux, il faut évoquer le diagnostic de fracture de fatigue du calcanéum dans le cadre d'une augmentation inhabituelle des sollicitations mécaniques. La localisation au niveau du calcanéum est fréquente puisqu'un quart des fractures de fatigue se situe à ce niveau. Une atteinte bilatérale n'est pas rare.
Les signes cliniques varient selon la localisation osseuse, mais ne permettent que rarement d'affirmer le diagnostic, sauf sur un os superficiel, comme le tibia, où on observe un œdème avec une douleur localisée aiguë (« exquise ») à la palpation, et un nodule dur et douloureux au stade tardif. En cas de fracture du calcanéum (os du talon), on réveille la douleur lorsqu'on palpe les bords latéraux (internes et externes) du calcanéum (pince bidigitale). Il n'y a pas de douleur à la pression inférieure du calcanéum.
Des radiographies osseuses standard de la zone douloureuse sont alors généralement demandées par le médecin et elles sont, toujours normales au début et normales une fois sur 2 au stade tardif. Même si, au début, la radiographie standard ne permet pas de détecter une fracture de fatigue à son stade précoce, elle permet cependant d’éliminer d’autres maladies comme une périostite ou une anomalie focalisée comme une tumeur. Secondairement, la radiographie peut objectiver des signes de consolidation osseuse (« appositions périostées »), voire une fissure sous la forme d’une ligne de condensation perpendiculaire aux travées osseuses.
En cas de négativité des radiographies standards, le recours à la scintigraphie et à l'imagerie en coupes scanner et surtout IRM, est alors requis, afin de visualiser la fracture. L’IRM, et dans certaines localisation, l’échographie, sont les examens les plus intéressants au stade précoce pour affirmer le diagnostic d’une fracture de fatigue.
L’échographie, un examen peu coûteux, non invasif, facilement accessible et non irradiant, tend à prendre une place de plus en plus importante dans le diagnostic précoce des fractures de fatigue des os corticaux superficiels.
L’IRM révèle typiquement une ligne de fracture linéaire hypointense sur les images pondérées en T1 et T2 avec une hyperintensité de la moelle osseuse et des tissus mous adjacents sur les séquences en T2 (ou STIR), correspondant à un œdème. Les « appositions périostées » (os périostéal) qui apparaissent lors de la cicatrisation (début de cal osseux) ont un signal faible sur toutes les séquences, mais un œdème des tissus mous adjacents est souvent encore présent.
Une douleur à l’effort au niveau de la partie basse des membres inférieurs, et en particulier du tibia, n’est pas obligatoirement une fracture de fatigue. Une douleur du tibia peut en effet être confondue avec une « périostite », c’est-à-dire un problème d’insertion des muscles sur l’os, ou un « syndrome des loges », c’est-à-dire un problème musculaire lié à l’inadéquation entre le volume musculaire à l’effort et la loge ostéofibreuse dans laquelle il est normalement contenu (constituée par le tibia et les membranes fibreuses peu extensibles qui entourent les muscles = les « aponévroses »). Cette inadéquation volumétrique à l’effort aboutit à une augmentation de pression dans le muscle et la cavité, qui peut comprimer les structures nerveuses, très fragiles, et gêner la circulation du sang.
A la jambe, la localisation de la douleur est un élément majeur d’orientation puisqu’il s’agit le plus souvent d’une douleur antéro-externe de jambe en cas de syndrome des loges, alors que les douleurs de périostite ou de fracture de fatigue correspondent une douleur à la partie médiane du tibia. La douleur de périostite est souvent plus étendue sur le tibia qu’une douleur de fracture de fatigue qui, elle, est localisée
La douleur de syndrome des loges est une douleur du tibia et du mollet, apparaissant à l’effort et obligeant à son arrêt. Le mollet est tendu après l’effort avec des sensations anormales (fourmillements souvent) et une faiblesse musculaire. Surtout, pour un sport donné, la douleur surviendra toujours pour un même temps de sport, sauf en cas d’effort récent dans les jours précédant. Mais la douleur ne surviendra pas dans un autre sport : le fait d’avoir une douleur dans un sport spécifique (souvent la course à pied) et pas de douleurs dans un autre sport est très évocateur.
A noter que les médecins du sport français séparent ces 3 entités (périostite, fracture de fatigue et syndrome des loge), alors qu’elles ont presque les mêmes causes, si bien qu’il n’est pas rare pour un même malade de commencer par une douleur de périostite qui peut ensuite évoluer vers une fracture de fatigue, elle-même pouvant se compliquer d’un syndrome de loge. Pour les Anglo-saxons, les différences entre périostite, fracture de fatigue et syndrome de loge ne sont pas aussi évidentes et ils préfèrent regrouper ces trois pathologies qu’ils considèrent comme intriquées sous le terme de « medial tibial stress syndrome ».
En cas de douleurs apparaissant à l’effort de façon répétitive après une reprise d’activité physique ou une intensification de l’activité physique, il faut arrêter cette activité quelques semaines et faire particulièrement attention à améliorer le chaussage (semelles orthopédiques pour diminuer la pronation) et la préparation physique. Un glaçage ou l’application de gels anti-inflammatoires peut aider, surtout en cas de périostite associée. Une rééducation d’une périostite associé (étirements des muscles de la jambe, travail d’équilibre, rééducation avec renforcement excentrique des muscles tibiaux postérieurs et antérieurs).
En cas de douleur qui ne régresse pas après l’arrêt de l’activité physique ou qui récidive, il faut consulter un médecin.
Chez le coureur, une douleur de « périostite » qui persiste depuis plusieurs mois, alors que tous les traitements médicaux habituels ont été mis en place et suivi, doit être considérée jusqu’à preuve du contraire comme une fracture de fatigue+++.
Le traitement de la fracture de fatigue repose essentiellement sur le repos, en évitant les mouvements et la charge sur l’os fracturé afin qu’il puisse se reconstruire.
Selon l’os concerné (tibia ou fémur), il faut prévoir une mise en décharge sur des cannes anglaises, voire avec une botte plâtrée dans les cas les plus graves, et une décharge du talon ou de l’avant-pied avec une semelle orthopédique (« orthèse plantaire ») adaptée en cas de fracture de l’os du talon (« calcanéum ») ou de l’avant-pied (« métatarses »).
L’arrêt complet de l’activité sportive est indispensable+++.
A la phase aiguë, un œdème peut être important et gênant que l’on peut réduire en surélevant les pieds du lit, un faisant des applications d’une poche froide ou « glaçage » (jamais directement sur la peau, toujours interposer un linge), mettre un gel anti-inflammatoire, type diclofénac ou kétoprofène, et faire faire des massages drainants par un kinésithérapeute.
Même s’il n’est pas toujours possible d’obtenir une décharge du membre inférieur sur béquilles, la consolidation intervient dans la plupart des cas en 3 mois. Exceptionnellement, la chirurgie peut être nécessaire pour assurer la consolidation de certaines fractures (fractures trainantes ou récidivantes, pseudarthrose), et en cas de fractures déplacées.
Une alimentation riche en calcium et une supplémentation en vitamine D est fréquemment mise en place sans que l’on ait beaucoup de preuve de son efficacité mais, un déficit en vitamine D est fréquent en hiver dans la population française, surtout dans le nord de la France.
L’arrêt du sport est le plus souvent de 4 à 8 semaines car, prise en charge à temps, ce n’est pas une vraie fracture (le délai normal de cicatrisation d’une vraie fracture aux membres inférieurs est de trois mois).
Ce délai peut être raccourci si la fracture de fatigue a été prise en charge dès le début, mais il peut être rallongé si le sportif a continué son activité sportive.
La reprise sera progressive, en adaptant l’entrainement à la tolérance osseuse : les mêmes causes produisant souvent les mêmes effets, le risque est que la fracture de fatigue ne récidive si l’entraînement n’est pas mieux adapté à la personne (conseils d’un entraineur+++).
Il est possible, dans un premier temps, de privilégier les activités à faible impact pour éviter de fatiguer les os de façon répétitive. La reprise sur bicyclette pour entretenir la condition physique peut être recommandée à partir de 8 à 10 semaines d’arrêt de la course à pied.
Il faut reprendre l’activité physique avec de bonnes chaussures adaptées à l’activité et, au mieux, sur un terrain souple en cas de course de fond.
Il faut se souvenir qu’avoir fait une fracture de fatigue est un facteur de risque de survenue d’une 2ème fracture de fatigue.
Il faut s’entrainer progressivement en intensité et en durée, surtout si l’on est une femme. On cite classiquement comme repère de ne faire qu’une augmentation de 10 % de la distance de course par semaine. Il peut être intéressant de varier un peu les activités physiques.
En plus d’une alimentation équilibrée, adaptée à la pratique sportive