Des mots pour les maux
Le mot « acromégalie » vient du grec « akros », qui veut dire « extrémité », et « megalos », qui veut dire « grand ».
L’acromégalie est également appelée « maladie de Pierre Marie », d’après le nom du médecin qui l’a découverte.
Un adénome hypophysaire est une tumeur bénigne de « l’hypophyse ».
A quoi correspond une acromégalie ?
L’acromégalie est une maladie rare qui se caractérise par une croissance exagérée du visage et des extrémités du corps (mains et pieds) lorsqu’elle se manifeste après la puberté, et par une très grande taille (« gigantisme ») lorsqu’elle survient avant la puberté.
Cette maladie est liée à un dysfonctionnement de certaines glandes endocrines : elle est due à une hypersécrétion par la glande hypophyse de l’hormone de croissance (ou « GH » pour « growth-hormone » en anglais et « STH » pour « hormone somatotrope » en français).
L’hypophyse est une glande endocrine située sous le cerveau en-dessous de l’hypothalamus, dans une petite cavité de la base du crâne osseux qui s’appelle la « selle turcique ». L’hypophyse sécrète plusieurs hormones qui permettent de contrôler la fabrication d’autres hormones par les glandes surrénales, la thyroïde, les ovaires ou les testicules et donc de réguler différentes fonctions du corps humain. Cette surproduction d’hormones de croissance est due à une tumeur, toujours bénigne, de l’hypophyse, appelée « adénome hypophysaire ».
L’hormone de croissance est sécrétée directement dans le sang où elle circule pour agir sur tout l’organisme. Elle joue un rôle majeur dans la croissance de l’enfant et de l’adolescent, mais elle est également indispensable chez l’adulte, puisqu’elle maintient la trophicité des tissus comme une bonne épaisseur de la peau et un bon volume de muscles. Elle favorise aussi la diminution de la masse grasse.
L’acromégalie survient principalement entre 30 et 40 ans et touche autant les hommes que les femmes. Bien qu’elle puisse apparaître à tout âge, elle est exceptionnelle chez les personnes âgées.
Le diagnostic est le plus souvent tardif, 4 à 10 ans après l’apparition des premiers signes. Comme ces signes se développent lentement, il faut souvent du temps au malade ou à sa famille pour les remarquer.
Quels sont les signes de l’acromégalie ?
L’acromégalie est une maladie caractérisée par de nombreuses manifestations directement liées à l’excès d’hormone de croissance, et parfois à l’adénome hypophysaire lui-même (qui est en cause dans la grande majorité des cas).
Les signes varient selon que l’adénome apparaît chez un enfant ou un adulte :
• Un adénome hypophysaire peut apparaître avant la puberté chez l’enfant, alors que les cartilages ne sont pas encore soudés, et il va alors provoquer une croissance excessive et rapide. On parle alors de « gigantisme » car l’adolescent atteint pourra atteindre une taille supérieure à 2 mètres avant que la maladie ne se stabilise.
Le gigantisme peut être associé ou non à d’autres signes d’acromégalie (on parle alors « d’acromégalo-gigantisme »). Certains enfants ou adolescents atteints présentent alors des complications cardiovasculaires et des douleurs des articulations.
Depuis une dizaine d’années, les chercheurs ont découvert l’existence d’une mutation du gène AIP dans certains cas d’adénomes hypophysaires. Ces adénomes hypophysaires surviennent en général plus tôt dans la vie, au moment de la sortie de la puberté.
• Si l’adénome se déclare à l’âge adulte, l’acromégalie se manifeste par un « syndrome dysmorphique », c’est-à-dire que l’on observe un élargissement du visage et des extrémités du corps (mains et pieds). Cela implique que la personne atteinte par cette maladie voit son visage changer : le nez est élargi, épaissi, les pommettes sont saillantes, le front bombé, les lèvres épaisses, les rides sont marquées et il existe une tendance au prognathisme. La comparaison avec des photographies antérieures met en évidence la transformation, mais celle-ci étant lente et insidieuse sur plusieurs années, ceci explique que l’entourage du malade n’ait rien remarqué. La personne malade devra également régulièrement changer de pointure de chaussures et éprouvera des difficultés à conserver des bagues sans les faire réajuster. La taille des chapeaux augmente également, mais ce signe est désormais nettement moins contributif.
Si l’acromégalie est ancienne, des déformations peuvent aussi toucher le reste du squelette : position penchée en avant avec bosse dans le dos (« cyphose dorsale »), sternum projeté en avant (voire aspect exceptionnel du « polichinelle »).
• Dans certains cas, ce sont les complications de l’hypersécrétion d’hormone de croissance qui font découvrir la maladie. Parfois, les douleurs du dos (« rachialgies ») et des articulations (« arthralgies ») sont au premier plan et ce sont elles qui amènent la personne malade à consulter. Ces douleurs articulaires touchent les deux tiers des malades et peuvent être très invalidantes, surtout lorsqu’elles concernent les doigts (difficultés pour écrire, boutonner une chemise...).
Un gain de poids est fréquent et peut être important. Une fatigue prononcée est présente chez tous les malades et peut faire évoquer à tort une dépression.
L’apparition d’un syndrome du « canal carpien » est très fréquente (40 à 50 % des cas). Ce syndrome entraîne des engourdissements et des picotements, puis de véritables douleurs, surtout la nuit, au niveau 3 premiers doigts d’une ou des 2 mains. Ces douleurs, qui peuvent remonter au bras, peuvent réveiller la personne atteinte la nuit.
La peau s’épaissit et se ride, les personnes transpirent davantage, le système pileux peut se développer et les muscles augmenter de volume. Les sueurs sont abondantes.
Les oreilles internes peuvent également être touchées avec une baisse de l’audition (surdité).
Les ronflements et les pauses respiratoires sont très courants (jusqu’à 60 % des cas) pendant le sommeil (« apnées du sommeil ») : les malades « oublient » de respirer pendant quelques secondes. Ces arrêts respiratoires sont gênants car ils s’accompagnent de somnolence pendant la journée et entraînent à long terme des troubles cardiovasculaires et respiratoires.
De plus, l’hormone de croissance a des effets sur divers organes. Un diabète (taux de sucre trop élevé dans le sang) peut aussi apparaître et se manifester par une fatigue, une soif et une faim intenses, une augmentation du volume des urines. Les organes internes augmentent également de volume : c’est le cas du foie (« hépatomégalie »), de la thyroïde (ce qui provoque dans certains cas un « goitre », c’est-à-dire une tuméfaction au niveau du cou), mais surtout du cœur (« cardiomégalie ») chez 70 à 80 % des malades. La cardiomégalie est une complication potentiellement grave, car lorsque le cœur est trop gros, il ne peut plus assurer sa fonction de pompe et le corps risque de ne plus être assez oxygéné, surtout lors d’un effort (« insuffisance cardiaque ») : les malades sont ainsi souvent plus essoufflés que les personnes de leur âge en faisant le même effort. Il peut également exister une hypertension artérielle (35 % des cas), ce qui risque à long terme d’endommager le cœur, les vaisseaux, les reins...
• D’autres signes peuvent survenir, lorsque l’acromégalie est due au développement excessif d’un adénome dans l’hypophyse. Ils sont liés à la tumeur elle-même qui, en grossissant, exerce une pression sur les portions environnantes du cerveau, et en particulier les « nerfs optiques ».
Des maux de tête (« céphalées » dans 65 % des cas) résistants aux traitements usuels et une diminution de la vision, voire un rétrécissement du champ de vision sur les côtés, sont fréquents (20 % des cas).
Lorsque l’adénome hypophysaire a un volume important, il peut comprimer les cellules voisines, dans l’hypophyse, qui contrôlent la sécrétion d’autres hormones. Ces hormones seront alors produites en quantité insuffisante, ce qui crée d’autres problèmes : diminution des hormones produites par la thyroïde (« hypothyroïdie »), par les glandes surrénales (« insuffisance surrénale ») ou sexuelles (« insuffisance gonadotrope ») est fréquente.
L’hypothyroïdie se traduit par un « ralentissement » du fonctionnement du corps : diminution du rythme cardiaque et du transit intestinal (constipation), baisse des capacités intellectuelles, fatigue, frilosité, prise de poids, baisse de la libido (désir sexuel) et signes dépressifs. L’insuffisance surrénale entraîne également une grande fatigue, avec une perte d’appétit, une diminution de la tension artérielle et une pâleur de la peau ainsi qu’une diminution de la pilosité au niveau des aisselles et du pubis. La diminution du taux d’hormones sexuelles peut être responsable, chez les femmes, de troubles des règles (absence des règles ou « aménorrhée », allongement du cycle...) avec un écoulement mammaire ou des « montées de lait » (« galactorrhée »), survenant parfois même chez les hommes. Ces signes peuvent également être dus à la sécrétion excessive de prolactine, qui est due, elle, à un autre type d’adénome hypophysaire (« adénome à prolactine »). Chez les hommes, il peut y avoir une impuissance et les glandes mammaires peuvent augmenter de volume (« gynécomastie »). Par ailleurs, les différents troubles hormonaux sont souvent responsables d’une baisse de la libido chez les hommes comme chez les femmes.
Ainsi, les conséquences de l’acromégalie sont essentiellement physiques, mais l’aspect psychologique ne doit surtout pas être négligé.
Quelles sont les causes de l’acromégalie ?
L’acromégalie est due à une hypersécrétion d’hormone de croissance qui a principalement pour origine un adénome de l’hypophyse :
• Dans 95 % des cas, il s’agit en effet d’une tumeur bénigne de l’hypophyse (« adénome hypophysaire ») où il existe une augmentation nombre de cellules sécrétrices et donc de la production de l’hormone de croissance (« GH ») par l’hypophyse. Actuellement, les adénomes hypophysaires à GH peuvent être classés selon deux formes : les formes sporadiques qui représentent 94 % des cas et les formes familiales qui ont un support génétique.
• Dans moins de 1 % des cas, il peut d’agir d’une trop forte activité des cellules sécrétrices de GH de l’hypophyse sous l’influence d’une autre hormone issue de l’hypothalamus, qui est normalement le centre régulateur des hormones, à la base du cerveau. Normalement, l’hypophyse reçoit des ordres d’une seconde glande du cerveau (appelée « l’hypothalamus »), qui la commande par le biais d’une hormone appelée « GHRH ».
Dans certains cas exceptionnels, une tumeur située ailleurs dans le corps (le plus souvent dans les poumons, le pancréas, les reins ou les ovaires) va se mettre à produire de manière totalement anarchique de la « GHRH ». Cette « GHRH pirate » va « hyperstimuler » les cellules sécrétrices de GH dans l’hypophyse et leur ordonner de produire de l’hormone de croissance en excès (sans rétrocontrôle »).
• Plus rarement l’acromégalie peut être héréditaire et dans des cas extrêmement rares, la cause de la maladie reste inconnue.
• L’acromégalie fait parfois partie d’un « syndrome complexe », c’est-à-dire qu’elle peut être associée à d’autres maladies. Par exemple, le « syndrome de Wermer » associe une acromégalie à de multiples autres tumeurs (« néoplasie endocrinienne multiple de type 1 »). Le syndrome de McCune-Albright se caractérise par des anomalies osseuses, une puberté précoce et éventuellement une acromégalie. Le syndrome de Carney associe l’acromégalie à des tumeurs cardiaques et à des taches brunes sur la peau.
Quelle est l’évolution de l’acromégalie ?
L’acromégalie s’aggrave si elle n’est pas traitée, sans guérison spontanée, entraînant un syndrome dysmorphique, des complications viscérales et une diminution de l’espérance de vie de 10 ans en moyenne.
La sévérité du pronostic de la maladie est liée à l’apparition progressive des diverses complications d’organes. Les plus dangereuses sont les complications cardiovasculaires : l’hypertension artérielle, en particulier, qui est trois fois plus fréquente que dans la population générale, mais aussi les troubles du rythme cardiaque et un risque d’insuffisance cardiaque. En effet, le cœur dont le volume a augmenté exagérément, ne marche pas normalement et risque de s’arrêter dans certains cas.
Cependant, le traitement de l’acromégalie permet d’obtenir une guérison ou de limiter l’évolution des signes chez la grande majorité des malades : les signes liés aux dérèglements hormonaux disparaissent rapidement (transpiration excessive, perturbation des règles...), la déformation du visage et des extrémités et l’atteinte des organes cessent d’évoluer et les douleurs articulaires s’atténuent. L’hypertension artérielle, l’insuffisance cardiaque et le diabète peuvent même disparaître complètement.
Quelles sont les complications de l’acromégalie ?
Comme on l’a vu dans le chapitre sur les signes de la maladie, les complications sont articulaires, cardiovasculaires, respiratoires (apnées du sommeil) et métaboliques.
• De fortes douleurs articulaires, notamment au niveau des grosses articulations (genoux, hanches...), un diabète instable, une hypertension artérielle, une insuffisance cardiaque, des problèmes dentaires (liés à la modification de la mâchoire) et un épaississement cutanés sont fréquemment retrouvés.
• Les douleurs du dos et les déformations de la colonne vertébrale (dos courbé en cyphose ou en cypho-scoliose) peuvent être très handicapantes et limiter la mobilité.
• Les perturbations hormonales peuvent entraîner un diabète, qui présente des risques supplémentaires (lésions prématurées des reins avec risque d’insuffisance rénale et nécessité de dialyses, atteinte prématurée des yeux avec risque de cécité).
• Les nerfs optiques (permettant la transmission des images de l’œil au cerveau), qui se trouvent de chaque côté de l’hypophyse, peuvent être comprimés par la tumeur, ce qui provoque une baisse de la vision, source de handicap définitif.
• Il existe un risque accru de développer un cancer : l’hormone de croissance stimule plus ou moins directement la croissance des cellules, et les cancers sont donc plus fréquents chez les personnes atteintes d’acromégalie que dans la population générale. Les cancers du colon ou les « polypes » du colon (petites excroissances pouvant évoluer en cancer) sont les plus fréquents.
• La croissance de l’adénome hypophysaire, au-delà de la compression de certaines zones du cerveau, peut également provoquer des maux de tête ou une grande fatigue.