Quels sont les principes du traitement d’une leucémie aiguë ?
Le traitement constitue parfois une urgence et il sera démarré dans ce cas sans attendre les résultats définitifs du bilan complet, et c’est seulement dans un second temps, une fois les résultats définitifs obtenus, que le diagnostic sera précisé et la stratégie discutée avec le malade.
Le traitement vise à obtenir la disparition des blastes anormaux du sang et de la moelle osseuse, permettant ainsi à la moelle de reconstituer des populations de cellules normales du sang (globules blancs, globules rouges, plaquettes).
Ce traitement est généralement réalisé en plusieurs phases avec la première phase qui est le traitement d’induction, basé sur la polychimiothérapie. Il est parfois très urgent, comme dans les leucémies aiguës myéloïdes promyélocytaires, du fait du risque hémorragique. L’objectif est d’obtenir une rémission la plus rapide possible avec disparition des signes de la maladie et des blastes anormaux, dans la moelle osseuse et le sang, ainsi que la correction de l’insuffisance médullaire.
Ce traitement nécessite environ une semaine de chimiothérapie et un mois d’hospitalisation, temps indispensable à la moelle osseuse pour reconstituer les cellules normales du sang. Mais même une fois la rémission complète obtenue, un petit nombre de cellules anormales persistent dans la moelle osseuse et d’autres étapes de traitement sont alors nécessaires pour les éliminer et prévenir la rechute.
Le traitement de consolidation vise à maintenir cette rémission. Il consiste à administrer à nouveau de fortes doses de chimiothérapie sur plusieurs cycles, ce qui s’accompagne de nouvelles hospitalisations plus ou moins longues.
Le traitement d’intensification est ensuite proposé : il est adapté en fonction du risque de rechute de la leucémie et il est donc variable d’un malade à l’autre et en fonction du type de la LAM. L’objectif est d’obtenir une rémission prolongée ou la guérison.
En fonction des malades, le traitement est basé, soit sur plusieurs cures de chimiothérapie qui peut être différente de la chimiothérapie administrée pendant la consolidation, soit sur une greffe de cellules souches hématopoïétiques. Dans ce dernier cas, il peut s’agir d’une greffe effectuée à partir du don de moelle osseuse d’un donneur (« allogreffe ») ou grâce aux cellules souches du malade lui-même qui sont recueillies en sortie d’aplasie médullaire, à la fin du traitement de consolidation (« autogreffe »).
Dans certains cas (enfant), les cellules souches peuvent être récupérées à partir des cellules qui sont présentes dans le sang placentaire (« sang de cordon ») et à partir desquelles sont produites toutes les cellules sanguines.
Le traitement d’intensification, qui repose sur une polychimiothérapie intensive ne peut être envisagée que chez les malades âgés de moins de 60 ans car, au-delà de cet âge, le corps n’est plus capable de résister à la chimiothérapie et de surmonter les effets indésirables de ce type de traitement.
Des traitements d’entretien de la rémission peuvent également être proposés selon les cas.
Quelles évolutions du traitement de la leucémie aiguë myéloblastique
Pendant longtemps, cette stratégie de polychimiothérapie d'induction-consolidation-allogreffe a été la seule disponible chez l'enfant, les sujets âgés, plus fragiles recevaient eux des agents hypométhylants. Mais, ces dernières années, des anomalies moléculaires ont été identifiées et certaines sont devenues des cibles thérapeutiques : il en est ainsi des anomalies FLT3 et IDH1 ou IDH2. Des inhibiteurs ont été développés et approuvés par les autorités de santé et elles sont actuellement testées en phase de rechute, mais sont testées en association aux agents hypométhylants, y compris chez les sujets les plus âgés. Enfin, un inhibiteur de BCL-2, qui vise une protéines systématiquement présente améliore les taux de réponse des agents hypométhylants. Les premières études en alternative à la greffe sont prometteuses.
Que faire en cas de résistance à la chimiothérapie ?
La plupart des personnes qui meurent de la maladie succombent à cause d’une résistance à la chimiothérapie. Environ un tiers des malades sont résistants d’emblée, alors que 40 à 50 % répondent à la chimiothérapie initiale, mais résistent lors de la rechute. Vaincre la résistance à la chimiothérapie est donc un défi majeur dans le traitement de la leucémie aiguë myéloïde. La plupart des protocoles expérimentaux sélectionnent les patients qui ont des facteurs de mauvais pronostic afin de proposer un traitement plus intensif, parce que le risque accru de complications toxiques du traitement est compensé par un risque plus élevé d'échec du traitement menant à la mort.
Une des pistes de lutte contre l’apparition des résistances est la constatation que l’absence dans les cellules de la leucémie aiguë myéloïde d’une protéine appelée MTF2 leur permet de développer une résistance à la chimiothérapie : les cellules de la leucémie aiguë myéloïde déficientes en MTF2 sur-expriment un gène promoteur du cancer, appelé MDM2. Les cellules leucémiques avec une activité MTF2 faible n’ont pas la possibilité de réduire l’expression de MDM2 : ces cellules n’entrent donc pas dans le processus de mort cellulaire programmée après la chimiothérapie et continuent à se diviser, même à de fortes doses de chimiothérapie. Les travaux en cours sont en train de tester des médicaments bloquant MDM2 sur des modèles de souris de leucémie aiguë myéloïde.
Une autre piste est la mise à profit des immunothérapies qui révolutionnent ailleurs les traitements des cancers et des hémopathies. Différentes combinaisons de chimiothérapies avec des immunothérapies sont en cours d’étude.
Autre piste, le séquençage génétique des blastes et des cellules souches et la découverte que les gènes exprimés dans les cellules souches leucémiques permettaient de connaître la résistance ou la sensibilité aux chimiothérapies, et que ces gènes sont très différents de ceux exprimés par les blastes, qui sont les cellules actuellement ciblées par les chimiothérapies. Il devient donc possible de connaître, dès le début de la maladie, les médicaments qui vont cibler à la fois les cellules souches malades et les blastes et d’individualiser le traitement, afin de traiter radicalement la maladie et d’éviter que les malades rechutent.
Quels sont les effets indésirables du traitement de la leucémie aiguë ?
Outre les effets indésirables propres à chaque molécule, l’administration de ce type de chimiothérapie conduit systématiquement à une sidération transitoire de la moelle osseuse, c’est-à-dire une aplasie médullaire, qui va durer de quatre à six semaines et donc nécessiter une hospitalisation en milieu protégé et stérile.
Durant cette période, le patient se retrouve sans défense face aux infections. Une hospitalisation en milieu protégé est alors souvent nécessaire. Une information spécifique sur les autres effets indésirables potentiels doit être délivrée par le médecin spécialiste (hématologue) avant le début de tout traitement.
Comment surveiller une leucémie aiguë ?
Une fois l’ensemble des traitements terminé, une surveillance est indispensable à la recherche de complications tardives et surtout d’une rechute. Elle nécessite des consultations régulières avec le médecin hématologue et le médecin traitant.
Une numération-formule-sanguine de contrôle doit ainsi être réalisée à intervalles réguliers dans un premier temps, puis de façon plus espacée. Une leucémie aiguë est loin d’être une maladie au pronostic « désespéré », la guérison peut être obtenue lorsque la rémission se prolonge au-delà de quelques années.
Le généraliste participe de manière active au suivi durant le traitement en coordonnant les soins ambulatoires et les traitements symptomatiques, et en liaison avec l’équipe spécialisée. Il peut en particulier traiter les principaux effets indésirables aigus de la chimiothérapie et, dans les cinq années suivant la mise en rémission complète, il peut réaliser le suivi du malade, en alternance avec l’équipe référente du traitement. Ce suivi comprend un examen clinique à un mois, puis tous les deux à trois mois, pendant au moins un an, puis tous les six mois jusqu’à cinq ans. Un hémogramme est réalisé tous les uns à trois mois pendant deux ans, puis tous les trois à six mois pendant les trois années suivantes.
Si aucune rechute n’est survenue pendant cinq ans, le patient est considéré comme guéri. Un suivi à long terme reste cependant nécessaire, notamment pour dépister des complications tardives dues aux traitements telles que des troubles cardiaques liés aux anthracyclines, qui imposent une échographie tous les trois à cinq ans, et des altérations de la fertilité pour des patients en âge de procréer.