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Leucémie myéloïde chronique : une mutation acquise à cibler

Leucémie myéloïde chronique : une mutation acquise à cibler

La leucémie myéloïde chronique, ou LMC, est un cancer de la moelle et du sang caractérisé par production excessive de globules blancs immatures. Leur accumulation dans la moelle et le sang est liée à une anomalie génétique acquise, le chromosome Philadelphie. Celui-ci est associé à une augmentation de l’activité tyrosine kinase BCR-ABL1. Le traitement avec des inhibiteurs des tyrosines kinases spécifiques est très efficace chez la majorité des malades.

Leucémie myéloïde chronique : une mutation acquise à cibler
Md Ariful Islam/iStock
Publié le 11.12.2019
Mise à jour 22.11.2023
Leucémie myéloïde chronique : COMPRENDRE

Les mots « Syndromes myéloprolifératifs » (myélo = moelle osseuse, prolifératif = multiplication rapide) correspondent à des maladies où les cellules à l’origine des cellules sanguines (précurseurs cellulaires, aussi appelés « cellules souches »), que l’on trouve dans la moelle osseuse, se développent et se divisent de façon excessive ou sont remplacées par une croissance excessive de tissus fibreux.

Les gènes sont des séquences de matériel génétique qui codent pour la production de protéines qui exécutent les tâches à l’intérieur des cellules.

Le « chromosome Philadelphie » tire son nom de la ville des Etats-Unis où travaillaient les deux chercheurs qui l’ont découvert dans les années 60.

Une tyrosine kinase est une enzyme qui agit comme un interrupteur qui active ou inhibe de nombreuses fonctions des cellules du corps humain.

Qu'est-ce qu’une leucémie myéloïde chronique ?

La leucémie myéloïde chronique est une maladie rare du sang qui est le plus souvent découverte en phase chronique, c’est-à-dire à un stade où les traitements sont désormais très efficaces. Elle peut être découverte à tout âge mais est plus fréquente chez l'adulte au-delà de 60 ans et il existe une discrète prédominance masculine.

La LMC fait partie des syndromes myéloprolifératifs et se caractérise donc par une production excessive et persistante au sein de la moelle osseuse de globules blancs (ou leucocytes) anormaux car immatures, c’est-à-dire de globules blancs dont le développement n’est pas terminé lorsqu’ils passent dans le sang.

La LMC se produit à la suite de modifications acquises de l’ADN (le matériel génétique) d’une cellule souche de la moelle osseuse : c’est donc une « mutation acquise ». La leucémie myéloïde chronique est, en effet, causée par un échange anormal d'ADN entre 2 chromosomes : les chromosomes 9 et 22. Au bout du compte, cela aboutit pour le malade à avoir un chromosome 9 et un chromosome 22 normaux, un chromosome 9 défectueux (plus gros) et un chromosome 22 défectueux (plus petit).

C’est ce chromosome 22 défectueux qui est appelé « chromosome Philadelphie » et qui code pour une protéine anormale (BCR-ABL tyrosine kinase) à l’origine de la surproduction de globules blancs immatures chez les patients atteints de cette maladie.

Ces cellules leucémiques sont anormales à plus d’un titre : elles se divisent plus que les globules blancs normaux et sont plus résistantes. En se multipliant sans frein, l’anomalie aboutit à une accumulation incontrôlée de cellules immatures dans la moelle qu’on appelle « lymphoblastes » ou « blastes leucémiques ». Cette accumulation peut étouffer dans un 2e temps la moelle qui ne produit plus alors d’autres cellules.

Au stade chronique et initial de la LMC cependant, la prolifération de cellules immatures n’étouffe pas complètement la moelle et n’empêche pas la fabrication dans la moelle osseuse des globules rouges, des autres globules blancs et des plaquettes. Le nombre de globules rouges, de globules blancs et de plaquettes dans le sang est généralement plus bas que la normale, mais pas complètement effondré. Cette maladie est donc initialement moins grave que la leucémie aiguë.

 

Qu’est-ce que le chromosome Philadelphie ?

La LMC est secondaire à l’apparition d’une anomalie génétique liée à la fusion de deux chromosomes, 9 et 22, dans les cellules souches de la moelle osseuse, provoquant l’apparition par erreur d’un petit chromosome 22 anormal, le « chromosome Philadelphie ».

Les personnes atteintes de LMC possèdent donc dans la majorité des cas un chromosome 22 anormal appelé « chromosome Philadelphie » (chromosome Ph+). Celui-ci résulte d’un échange de matériel génétique (« translocation ») entre les chromosomes 22 et 9 qui entraîne la fusion de 2 gènes : il s’agit de l’assemblage d’un gène du chromosome 9, dénommé ABL, avec un gène du chromosome 22, dénommé BCR. Cela aboutit à un gène « composite », appelé gène « BCR-ABL » uniquement présent dans les cellules de la maladie et qui est un « oncogène » (un gène qui cause le cancer). Ce gène BCR-ABL produit anormalement une enzyme, la BCR-ABL tyrosine kinase, elle-même responsable de la surproduction de cellules anormales, les blastes, ce qui aboutit à la LMC.

 

Quels sont les signes de la leucémie myéloïde chronique ?

Les personnes atteintes de leucémie myéloïde chronique (LMC) n’ont le plus souvent aucun signe au début (patients asymptomatiques). Le plus souvent, la LMC est même découverte fortuitement, lors d’un examen clinique ou d’une analyse sanguine de routine qui objective une augmentation très importante des globules blancs dans le sang.

Les signes et symptômes de la LMC évoluent progressivement. Du fait de la surproduction de blastes dans la moelle osseuse modérée au début, la production des autres cellules normales est perturbée, mais pas complètement effondrée.

La diminution du nombre de globules rouges dans le sang aboutit à une « anémie », entraînant une fatigue et un essoufflement anormal à l’effort.

La diminution du nombre de globules blancs aboutit à une « neutropénie », c’est-à-dire un manque de polynucléaires neutrophiles (un type de globules blancs), et une « lymphopénie », c’est-à-dire un manque de lymphocytes (des globules blancs appartenant au système immunitaire). Ceci aboutit à une perturbation du système immunitaire et à une réduction des capacités de défense contre les infections et donc à une augmentation du risque des infections.

La diminution du nombre de plaquettes est une « thrombopénie », ce qui peut être à l’origine d’un trouble de la coagulation et de saignements et de bleus (« ecchymoses ») sans traumatisme évident.

Quand la diminution touche ces trois éléments cellulaires (globules rouges, globules blancs et plaquettes), on appelle cela une « pancytopénie ».

Lorsque les symptômes apparaissent, ils sont dits « non spécifiques » car ils ressemblent à ceux de nombreuses autres maladies, souvent moins graves : fatigue ou manque d’énergie, essoufflement lors d’une activité physique minime, pâleur, sueurs nocturnes, perte de poids inexpliquée, sensation de pesanteur dans la partie supérieure du ventre, sous les côtes gauches, en raison du gonflement de la rate. Le médecin retrouvera une grosse rate à l’examen clinique (splénomégalie).

 

Quelles sont les causes de la leucémie myéloïde chronique ?

Le chromosome Philadelphie est une anomalie génétique « acquise » par les cellules souches et qui n’est donc pas héréditaire.

Les causes de son apparition sont jusqu’à présent inconnues. Il a toutefois été constaté une fréquence plus importante de la LMC parmi les survivants des explosions atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki. Les radiations ionisantes ont donc été suspectées de pouvoir provoquer la maladie, mais cela n’a jamais été formellement démontré. Certaines personnes qui ont reçu de fortes doses de radiations ionisantes via une radiothérapie (par exemple au cours d’un lymphome) peuvent développer une LMC mais ce n’est absolument pas la majorité. Dans 5 % des cas, elle pourrait être secondaire à une exposition chronique au benzène.

 

Comment évolue la leucémie myéloïde chronique

La leucémie myéloïde chronique évolue classiquement en trois phases : chronique, accélération et transformation.

Il y a donc d’abord la « phase chronique », qui est le stade où la maladie est le plus souvent diagnostiquée. Pendant cette phase chronique, la leucémie évolue lentement, il y a peu de blastes et d’anomalies dans la moelle et il n’y a pas ou peu de symptômes. Il y a encore peu de globules blancs anormaux dans le sang. Cette phase dure en moyenne quatre ans en l’absence de traitement.

Si aucun traitement n’est fait, ou en cas d’échec du traitement, apparaît la « phase d’accélération ». Elle correspond à une augmentation de la proportion de globules blancs anormaux dans le sang et dans la moelle osseuse (15 à 29 % de blastes), ainsi qu’à une élévation de la « charge BCR-ABL » ou à l’apparition de nouvelles anomalies chromosomiques. Les symptômes, non spécifiques, sont plus fréquents, tels que fatigue, perte d’appétit, fièvre sans raison apparente, pesanteur abdominale.

Si un traitement spécifique n’est pas mis en œuvre, la maladie évolue après plusieurs mois vers la phase de transformation en leucémie aiguë ou « crise blastique ». De chronique, la leucémie devient alors aiguë. La moelle osseuse est envahie par les globules blancs anormaux et ne peut plus fonctionner correctement (augmentation d’au moins 30 % des blastes présents dans la moelle osseuse ou le sang périphérique). La leucémie aiguë est alors très grave et nécessite un traitement spécifique.

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