Pour les médecins, toute inflammation d’une seule articulation (« monoarthrite »), qui débute brutalement (« aigue ») et s’accompagne de fièvre (« fébrile ») est une arthrite septique jusqu’à preuve du contraire.
Les rhumatismes inflammatoires peuvent débuter par l’atteinte d’une seule articulation, mais de façon moins spectaculaire. Par ailleurs, une arthrite septique touche rarement plusieurs articulation (oligoarthrite ou polyarthrite).
Dans le cas d’une arthrite septique liée à une bactérie « pyogène » (« qui fait du pus »), une douleur très intense de l’articulation apparaît brutalement et s’accompagne d’un gonflement de l’articulation avec épanchement intra-articulaire important et signes inflammatoires locaux, une fièvre, parfois élevée, et une altération de l'état général. La personne atteinte ne peut le plus souvent pas se servir de cette articulation (« impotence fonctionnelle » totale de l'articulation infectée).
Cependant, les symptômes varient selon le type de micro-organisme à l'origine de l'arthrite infectieuse et du contexte. Quand il s'agit d'une bactérie pyogène, l'inflammation apparaît de façon relativement soudaine, elle touche une seule articulation et s'accompagne de fièvre et de frissons (plusieurs articulations dans un cas sur 10).
Quand il s'agit d'un virus, l'infection ne provoque pas forcément de fièvre, elle peut toucher plusieurs articulations et elle entraîne un malaise généralisé.
Quand le germe en cause est une mycobactérie ou un champignon, l'inflammation peut être locale ou généralisée mais elle est plus sournoise : elle peut prendre des semaines, voire des mois pour apparaître et s'accompagne parfois d'une fièvre modérée.
En cas d’arthrite décapitée par une antibiothérapie à l’aveugle trop précoce, l’inflammation articulaire est modérée même en cas d’arthrite à pyogène, la fièvre est discrète voire absente et le nombre de globules blancs dans le liquide est inférieur à 20 000/mm3 et les médecins ont du mal à mettre en évidence la bactérie et doivent multiplier les prélèvements.
Il en est de même après une infiltration articulaire de corticoïdes : le tableau clinique d’arthrite septique peut être frustre à sa phase initiale du fait de l’action anti-inflammatoire du corticoïde injecté. Les signes infectieux n’apparaitront parfois qu’au bout de 3 à 4 jours.
L'établissement du diagnostic bactérien exact est essentiel. Si votre médecin évoque une arthrite infectieuse, il vous posera diverses questions, il réalisera un examen clinique détaillé, il demandera des examens visant à identifier le micro-organisme à l'origine de l'infection, dont un prélèvement d’un échantillon de liquide articulaire à des fins d'analyse et d’une analyse de sang.
Les frissons sont très évocateurs d'un sepsis et sont souvent recherchés à l'interrogatoire par le médecin. Les facteurs favorisant traditionnels sont également toujours recherchés (traumatisme, immunodépression, diabète, cancer, traitement immunosuppresseur…).
L’examen détaillé objective une articulation très inflammatoire et gonflée, très douloureuse, peu mobilisable, même passivement : les mouvements actifs et passifs de l'articulation sont très douloureux et quasi impossibles. Le malade maintient souvent son articulation dans la position qui lui fait le moins mal : il existe donc une « attitude antalgique » de l'articulation, en flexion le plus souvent (« flessum »). Il peut exister un ou plusieurs gros ganglions (« adénopathies satellites ») douloureux dans le territoire de drainage de l’articulation. Une étape importante de l’examen clinique consiste également à rechercher attentivement la porte d’entrée : plaie au voisinage immédiat de l’articulation malade ou foyer infectieux à distance (dents, sinus, peau…).
Le diagnostic d’arthrite septique et du germe en cause repose essentiellement sur le prélèvement et l'analyse du liquide articulaire. La ponction du liquide articulaire est le premier geste indispensable pour confirmer le caractère septique de l'arthrite et il doit être réalisé en préalable à toute antibiothérapie (même si le traitement est urgent). La ponction est faite dans des conditions strictes d'asepsie. Le liquide ponctionné est habituellement trouble ou « puriforme », avec une « hypercellularité » : plus de 2 000 globules blancs par mm3, mais le plus souvent plus de 50 000 par mm3, dont une majorité de polynucléaires neutrophiles (plus de 90 %). Il faut alors adresser ce prélèvement en urgence en bactériologie pour examen direct et mise en culture. La découverte de microcristaux dans le liquide articulaire doit faire réévaluer le diagnostic d’arthrite microcristalline (goutte, chondrocalcinose), mais n’élimine pas le diagnostic d’arthrite septique sans confirmation.
On note habituellement sur le prélèvement de sang un syndrome inflammatoire majeur avec augmentation de la vitesse de sédimentation (non spécifique) et de la CRP (plus spécifique quand elle est supérieure à 100 milligramme par mm3), parfois associée à une « hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles » dans le sang. Le syndrome inflammatoire peut cependant manquer dans 10 à 15 % des cas.
Toute monoarthrite aiguë fébrile doit faire réaliser des prélèvements de sang répétés avec mise en culture (« hémocultures ») qui pourront augmenter les chances de trouver la bactérie responsable.
Il faut faire aussi des prélèvements au niveau des différentes portes d’entrée éventuelles : urines (ECBU), nez, gorge, plaie de la peau…
Les examens complémentaires d'imagerie radiologique ont peu d'intérêt diagnostique en cas d'arthrite superficielle (mais un intérêt médico-légal) et ne doivent en aucun cas retarder la ponction articulaire et les différents prélèvements à visée diagnostique. À l'inverse, en cas d'atteinte d'une articulation profonde (par exemple, coxofémorale), ils sont d'une grande aide diagnostique à la fois diagnostique et pour diriger la ponction.
La radiographie standard a peu d'intérêt diagnostique en raison du retard d’apparition des premières lésions articulaires par rapport à la clinique (au moins 2 semaines). Au stade plus tardif, l'arthrite septique entraîne un pincement diffus de l'interligne articulaire avec des érosions osseuses sous le cartilage (« sous-chondrales ») et, paradoxalement, sans formations d’ostéophytes. Il pourra exister des géodes de l’extrémité de l’articulation sous l’articulation au bout de 3 à 4 semaines (« ostéomyélite secondaire »).
Peu coûteuse, non invasive, pouvant être répétée, l'échographie ostéoarticulaire permet de détecter un épanchement liquidien limité ou une tuméfaction synoviale, surtout pour les articulations profondes. Elle peut aussi permettre de faire la distinction entre une atteinte extra-articulaire (« bursite » en avant de l’articulation) et de détecter des complications associées (abcès des parties molles). Par ailleurs, l'échographie permet de guider la ponction d'un épanchement (« échoguidage »).
La tomodensitométrie articulaire visualise l’épanchement articulaire et les lésions des articulations profondes. La scintigraphie osseuse fixe précocement l’articulation mais n’est pas spécifique.
La mise en évidence du germe est réalisée essentiellement grâce à la ponction articulaire, mais aussi grâce aux hémocultures (50 %), à la mise en culture du lavage articulaire, d’un prélèvement de la membrane synoviale (biopsie), voire aux prélèvements réalisés sur les autres localisations éventuelles de l’infection (ECBU, écouvillonnage d'une plaie, du nez, de la gorge, arrachage d’une dent dont les racines sont en mauvais état et, lors de la suspicion de gonococcie, vagin, urètre...).
Les sérologies bactériennes n'ont pas d'intérêt dans les arthrites septiques à germes banals mais peuvent avoir un intérêt en cas de syphilis ou d’arthrite de Lyme (arthrite tardive vraie dans le cadre d’une maladie de Lyme non traitée).
Par ordre de fréquence décroissante, on retrouve les germes suivants : Staphylococcus aureus dans 60 % des cas, mais aussi Staphylococcus epidermidis, surtout en cas d'inoculation directe ; bacilles Gram négatif (20 % des cas), surtout chez le sujet âgé (la porte d'entrée étant urinaire ou digestive) ; d’autres streptocoques (15 à 20 % des cas) dont le type dépendra de la porte d'entrée (la peau pour les groupes A, C et G, le tube digestif pour Streptococcus bovis, la bouche ou les dents pour les streptocoques non groupable, A et B...
Le Gonocoque doit être systématiquement évoqué chez un adulte jeune ou en adolescent du fait de la recrudescence ces dernières années des infections sexuellement transmissibles (IST). Dans ce cas, l'infection articulaire s'associe volontiers à une forte inflammation des tendons de la main ou du pied (« ténosynovite »), voire à une cloque infectée de la peau au contact de l’articulation atteinte (« pustule périarticulaire »).
Des germes plus rares peuvent être évoqués dans un contexte particulier : Yersinia, Haemophilus, tuberculose et mycobactéries...
Chez les patients immunodéprimés et chez les toxicomanes intraveineux, des champignons (candidose) ou des parasites sont à rechercher en demandant des milieux de culture adaptés lors de la mise en culture.
Les rhumatismes microcristallins (goutte, chondrocalcinose) sont les maladies articulaires qui donnent les tableaux cliniques les plus proches d’une arthrite septique avec souvent une monoarthrite hyperalgique à début brutal, parfois fébrile, avec impotence fonctionnelle majeure. La ponction articulaire n’y trouve aucun germe à l’examen direct ou à la culture, mais une hypercellularuité avec des cristaux, à bout fin dans la goutte et à bouts carrés dans la chondrocalcinose.
D'autres maladies inflammatoires comme les « arthrites réactionnelles » (shigelles, Chlamydia...) ou des maladies auto-immunes articulaires (polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrite, lupus) peuvent parfois mimer une arthrite septique au stade initial en cas de début brutal.
Dans certaines localisations (coude, genou), il faut distinguer une arthrite septique d'une « bursite » qui siège en avant de l’articulation (« olécrânienne » au coude et « prérotulienne » au genou) d'origine inflammatoire ou infectieuse. L’échographie peut aider à ce diagnostic. Dans ce cas, la ponction à visée diagnostique ne doit pas être intra-articulaire pour ne pas contaminer une articulation saine.
Certaines infections des parties molles (« érysipèle », lymphangite, abcès sous-cutanés) peuvent faire évoquer à tort une atteinte articulaire compte tenu de l'œdème inflammatoire péri-articulaire. Une ponction à travers une peau infectée conduirait inéluctablement à une arthrite septique.
L’arthrite septique peut se compliquer rapidement (dès les premières 24 heures) d’une dégradation du cartilage avec un risque d’arthrose secondaire. Au plan général, elle peut elle-même être à l’origine d’une infection généralisée secondaire (« septicémie »), avec risque de migration du germe dans un organe vital (abcès du cerveau, infection des valves du cœur ou « endocardite »).
Toute suspicion d'arthrite septique impose donc une prise en charge spécialisée, en urgence et à l’hôpital.
Les éléments déterminants du pronostic sont la rapidité de la prise en charge thérapeutique (lavage articulaire, repos articulaire, antibiothérapie par voie veineuse initialement) et la parfaite adaptation du traitement antibiotique qui ne doit donc pas être débuté avant la réalisation des prélèvements microbiologiques par ponction articulaire (afin de ne pas empêcher les bactéries de pousser en culture). L’antibiothérapie avant la réalisation des prélèvements bactériens est la première cause d’errance diagnostique, voire des décès au cours des arthrites septiques.