Quand faut-il penser à une crise de goutte ?
En l’absence de problème d’infection ou de plaie cutanée récente (attention à l’ongle incarné du gros orteil = possible « porte d’entrée infectieuse »), la crise de goutte peut être évoquée même si la présentation est proche de celle d’une infection : typiquement, une crise de goutte se manifeste par de très fortes douleurs articulaires, avec une articulation gonflée et rouge violine, qui débute de façon brutale, le plus souvent la nuit, et s'étend rapidement en 24 heures.
Comment faire le diagnostic de goutte ?
La crise de goutte typique est souvent facile à reconnaître. Le type de la douleur et les articulations qui sont touchées (gros orteil = 1ère métatarso-phalangienne) sont les critères évocateurs du diagnostic de crise de goutte, mais le diagnostic est surtout basé sur la démonstration de la présence de cristaux d’acide urique dans le liquide contenu dans l’articulation inflammatoire.
Lorsque la crise de goutte touche une autre articulation que la 1ère métatarso-phalangienne, différents éléments peuvent faire penser au diagnostic : existence d’une goutte chez les parents ou dans la fratrie, antécédent personnel de colique néphrétique avec des calculs rénaux qui n’étaient pas visibles sur les radiographies, maladies cardiovasculaires associées comme une hypertension artérielle, une angine de poitrine ou un infarctus, ou enfin « syndrome métabolique » avec diabète, anomalies du cholestérol et/ou des triglycérides.
Il n’y a pas de goutte sans un taux trop élevé d’acide urique dans le sang. Les analyses de sang peuvent donc révéler une hyperuricémie (supérieure à 360 µmol/l ou 60 mg/l), mais cette « hyperuricémie » ne permet pas à elle seule de poser le diagnostic de goutte car seules 10 % des personnes « hyperuricémiques » deviendront goutteuses. L’hyperuricémie est donc une condition nécessaire à l’apparition d’une goutte, mais pas suffisante.
D’autre part, il faut savoir que l’acide urique peut parfois baisser transitoirement au moment de la crise.
Un syndrome inflammatoire biologique est souvent présent, avec augmentation de la vitesse de sédimentation globulaire (VS) et de la protéine CRP, mais il n’est pas spécifique car il peut se voir au cours d’une autre arthrite inflammatoire ou d’une infection. Une augmentation du taux de globules blancs (leucocytes) dans le sang est aussi observée au cours de la goutte (mais aussi lors d'une infection).
L’élément indiscutable pour poser le diagnostic de goutte est donc la révélation de la présence de cristaux d’acide urique dans le liquide articulaire. Il faut donc pouvoir prélever un échantillon de liquide articulaire au moyen d’une ponction articulaire. Le médecin prélève un peu de liquide dans l’articulation avec une seringue et une aiguille. L’examen au microscope permet d’identifier facilement et rapidement les microcristaux d’acide urique à l’aspect caractéristique en forme d’aiguilles à bouts effilés et fortement biréfringents. Les cristaux sont très spécifiques mais sont moins souvent retrouvés (3 fois sur 4) si les malades sont déjà sous traitement hypouricémiant.
Par ailleurs, la ponction permet aussi, en diminuant le volume du liquide intra-articulaire, de réduire la douleur.
Lorsque le médecin ne peut pas prélever de liquide articulaire, l’échographie de l’articulation inflammatoire peut montrer des signes évocateurs de dépôts de cristaux d’acide urique (signe de double contour) ou encore mettre en évidence des tophus.
La radiologie n’aide pas à diagnostiquer la crise de goutte ; en revanche elle est très utile pour exclure un autre diagnostic. A long terme, la radiographie peut visualiser les dégâts articulaires provoqués par les tophus.
Avec quoi peut-on confondre une goutte ?
En cas d’atteinte d’une seule articulation, il faut éliminer en urgence une infection sous-cutanée ou articulaire (arthrite infectieuse). C’est le contexte (antécédents personnels ou familiaux d’hyperuricémie, de crise de goutte ou de coliques néphrétiques avec calculs rénaux non visibles à la radiographie), les examens complémentaires et surtout la ponction articulaire qui feront le diagnostic.
Au début de la maladie, et en particulier chez la femme où la goutte se présente souvent comme une polyarthrite, la goutte peut être confondue avec les autres formes de polyarthrites inflammatoires et la polyarthrite rhumatoïde. C’est l’interrogatoire sur la recherche de cas de goutte dans la famille et la mise en évidence de cristaux d’acide urique dans le liquide articulaire qui rétablira le diagnostic.
La goutte peut également être confondue avec la « chondrocalcinose articulaire », ou « pseudo-goutte », qui, comme son nom l’indique, ressemble très fortement à une goutte, mais l’âge de survenue plus tardif (au-delà de 60 ans), les calcifications articulaires à la radiographie et surtout l’analyse du type de microcristaux dans le liquide articulaire, feront la différence (cristaux de pyrophosphate de calcium à bouts carrés et non biréfringents à l’examen microscopique).
La goutte peut également être confondue avec le « rhumatisme à hydroxyapatite », où les dépôts de microcristaux d’apatite, qui sont une autre forme de cristaux de calcium, peuvent provoquer des « calcifications » (dépôts de cristaux) dans les articulations et autour des tendons. Ces dépôts, qui sont normalement contenus dans une poche, peuvent sortir à l’occasion d’une fissure de cette poche et conduire à une crise douloureuse inflammatoire (réaction à corps étranger) : douleur à début brutal et devenant rapidement tellement intense qu’elle est insomniante et qu’on ne peut plus mobiliser ou utiliser l’articulation atteinte.