Il importe de retracer soigneusement l’historique de la digestion difficile, et notamment ses modalités d’installation, ainsi que son évolution, les facteurs qui sont associés à une accentuation ou à une amélioration des signes, les différents traitements entrepris et leurs résultats.
Selon la définition des « critères de Rome III », la dyspepsie fonctionnelle est caractérisée par « des douleurs (ou un inconfort) abdominales centrées sur l’épigastre, ces symptômes ayant débuté depuis plus de 6 mois, et étant présents au moment du diagnostic pendant les 3 mois précédents, avec une endoscopie haute considérée normale ou non explicative ».
Les signes de dyspepsie fonctionnelle sont rarement isolés. La coexistence avec des signes du « Syndrome de l’Intestin Irritable » (ou SII) est fréquente et concernerait près de la moitié des patients. De même, au cours de l’évolution, les transitions entre les 2 syndromes sont fréquentes, confirmant leur proximité.
Au final, les signes du syndrome dyspeptique fonctionnel ne sont pas spécifiques, et ils ne permettent pas d’identifier de façon fiable un mécanisme physiopathologique
Si les problèmes apparaissent à la suite de la prise d’un traitement médicamenteux ou d’un voyage, il faut consulter son médecin.
En règle générale, il est bien sûr nécessaire de s’assurer de l’absence de toute maladie organique. Ainsi il est habituellement recommandé de réaliser une échographie abdominale et un bilan biologique initial qui s’assure en particulier de l’absence de maladie des glandes (« endocrinopathie »), tel qu’un diabète ou de maladie de système (syndrome de Gougerot-Sjögren).
Compte tenu de l’accroissement du risque de lésion cancéreuse digestive haute à partir de 50 ans, la plupart des recommandations nationales ou internationales recommandent l’endoscopie première au-delà de cet âge. De même la présence de signes d’alarme (perte de poids non intentionnelle, saignements digestifs, dysphagie, vomissements, anémie ferriprive, masse épigastrique) fait logiquement pratiquer une endoscopie première, même si plusieurs études ont montré que la prévalence de lésions sévères dans ces conditions restait faible
Lorsque les problèmes de digestion s’accompagnent de selles noires, de vomissements abondants, de fièvre, de jaunisse, de douleur en coup de poignard ou d’une perte de poids, une consultation médicale s’impose.
En cas de troubles digestifs fréquents après les repas, il faut arrêter la cigarette et réduire la consommation d’alcool et de café.
Il ne faut pas manger trop rapidement et bien prendre le temps de mâcher. Il vaut mieux favoriser des repas légers plutôt que des festins trop copieux en évitant les aliments trop gras ou épicés.
Enfin, il faut éviter les boissons gazeuses, surtout celles qui sont riches en fructose : toutes les boissons gazeuses (bière, soda, eaux minérales) contiennent du gaz qui peut provoquer un ballonnement, mais les jus de fruits et les sodas contiennent en plus du fructose ou du sorbitol, sucres qui causent aussi un ballonnement.
Il n’y a pas de solution universelle pour mettre définitivement un terme à la digestion difficile. Les médicaments utilisables sont donc surtout destinés à alléger les désagréments ressentis et à améliorer le confort de vie.
Plusieurs types de médicaments disponibles sans ordonnance peuvent être utilisés, même si les preuves d’une réelle efficacité font parfois défaut. En 2012, faute de preuves d'efficacité convaincantes, les autorités européennes ont interdit aux compléments alimentaires contenant de la papaïne, de la bromélaïne, de la bétaïne ou des probiotiques à prétendre prévenir ou soulager les digestions difficiles et l’inconfort gastro-intestinal, ou d'améliorer la digestion des aliments.
Certains compléments alimentaires sont contre-indiqués chez la femme enceinte ou si la personne est atteinte de certaines maladies.
En pratique, on peut utiliser :
• Le charbon végétal activé est un traitement classique des ballonnements et il est justifié de l'essayer, même s’il n'est pas efficace pour tout le monde. Il faut se souvenir qu’il peut gêner l'absorption de certains médicaments.
• Les médicaments à type de pansements digestifs sont intéressants pour lutter contre les ballonnements. Ils sont généralement à base d’argile (kaolin), de siméticone ou de diméticone et dotés d’une propriété « anti-mousse » leur permettant d’empêcher la formation de gaz. Leur combinaison avec un antiacide est courante mais uniquement intéressante lorsque le ballonnement s’accompagne d’une sensation de brûlure au niveau de l’estomac.
Les faibles doses des antidépresseurs tricycliques comme l’amitriptyline et l’imipramine sont efficaces dans les troubles fonctionnels digestifs en général, même si ils ont été plus largement étudiés dans le syndrome de l’intestin irritable.
D’une manière générale, les prokinétiques et les agents plus récemment proposés peinent encore à démontrer une franche efficacité et/ou une sécurité d’emploi suffisante dans la dyspepsie. D’autres antagonistes des récepteurs de la dopamine (alizapride, bromopride, clebopride, levosulpiride…) sont disponibles dans certains pays, mais les évaluations dans la dyspepsie ne semblent pas mettre en évidence d’avantages importants par rapport à ceux disponibles en France.
La démarche thérapeutique reste donc empirique avec des mesures hygiéno-diététiques et un soutien psychologique au besoin aidé par les agents antiacides et antisécrétoires puis les prokinétiques. Elle fait encore proposer des antidépresseurs à faible dose.
De nouveaux agents actifs sur la viscéroperception, la relaxation gastrique, et de nouveaux prokinétiques devraient permettre de mieux contrôler les problèmes dans les prochaines années.