ACCUEIL > LES MALADIES > Douleur : mieux traiter la douleur physique et la douleur psychique

Douleur (général)

Douleur : mieux traiter la douleur physique et la douleur psychique

La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable qui peut être associée ou non à une lésion. La douleur est le plus souvent un signal d’alarme qui doit être exploré, mais elle peut également correspondre à un désordre du système nerveux, en particulier dès que la douleur se « chronicise ».

Ridofranz / iStock
COMPRENDRE
DIAGNOSTIC
TRAITEMENT
VIVRE AVEC
PLUS D’INFOS

Quels sont les différents médicaments de la douleur ?

Les principaux médicaments antidouleur (antalgiques) classiques sont divisés en trois classes en fonction de leur puissance d’action. Chaque classe correspond théoriquement à un niveau de la douleur mesuré initialement par une mesure objective et, en particulier, avec une échelle numérique (EN) ou une échelle visuelle analogique de la douleur (EVA).

La douleur « faible à modérée » (mesure inférieure à 40 mm sur l’EVA) relèvent des antalgiques de niveau I : paracétamol, aspirine et anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) tels que l’ibuprofène, le kétoprofène…

La douleur « modérée à sévère » (mesure EVA comprise entre 40 et 70 mm) se voit indiquer en première intention un antalgique de niveau II : codéine, poudre d’opium ou tramadol, seuls ou en association au paracétamol.

La douleur « très intense » (mesure EVA supérieure à 70 mm) revendique d’emblée un antalgique de niveau III : morphine et autres dérivés de l’opium (buprénorphine, fentanyl, hydromorphone, nalbuphine, oxycodone et péthidine).

Mais d’autres molécules peuvent être également utilisées pour combattre la douleur comme des anesthésiques locaux pour les douleurs localisées ou post-zostériennes (lidocaïne, procaïne, bupivacaïne...) désormais disponibles sous forme de patch pour certaines d’entre elles, ou des antispasmodiques intestinaux (utiles dans les douleurs viscérales comme les coliques néphrétiques ou les douleurs intestinales).

Pour les douleurs neurogènes, les antalgiques classiques ne sont pas très efficaces et il est nécessaire de recourir à des molécules psychotropes (antidépresseurs et anti-épileptiques) dont le principal intérêt est d’interférer avec la transmission des messages chimiques entre les cellules nerveuses, mais dont les effets indésirables limitent parfois l’utilisation. Ces médicaments agissent essentiellement au niveau de l’articulation entre les différents neurones au niveau de ce que les médecins appellent la « synapse ». C’est le cas de certains antidépresseurs et des antiépileptiques qui sont parfois utilisés dans le traitement des névralgies rebelles de la face et des douleurs neuropathiques.

À côté des médicaments, d’autres techniques sont disponibles pour soulager les douleurs. Elles relèvent de la chirurgie ou de la neurostimulation ou sont issues de médecines traditionnelles (acupuncture, massages, manipulations).

De plus, dans le cadre des petits accidents de la vie quotidienne et des loisirs, l'application de froid est une méthode efficace de réduction de la douleur aiguë.

Quels sont les principes du traitement de la douleur ?

Les douleurs nociceptives sont correctement prises en charge par différents antalgiques de référence : le paracétamol, l’aspirine ou encore la morphine et ses dérivés, pour les douleurs les plus rebelles. Ces médicaments sont efficaces contre des douleurs aiguës, mais présentent des effets secondaires non négligeables s’ils sont utilisés de façon prolongée, voire chronique (troubles gastriques et rénaux, tolérance et dépendance à la morphine,…).

Les douleurs neuropathiques, liées le plus souvent à une lésion du système nerveux, répondent très mal aux antalgiques traditionnels, exceptés certains opioïdes. Mais les effets secondaires de ces derniers, à long terme, ne permettent pas de les utiliser à forte dose pour des douleurs chroniques. Les traitements aujourd’hui utilisés sont basés sur des associations d’antalgiques avec les antidépresseurs et/ou les antiépileptiques. Ces deux derniers types de médicaments ont une action antalgique différente et présentent moins d’effets indésirables. Mais ils ont une efficacité modérée chez pratiquement 50 % des patients. Les médecins se retrouvent donc démunis devant les autres patients. D’où la nécessité de trouver d’autres pistes thérapeutiques.

Les douleurs cancéreuses sont basées sur l’association de morphiniques et d’anti-inflammatoires, voire d’antidépresseurs ou d’anti-épileptiques.

Comment utiliser les médicaments dans la douleur nociceptive ?

• Le paracétamol est l’antalgique de niveau I de première intention. On ne connaît pas exactement son mode d’action antalgique : il a longtemps été classé comme antalgique périphérique, mais on pense désormais que son mode d’action est central, non morphinique. Il est commercialisé sous de nombreuses présentations mais la majorité des dosages est à 500 mg ou 1g. Il a un excellent rapport efficacité tolérance à 1 g, mais sa durée d’action est courte, 2 à 3 heures dans la majorité des cas ce qui impose de la prendre en 4 prises par jour, sans dépasser 4 grammes par jour chez l’adulte sans insuffisance hépatique.

• Les anti-inflammatoires non-stéroïdiens existent sous diverses molécules et présentation. Ils sont principalement anti-inflammatoires mais aussi antalgiques à plus faible dose, en particulier pour une molécule comme l’ibuprofène que l’on trouve dans le commerce sous diverses présentations. L’avantage par rapport au paracétamol est qu’ils peuvent avoir une durée d’action plus prolongée permettant 3 prises par jour (ex : ibuprofène 400 mg x 3 par jour). L’inconvénient est qu’ils exposent à des risques d’accidents digestifs (ulcères gastroduodénaux avec risque d’hémorragie digestive), un risque d’insuffisance rénale, en particulier chez le sujet âgé déshydraté avec un traitement antihypertenseur de type inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine ou Sartan, et enfin, un risque cardiovasculaire lorsqu’ils sont pris quotidiennement et à long terme. Ils sont désormais divisés en AINS type Cox-1 et AINS type Cox-2, ces derniers étant possiblement moins toxiques pour l’estomac. Leur mode d’action serait périphérique, c’est-à-dire par action sur les récepteurs périphériques.

• Les antalgiques de niveau II sont basés sur les associations paracétamol-codéine ou paracétamol-poudre d’opium, généralement administrés en trois prises par jour. Le bénéfice recherché de ces associations est de combiner les bénéfices d’un antalgique central morphinique faible avec un autre antalgique non-morphinique, mais ce bénéfice additif n’est que partiel. Une association paracétamol-tramadol doit être administrée en 4 prises par jour et elle présente un effet antalgique supplémentaire à l’effet opioïde : il existerait une action monoaminergique par inhibition de la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine qui exercerait un effet antalgique au niveau médullaire. L’inconvénient est que la codéine, la poudre d’opium ou le tramadol sont parfois à l’origine de nausées, de vomissements et qu’ils perturbent la conduite. Ils doivent être essayés successivement afin de trouver celui qui apporte le meilleur rapport bénéfice risque pour chaque malade.

• Les antalgiques de niveau III, ou opioïdes forts, ont une action antalgique centrale (dans le cerveau) au niveau des récepteurs opioïdes. Il existe suffisamment d’opiacés agonistes purs (action directe sur le récepteur) pour éviter d’utiliser les agonistes partiels ou les agonistes-antagonistes (buprénorphine, nalbuphine) qui sont plus difficiles à manipuler dans un but antalgique. On utilise donc en priorité la morphine et d’autres opioïdes forts (fentanyl, hydromorphone et oxycodone).

Il existe des formes injectables, transdermiques (patch) et orales, et parmi ces dernières, des formes à libération immédiate et des formes à libération prolongée. Le principe est de rechercher la dose efficace avec des formes à libération immédiate (dont la durée d’action est d’environ 4 heures) : c’est la « titration », puis de remplacer les formes à libération immédiate par 2 prises quotidiennes d’une forme à libération prolongée qui couvre mieux les 24 heures et évite les « trous thérapeutiques ». Les formes à libération immédiates peuvent être additionnées pour l’ajustement des doses aux « pics de douleurs ».

Selon leur affinité pour le récepteur opioïde « mu », le potentiel antalgique est différent et il existe donc une table « d’équivalence équi-analgésique » pour ces molécules pour la même efficacité antalgique, à une dose d’une molécule correspond une autre dose d’une autre molécule : ainsi à 60 mg de morphine par voie orale (per os) correspondent :

- 20 mg de morphine injectable (sous-cutanée ou intraveineuse),

- 8 mg d’hydromorphone par voie orale,

- 25 microgramme de fentanyl transdermique par heure,

- 30 mg d’oxycodone par voie orale.

Du fait de leur potentiel toxicomaniaque, leur prescription est très strictement encadrée (prescription en toute lettre sur des ordonnances sécurisées = 8 jours pour les formes injectables et 28 jours pour les formes orales). Leur interruption à la fin du traitement doit être progressive.

En dehors de l’accoutumance et de la dépendance psychique et physique, tous ces antalgiques de niveau III ont les mêmes effets secondaires :

- constipation (à prévenir dès le début de la prescription avec des mucilages et des fibres alimentaires et une bonne hydratation),

- nausées et vomissement en début de traitement (à prévenir par des « antiémétiques » tels que la dompéridone, le métoclopramide ou la métopimazine ou exceptionnellement les antagonistes des récepteurs 5-HT3 de la sérotonine),

- dépression respiratoire (rare mais possible, ce qui impose de surveiller la fréquence respiratoire au cours de la titration),

- sédation et somnolence (qui peuvent être un signe de surdosage),

- confusion mentale et dysphorie chez le sujet âgé,

- rétention d’urine,

- sécheresse buccale.

Ces molécules doivent donc être réservées aux malades douloureux non ou insuffisamment soulagés par les thérapeutiques usuelles après élimination des contre-indications : insuffisance respiratoire ou hépatique, état dépressif, traumatisme et hypertension intracrânienne, intoxication alcoolique, enfant de moins de 30 mois et allaitement.

Comment utiliser les médicaments dans la douleur neurogène ?

Différentes molécules sont utilisées (antalgiques et non-antalgiques). Le principe est de ne pas prendre de doses trop fortes pour chaque molécule, car le gain d’efficacité est minime alors que le risque d’effets indésirables augmente très vite. Il s’agit donc plutôt de rechercher la meilleure association de molécules à dose modérée, en commençant toujours par une mono- ou une bithérapie d’un antalgique classique. Ce type d’antalgique peut être associé à un antidépresseur et/ou à un antiépileptique.

• Les antalgiques classiques ne sont généralement pas efficaces dans la douleur neurogène, en dehors des morphiniques à dose modérée, en se rappelant que l’objectif n’est pas de prescrire ces molécules sur des périodes trop prolongées du fait du risque d’accoutumance et de dépendance. Le tramadol est à ce titre une molécule intéressante du fait de sa double action : action sur les récepteurs mu cérébraux et action monoaminergique au niveau de la moelle épinière.

• Les antidépresseurs utilisés dans les douleurs neurogènes sont le plus souvent des molécules tricycliques déjà anciennes (amitriptyline, clomipramine, imipramine) qui ont une action avérée sur les douleurs neurogènes périphériques. Leurs effets secondaires sont dépendants de la dose (sécheresse de la bouche, constipation, sueurs, troubles visuels, palpitations, rétention urinaire, troubles cognitifs, confusion, hypotension orthostatique avec risque de chutes notamment chez le sujet âgé). L’efficacité des antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de la sérotonine et de la noradrénaline (venlafaxine, duloxétine) est établie dans le traitement des neuropathies périphériques liées au diabète (notamment en ce qui concerne la duloxétine). Les effets indésirables les plus fréquents de la duloxétine comportent des nausées, une constipation ou une diarrhée, une inappétence, parfois une sécheresse de la bouche et une somnolence. Quelques cas d’élévation des enzymes hépatiques, de la tension artérielle et de l’hémoglobine glyquée (généralement modeste et sans impact clinique pour cette dernière) ont été rapportés.

Parmi les antiépileptiques, l’efficacité de la prégabaline et de la gabapentine est largement démontrée dans les douleurs neurogènes périphériques et centrales de l’adulte. Ces traitements agissent vraisemblablement en réduisant les phénomènes de sensibilisation centrale. Les effets indésirables les plus fréquents incluent : impression vertigineuse, somnolence, fatigue, prise de poids, œdèmes périphériques, céphalées et bouche sèche.

L’efficacité des emplâtres de lidocaïne a été confirmée dans la douleur post-zostérienne et à moindre degré dans des lésions nerveuses périphériques associées à une hypersensibilisation à la douleur (« allodynie »).

D’autres traitements sont étudiés et paraissent prometteurs.

Y a-t-il des traitements non-médicamenteux de la douleur ?

De nombreuses prises en charge non médicamenteuses sont aujourd’hui utilisées dans la prise en charge de la douleur chronique, en plus du traitement médicamenteux.

Acupuncture, relaxation, sophrologie, ou hypnose, sont des méthodes qui ont objectivement prouvé une certaine efficacité dans les douleurs chroniques, notamment par des techniques d’imagerie cérébrale fonctionnelle.

Elles ont maintenant pris une place importante dans les centres antidouleur et permettent même parfois de diminuer les prises médicamenteuses de certains patients.