Quand doit-on évoquer une hémochromatose ?
L’hémochromatose familiale est une maladie chronique qui évolue très progressivement et très lentement, ce qui est responsable d’un retard diagnostic fréquent. Ce retard est largement préjudiciable pour les personnes atteintes, car le traitement est surtout efficace en cas de surcharge simple, avant l’installation d’une souffrance des différents organes où se font les dépôts.
Le diagnostic peut donc être évoqué selon différents tableaux qui sont présents en fonction de l’âge :
• Entre 0 et 20 ans, l’accumulation de fer dans l’organisme n’est pas très importante et ne donne pas de symptômes (sauf dans les formes juvéniles exceptionnelles).
La seule façon d’évoquer le diagnostic est de faire un dépistage génétique dans les familles atteintes.
• Entre 20 et 40 ans, il existe une surcharge de fer avérée, y compris dans les organes habituellement touchés, mais comme le dépôt en fer est très progressif, il n’y a pas toujours de manifestations cliniques.
Si la maladie n’est pas décelée et si elle n’est pas traitée, elle va progresser vers le stade des altérations débutantes des organes avec l’apparition de signes ou symptômes.
• Les manifestations cliniques apparaissent vers l’âge de 35 ans chez l’homme et plus tardivement chez la femme, vers l’âge de 45 à 50 ans.
A la phase d’état, la maladie se traduit souvent par une fatigue chronique marquée.
Des douleurs articulaires peuvent survenir, touchant volontiers les petites articulations des doigts, avec des douleurs lors de la poignée de main, ou d’autres articulations plus importantes, telles que les poignets ou les hanches.
Plus tardivement, un brunissement de la peau (mélanodermie) apparaît très souvent : il s’agit d’un aspect «grisâtre, métallique» de la peau qui intéresse le visage, les grosses articulations, et les organes génitaux. La peau s’affine (atrophie) avec l’apparition d’un aspect squameux ou en écailles de poisson (ichtyose) et une raréfaction des cheveux et des poils pubiens.
© Inserm/Belin, Marie-Françoise
http://www.serimedis.inserm.fr
• Lorsque le diagnostic est retardé, les complications apparaissent qui se traduisent par des manifestations cliniques qualifiées de tardives qui concernent le foie, les glandes endocrines ou le cœur.
Le volume du foie est augmenté, ce qui peut provoquer des douleurs abdominales. Les fonctions assurées normalement par le foie se détériorent au fur et à mesure que la cirrhose s’installe. La cirrhose elle-même expose au risque de développer un cancer du foie (carcinome hépatocellulaire).
Sur le plan hormonal, un diabète peut survenir. On parle de « diabète bronzé » car il s’associe au brunissement de la peau. Parfois, il y a d’autres glandes endocrines atteintes avec diminution de la production des hormones correspondantes. Ainsi, une impuissance secondaire à une atteinte des testicules peut apparaître. Plus rarement, l’atteinte de l’hypophyse, petite glande sous le cerveau qui commande la sécrétion de nombreuses hormones, entraîne un défaut de sécrétion de toutes les glandes.
Le cœur peut également être touché avec une augmentation de son volume, un trouble de la contraction du muscle cardiaque et des signes d’insuffisance cardiaque : essoufflement, palpitations, froideur des extrémités. A l’effort, ces signes s’accompagnent d’une coloration bleuâtre de la peau (cyanose) témoignant de l’insuffisance en oxygénation des tissus. Cette insuffisance cardiaque peut toucher le cœur droit, ce qui gêne le retour du sang vers le cœur et provoque un engorgement du foie avec des douleurs sous les côtes droites. Parfois l’atteinte du cœur se traduit par un rythme cardiaque irrégulier (trouble du rythme).
Au stade tardif de la maladie, qui est devenu exceptionnel, on constate l’association d’un diabète, d’une insuffisance cardiaque (parfois avec arythmie), d’une polyarthrose, d’une ostéoporose et d’une cirrhose hépatique chez un malade dont la coloration de la peau est sombre alors qu’elle était normale auparavant.
Comment faire le diagnostic ?
Chez une personne qui se plaint de signes évocateurs de la maladie, le diagnostic est posé grâce à quelques examens sanguins.
Le taux de fer dans le sang (fer sérique) est très élevé (supérieur à 30 μmol/l).
Cette augmentation à elle seule ne permet pas le diagnostic qui ne peut être affirmé que s’il s’y associe une élévation du coefficient de saturation de la transferrine (protéine de transport du fer dans le sang) : taux supérieur à 50 %. La détermination du coefficient de saturation de la transferrine est donc l’examen déterminant.
Le dosage de la ferritine (reflet des réserves de fer dans l’organisme) montre également des valeurs très élevées.
La preuve de la surcharge du foie en fer (hépatosidérose), qui nécessitait autrefois une biopsie du foie pour être mise en évidence, est actuellement faite grâce l’imagerie par résonance magnétique (IRM).
Un test génétique, le test HFE (mise en évidence de la mutation du gène HFE) a aujourd’hui une place privilégiée dans le diagnostic de l’hémochromatose. Sa positivité est en effet un très fort argument pour confirmer le diagnostic.
Le diagnostic d’hémochromatose n’est cependant sûr qu’après avoir éliminé les autres causes de surcharge en fer comme certaines maladies du sang (thalassémies), une cirrhose alcoolique et certaines maladies métaboliques qui nécessiteront d’autres examens de sang.
Faut-il faire une biopsie hépatique ?
La biopsie du foie consiste en un prélèvement sous anesthésie locale d’un petit morceau de foie. Elle est obtenue par ponction sous les côtes droites avec une aiguille.
Elle a été longtemps indispensable pour montrer la surcharge en fer du foie. Elle n’est actuellement plus nécessaire pour poser le diagnostic.
La biopsie hépatique n’a actuellement d’intérêt que pour rechercher une complication de la surcharge en fer comme la cirrhose du foie : elle est réservée aux cas où la progression vers le cancer du foie est suspectée.
D’autres examens sont-ils nécessaires ?
Quand le diagnostic d’hémochromatose est posé, il est nécessaire de réaliser une évaluation de la fonction des différents organes susceptibles d’être atteints.
C’est ainsi que des dosages des transaminases, de la glycémie, de la testostéronémie (chez l’homme), une ostéodensitométrie (en raison du risque d’ostéoporose) et une échocardiographie pourront être demandés par le médecin.
Est-il possible de faire un dépistage familial ?
Dépistée tôt, l’hémochromatose peut bénéficier de traitements qui en ralentissent l’évolution et préviennent ses complications. Mais, comme l’hémochromatose est une maladie qui évolue très lentement et en silence et comme elle se manifeste par des signes très variables d’une personne à l’autre, le délai entre les premiers symptômes et le diagnostic est parfois de plusieurs années : ceci aboutit fréquemment à un diagnostic tardif, au stade des complications.
Les membres de la famille d’une personne atteinte d’hémochromatose doivent donc bénéficier d’une détermination du coefficient de saturation de la transferrine et d’un test génétique afin de rechercher l’anomalie génétique. Ces tests se font par simple prise de sang.
Dans le nord de l’Europe, la mutation C282Y est présente dans 93-95 % des hémochromatoses et permet ainsi le dépistage de cette maladie via la recherche de cette anomalie dans cette partie du monde.