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Maladie d’Alzheimer

Alzheimer : dépister tôt pour ralentir la progression

La maladie d'Alzheimer est une maladie neurodégénérative où il n'existe pas encore de traitement curatif au stade tardif et invalidant de cette affection. Mais les stratégies de dépistage sont porteuses d'espoir pour un traitement à un stade précoce où la maladie est encore accessible. Elles le sont aussi à un stade moins précoce, pour obtenir un ralentissement de l'évolution vers la forme invalidante de la maladie : activité physique, lutte contre les facteurs de risque (dont les troubles du sommeil) : l'idée est que, à ce stade, les malades puissent vivre leur vie avec une maladie légère et peu invalidante   Par le Dr Vincent Deramecourt, neurologue, CHRU de Lille

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Des mots pour les maux

Les troubles cognitifs qui caractérisent la maladie sont des atteintes de la fonction de connaissance qui regroupe la mémoire, le langage, le raisonnement, l’apprentissage, l’intelligence et la perception.
Les neurones sont les cellules nerveuses de l'organisme. La maladie provoque leur destruction progressive par l'accumulation de certaines protéines toxiques dans le cerveau.

Est-ce vraiment une maladie ou un état lié au vieillissement du corps humain ?

On confond à tort, mais encore trop souvent, la maladie d’Alzheimer avec les effets de l’âge sur le cerveau. La maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégénérative, c'est-à-dire qu’elle entraîne de manière lentement progressive et actuellement irréversible un dysfonctionnement puis la mort des cellules nerveuses (les neurones) du cerveau. Il ne s’agit en aucun cas d’un vieillissement inéluctable du cerveau car certaines personnes, même très âgées, échappent à la maladie. Comme tous les organes du corps, le cerveau subit les effets du vieillissement, mais ils se limitent à un certain degré de ralentissement intellectuel n’entraînant jamais de conséquences sur l’autonomie de la personne. En aucun cas le vieillissement normal du cerveau ne peut expliquer l’ampleur des modifications intellectuelles et comportementales liées à la maladie d’Alzheimer.

Est-ce une épidémie ?

Le nombre de cas diagnostiqués croît rapidement dans le monde, non seulement dans les pays développés mais également dans les pays émergents. En France, il existe actuellement 850 000 malades et le cap des 2 millions pourrait être atteint d’ici 2030. Cette augmentation est liée au vieillissement des populations, car l’âge est le principal facteur de risque de la maladie. Les malades sont également mieux identifiés et diagnostiqués, car le déclin cognitif n’est plus considéré comme un phénomène normal chez la personne âgée. N’oublions pas que le vieillissement des populations est aussi lié à une amélioration majeure des conditions de santé !

Quelle est la cause de la maladie ?

Les causes de la maladie sont encore inconnues à l’heure actuelle, même si les connaissances sur les processus qui conduisent à la mort des neurones ont fait l’objet de grandes avancées scientifiques depuis 20 ans. Ces processus entraînent des dysfonctionnements de certaines protéines indispensables au fonctionnement des neurones et l’accumulation au sein du tissu cérébral de protéines toxiques que le cerveau peine à évacuer. Parmi les protéines qui s’accumulent de manière anormale chez les sujets atteints par la maladie d’Alzheimer, les deux plus connues sont la protéine Tau et la protéine A-bêta. Cette dernière est le composant principal des plaques amyloïdes que l’on observe au microscope dans le cerveau des malades. Si l’on comprend mieux aujourd’hui comment se constituent les lésions cérébrales et leurs conséquences sur la survie des neurones, on ignore encore précisément ce qui déclenche le mécanisme pathologique.

La maladie d’Alzheimer est-elle transmissible ?

D’après les travaux de chercheurs britanniques, le développement des protéines caractéristiques de la maladie d’Alzheimer pourrait être déclenché par des protéines exogènes : il pourrait donc exister une certaine forme de « transmission » de la maladie. Il avait été montré que des souris auxquelles on avait injecté des extraits de cerveau de patients atteints d’Alzheimer, pouvaient développer, au bout d’un certain temps, des plaques amyloïdes. L’injection de fragments de protéines amyloïdes, qui serviraient en quelque sorte « d’amorces », pourrait déclencher une réaction en chaîne, similaire à ce que l’on observe dans les maladies dites « à prions », telles que la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Au contact de ces « amorces », la structure des protéines saines serait modifiée, entraînant à terme la formation de plaques d’amyloïde. C’est ce qui se serait passé chez des malades anglais. Ces travaux, ne montrent cependant pas un véritable caractère transmissible de la maladie, mais au mieux, des protéines amyloïdes, sources de plaques. La maladie d’Alzheimer n’est donc pas contagieuse au sens strict car aucune étude épidémiologique n’a suggéré un risque de transmission, par transfusion sanguine, notamment. Cependant, les « amorces d’amyloïde » peuvent adhérer sur les instruments en métal et elles résistent aux protocoles standard de stérilisation. Des données qui pourraient amener à reconsidérer le risque de propagation des ces protéines.

Y a-t-il des prédispositions génétiques, est-ce une maladie héréditaire ?

Les formes héréditaires de maladie d’Alzheimer, transmises de génération en génération, existent mais sont extrêmement rares. Elles ne concernent que quelques centaines de malades d’Alzheimer en France et se révèlent à un âge très précoce, entre 30 et 50 ans. Dans ces formes héréditaires, c’est la mutation d’un gène en particulier qui cause de manière systématique la maladie chez la personne porteuse de cette modification du génome. La vaste majorité des malades d’Alzheimer sont atteints de formes « sporadiques », c'est-à-dire qu’il n’existe pas de début précoce ni de transmission familiale de la maladie de génération en génération. Pour autant, la génétique intervient aussi dans ces formes sporadiques, mais de manière non systématique. Elle crée un terrain favorable ou défavorable associé au développement de la maladie. En effet, parmi les gènes que nous transmettent nos parents, c’est la combinaison de quelques dizaines ou centaines de gènes différents qui nous expose à ou nous protège de la plupart des maladies, dont la maladie d’Alzheimer fait partie.

Que peut-on faire à titre préventif pour minimiser le risque d’avoir cette maladie ?

Le principal facteur de risque de présenter la maladie d’Alzheimer c’est l’avancée en âge, et l’on ne peut rien contre cela. Mais il existe des facteurs de risque que l’on peut modifier en adoptant un mode de vie sain et adapté. Et cette prévention, même s’il n’est sans doute jamais trop tard pour la mettre en place, doit dans l’idéal débuter dès 50 ans, car on sait que les premières modifications du cerveau interviennent plus de 10 à 20 ans avant les premiers symptômes ! En premier lieu, il faut lutter contre l’isolement social et continuer à pratiquer des activités intellectuelles et physiques variées, avoir une vie active et saine. Il faut aussi surveiller et traiter précocement les facteurs qui, comme les facteurs de risque vasculaire, pourraient également endommager le cerveau et l’exposer d’avantage au risque de développer la maladie d’Alzheimer : l’hypertension artérielle, l’excès de cholestérol ou le diabète.

Existe-t-il des facteurs déclenchants ?

On ne connaît pas de facteur déclenchant de la maladie. Il ne faut pas oublier que les premières lésions cérébrales apparaissent plus de 10 à 20 ans avant que la maladie se déclare par un affaiblissement des capacités de mémoires ou des autres fonctions intellectuelles, et ce de manière totalement silencieuse. Les malades ou leur famille font fréquemment le lien entre un événement de vie et le début des symptômes. Mais ce rapprochement n’est donc que chronologique, sans aucun rôle causal.

Les premiers signes apparaissent-ils de façon rapide ou progressive ?

La maladie d’Alzheimer s’installe de manière insidieuse et lentement progressive. L’apparition brutale ou rapidement progressive des symptômes doit faire rechercher d’autres maladies cérébrales ou générales. Il est toujours utile d’explorer une plainte de perte de la mémoire, même débutante.

Quel est le délai entre les premiers symptômes et le moment où la maladie est invalidante ?

Il s’écoule généralement plusieurs années entre la plainte initiale et l’apparition d’une perte d’autonomie, définie par la nécessité d’une aide extérieure pour réaliser certains actes de la vie quotidienne (transports, finances, communication, gestion du traitement, préparation des repas, entretien du domicile, etc). Par ordre de grandeur, environ 15 % des personnes qui présentent des troubles légers, sans retentissement sur leur vie de tous les jours, développeront chaque année une perte d’autonomie significative. Il faut souvent plus de 10 ans depuis les premiers symptômes pour que la maladie devienne sévère avec nécessité d’intégrer une structure d’accueil pour personne âgée dépendante.

Pourquoi l’agressivité est-elle souvent retrouvée ?

L’agressivité est plutôt un symptôme comportemental rencontré au stade sévère de la maladie. Ce n’est pas un symptôme obligatoire de la maladie et la majorité des malades ne seront jamais agressifs. Dans un premier temps, il convient de rechercher une cause à cette agressivité, qui peut être en lien avec un autre problème de santé comme une douleur, une infection, une constipation, une phlébite, un problème cutané… En l’absence de cause somatique à cette agressivité, il faut alors s’interroger sur l’environnement proche du malade : a-t-il des hallucinations, des difficultés à reconnaître les personnes ou les lieux ? Est-il anxieux ? Refuse-t-il le contact des gens ou de l’eau lors de la toilette ? Le mieux est d’adopter une attitude apaisante et calme. Certains traitements psychotropes seront utilisés en cas d’agressivité majeure.

Pourquoi la déambulation atteint-elle certains malades ?

La déambulation est également un symptôme comportemental présent au stade sévère de la maladie. Ce symptôme peut avoir des origines diverses. La présence de déambulations inhabituelles doit faire rechercher une cause somatique : infection, douleur, constipation, problème cutané par exemple. Elle peut être la conséquence de certains traitements psychotropes comme les neuroleptiques qui entraînent chez certains malades une envie irrépressible de se lever, de piétiner sur place ou de déambuler. La déambulation est souvent reliée à la désorientation spatiale, le malade marche alors sans repère ni but précis. Elle peut être liée à des idées obsessionnelles (passages aux toilettes à répétition, aller regarder par une fenêtre). On peut lutter contre ce trouble en proposant des activités au malade. Les établissements spécialisés disposent généralement d’un espace de déambulation adapté.

Les capacités perdues peuvent-elles se retrouver ?

La maladie d’Alzheimer est une pathologie irréversible dans l’état actuel des connaissances et l’évolution se fait donc généralement selon une aggravation graduelle des capacités. Les séances de stimulation cognitive à domicile peuvent permettre au malade de réapprendre des actes simples (activités ménagères simples, cuisine, activités manuelles). Une aggravation brutale de l’état du malade survenant par exemple dans le cadre d’un syndrome confusionnel causé par la survenue d’une affection (hospitalisation, infection, rétention d’urine…) est généralement réversible une fois que la cause est repérée et correctement prise en charge.

Quelle est la cause du décès, la maladie elle-même ou ses complications ?

La maladie aboutit, généralement après plus de 10 ans d’évolution, à un état de dépendance totale. Le malade est alors exposé à des complications pouvant entraîner le décès : chutes, dénutrition, troubles de déglutition provoquant de sévères infections pulmonaires. A ces âges avancés de la vie, il n’est pas rare que le patient atteint de maladie d’Alzheimer développe d’autres maladies graves : pathologies cardiaques ou respiratoires, cancers, etc. Ces maladies associées ne sont pas toujours facilement détectables chez un malade devenu réticent aux examens ou ne sachant plus exprimer la moindre plainte. Le suivi médical d’un tel patient nécessite encore plus d’attention et d’écoute. Certaines maladies, même bénignes en apparence, peuvent aggraver rapidement l’état général du patient : constipation, infections urinaires, gynécologiques ou dentaires, douleurs articulaires… En fin de vie, des équipes de soins palliatifs peuvent intervenir pour faciliter la prise en charge des malades, dans le respect de leur dignité et sans acharnement déraisonnable.

Quelles sont les conséquences sur la nutrition ?

Il peut exister des modifications du poids dans la maladie d’Alzheimer. Certains malades ont tendance à maigrir, sans que les apports alimentaires ne soient modifiés de manière évidente. Il convient alors de renforcer les apports caloriques en ayant recours à des aliments plus riches ou des compléments alimentaires, et de corriger certaines carences en vitamines. D’autres malades ont tendance au contraire à prendre du poids du fait de la diminution d’activité physique, ou de la conséquence de certains traitements psychotropes. Dans tous les cas, il faut rechercher d’autres causes d’amaigrissement : inflammation, troubles digestifs, cancer, et ne pas attribuer d’emblée les modifications de poids à la maladie. Qu’on soit malade ou pas, une alimentation équilibrée et la pratique d’une activité physique régulière se justifient à tout âge.

Combien de temps dure la maladie ?

La maladie d’Alzheimer peut durer plus de 10 ans après les premiers symptômes apparents. Ce ne sont que des moyennes, certains malades ayant des formes d’évolution rapide ou plus prolongée (plus de 20 ans parfois). Il est difficile de prévoir cette évolution, ce d’autant qu’il est difficile de dater précisément les premiers troubles et que la maladie n’évolue pas de manière linéaire : l’évolution peut parfois s’aggraver avant de se stabiliser. La durée d’évolution dépend aussi de l’état de santé général du patient, de la présence éventuelle d’autres pathologies cérébrales associées comme des lésions vasculaires. On sait aussi que les premières lésions cérébrales de la maladie d’Alzheimer s’installent probablement 15 à 20 ans avant que n’apparaissent les premiers symptômes cliniques.

Comment juge-t-on que le patient est incapable de s'assumer seul ?

Ce sont les proches du malade qui sont le mieux à même d’estimer sa perte d’autonomie. Initialement, ce sont les tâches les plus élaborées que le malade ne peut plus assumer : gestion financière, déplacement en voiture par exemple. Puis ce sont les capacités de communication ou d’autonomie à domicile qui seront altérées. Les actes simples d’hygiène, d’alimentation ou de locomotion sont les derniers à disparaître. Toutes ces difficultés s’anticipent et justifient la mise en place d’aides adaptées au niveau de handicap de la personne et en respectant sa dignité, tant sur le plan humain que juridique. A chaque étape de la maladie, il existe des solutions d’accompagnement du malade et de ses proches : aides financières, moyens humains, structures d’accueil de jour, hébergement temporaire ou à plus long terme.