Quels sont les premiers symptômes vraiment significatifs ?
Dans plus de 90 % des cas, la maladie débute par des troubles de la mémoire des événements récents. Cependant, ne plus se souvenir d'un numéro de téléphone, du code secret de sa carte bleue ou de l'endroit où l'on a déposé ses clefs ne sont pas des signes avant-coureurs de la maladie d'Alzheimer. Ces oublis-là n'ont pas d'incidence sur la vie quotidienne puisqu'il est généralement possible de se rappeler ces informations après quelques efforts ou en utilisant des moyens mnémotechniques. En revanche, le fait de ne plus se souvenir des événements qui datent de quelques heures ou quelques jours (réunions de famille, contenu d’une conversation, souvenirs de vacances, fait d’actualité…) doit inquiéter, notamment si la personne ne retrouve pas l’information lorsqu’on l’aide à se souvenir. A l’inverse, les souvenirs anciens ou les connaissances générales sont préservés beaucoup plus longtemps.
Vers quel âge les signes peuvent-ils apparaître ?
La majorité des malades d’Alzheimer débutent leur maladie après 65 ans. Et la fréquence de la maladie continue d’augmenter avec l’avancée en âge de manière très rapide. La maladie n’épargne pour autant pas les sujets plus jeunes : on estime en effet qu’en France 8000 malades ont développé la maladie d’Alzheimer avant 60 ans. Les manifestations et surtout les conséquences financières, sociales ou familiales de la maladie sont très différentes selon l’âge de début.
Des signes de dépression peuvent-ils annoncer la maladie ?
C’est possible, mais pas de manière isolée. En début de maladie, le sujet est généralement conscient du déclin de ses capacités de mémoire. Et ce déclin peut entraîner des symptômes dépressifs avec une dévalorisation, une perte de confiance en soi et surtout une grande crainte pour l’avenir. L’erreur serait d’attribuer le déclin intellectuel au syndrome dépressif alors que c’est l’inverse qui se produit. Il n’est pas classique de débuter un syndrome dépressif après 60 ans quand on ne l’a jamais été de sa vie. Il faut donc se méfier des modifications prenant l’aspect d’une dépression inexpliquée et proposer la réalisation de tests cognitifs dans ce contexte, afin de ne pas méconnaître une maladie d’Alzheimer ou une autre pathologie cérébrale apparentée. En effet, un syndrome dépressif peut inaugurer d’autres maladies neurodégénératives comme la maladie à corps de Lewy par exemple.
A l’heure actuelle non, il n’existe pas de dépistage systématique. En revanche, il est toujours utile de pratiquer quelques explorations simples chez les personnes qui se plaignent de leur mémoire, ne serait-ce que pour rassurer la plupart d’entre elles sur l’absence de signe de maladie évolutive. Des examens systématiques de la mémoire, généralement accompagnés d’imagerie cérébrale et de prélèvements sanguins, ne sont actuellement réalisés que dans le cadre de travaux de recherche de grande ampleur qui explorent le vieillissement cérébral et les phases précoces des maladies neurodégénératives. Plusieurs études de ce type sont actuellement en cours en France comme la cohorte Memento qui propose un suivi systématique aux sujets qui se plaignent de leur mémoire. Il est possible de se renseigner auprès des centres spécialisés.
Lorsque les premiers symptômes de la maladie apparaissent, avant même que la personne ne perde son autonomie au quotidien, on parle de phase prodromale de la maladie d’Alzheimer. Avec les moyens actuels de la neuropsychologie, de l’imagerie médicale et des biomarqueurs, il est possible de poser un diagnostic fiable de maladie d’Alzheimer, même à ce stade précoce. Les malades eux-mêmes sont souvent demandeurs de ce diagnostic car ils se plaignent de leurs pertes de mémoire, veulent en connaître l’origine et ils ont souvent pris seuls la décision de venir consulter un médecin spécialiste. Poser un diagnostic précoce de maladie d’Alzheimer, c’est pouvoir bénéficier rapidement des traitements validés et participer aux programmes de recherche sur la maladie, anticiper et prendre soi-même les décisions qui concernent son projet de vie.
Le médecin de famille doit être le premier alerté dès l’apparition des premiers troubles. S’il connaît bien son patient, il sera à même de détecter un changement insidieux et progressif dans les facultés ou le comportement de son patient. C’est lui qui doit être consulté en premier afin de réaliser les premières investigations simples. Des pathologies fréquentes du sujet âgé peuvent mimer un déclin cognitif, c’est-à-dire une altération des fonctions de la mémoire, du langage, du raisonnement et de l’organisation, et doivent être recherchées : maladies de la thyroïde, carences nutritionnelles, troubles de l’humeur ou du sommeil… Après élimination de ces causes générales, facilement traitables, le diagnostic de la maladie d’Alzheimer relève de consultations spécialisées en milieu neurologique ou gériatrique. Dans l’attente du bilan spécialisé, le médecin généraliste peut proposer quelques examens simples ou prescrire quelques examens d’imagerie cérébrale.
La première personne à consulter est son médecin traitant. C’est lui qui évaluera le caractère inquiétant ou non des oublis du patient et les replacera dans le contexte global de santé de celui-ci. Il peut proposer les premières échelles d’évaluations comme le MMS, le test de l’horloge, le test des cinq mots. Il évaluera un éventuel retentissement débutant sur l’autonomie de la personne à partir de quelques items simples : utilisation du téléphone, des moyens de transports, gestions financière ou du traitement médicamenteux. En cas de doute, le patient sera adressé à une consultation spécialisée dans les troubles de la mémoire, auprès d’un neurologue ou d’un gériatre. Des consultations pluridisciplinaires de la mémoire sont présentes partout en France.
Il s’agit essentiellement d’une évaluation des fonctions cognitives, c’est-à-dire de la mémoire, du langage, du raisonnement, des reconnaissances et de l’organisation. Après réalisation des tests simples, toute personne orientée vers une consultation mémoire spécialisée aura un examen neuropsychologique plus approfondi s'il existe le moindre doute sur l'intégrité de ses fonctions cognitives ou s'il subsiste des anomalies dans la présentation clinique ou neuropsychologique habituelle. Une imagerie cérébrale sera systématiquement réalisée, en particulier une IRM, à la recherche de signes évocateurs de maladie d’Alzheimer comme l’atrophie des hippocampes, petites structures cérébrales au centre du cerveau, impliquées dans le processus de mémorisation. Il n’est pas toujours possible ni facile de poser un diagnostic fiable dès la première visite. Un suivi attentif de la situation est alors proposé avec réévaluation clinique. C’est parfois après plusieurs mois de suivi que le diagnostic peut être posé.
La maladie d’Alzheimer n’est pas la seule maladie cérébrale entrainant un déclin des capacités intellectuelles ou comportementales. Il n’est donc pas toujours facile de distinguer ces différentes maladies dont le pronostic peut être radicalement différent, notamment au stade précoce. C’est pourquoi, dans certains cas, d’autres examens seront proposés : imagerie fonctionnelle cérébrale, recherche de biomarqueurs de maladie d’Alzheimer dans le liquide céphalorachidien recueilli par ponction lombaire, examen d’imagerie cérébrale utilisant des traceurs de plaques amyloïdes. Ces examens ne sont disponibles que depuis peu de temps et leur fiabilité est toujours en cours d’évaluation. Aucun examen ne permet le diagnostic de maladie d’Alzheimer à lui seul. C’est sur un faisceau d’arguments cliniques et paracliniques que repose le diagnostic.
Il n’ y a pas de règle générale, chaque situation familiale étant différente. Le malade lui-même est libre de décider ou non que ses proches soient informés du diagnostic et il convient quand c’est possible d’obtenir son propre avis sur cette question. Cependant, les autres membres de la famille ont pu eux aussi remarquer des modifications chez le malade, et leur annoncer qu’un diagnostic de maladie d’Alzheimer a été posé récemment pourra soulager leurs angoisses et favoriser l’accompagnement du malade. Il ne faut pas négliger l’information des petits enfants qui peuvent être déroutés par le comportement inhabituel de leur grand-père ou grand-mère. Une information loyale dans le cercle familial permet souvent de dédramatiser la situation et d’éviter l’isolement ou les conflits intrafamiliaux.
Les troubles cognitifs d’origine vasculaire surviennent généralement chez des personnes qui cumulent les facteurs de risque vasculaires : hypertension artérielle, diabète, tabagisme, hypercholestérolémie, syndrome d’apnée du sommeil. Ils peuvent également apparaître dans les suites d’un accident vasculaire cérébral, avec un mode de début relativement brutal. Dans les démences vasculaires, les troubles de mémoire ne sont pas au premier plan comme dans la maladie d’Alzheimer. Il s’agit plutôt d’un ralentissement, de difficultés d’organisation, de troubles de concentration. Les malades qui en sont atteints peuvent avoir un handicap physique : troubles d’équilibre, déficit moteur, troubles urinaires ou de déglutition. Les modifications comportementales sont fréquentes, en particulier apathie, irritabilité, impulsivité, et négligence physique.
La maladie à corps de Lewy survient dans la même tranche d’âge que la maladie d’Alzheimer. C’est la seconde maladie neurodégénérative qui affecte les fonctions cognitives derrière la maladie d’Alzheimer. Elle se caractérise par un déclin cognitif fluctuant dans le temps, avec alternance de périodes où le patient apparaît plus confus et d’autres où il semble retrouver ses facultés. Ces difficultés ne sont pas dominées par des problèmes de mémoire mais plutôt par un ralentissement, une fatigabilité, des difficultés d’organisation au quotidien. Il s’associe fréquemment des hallucinations visuelles, des troubles du sommeil (rêves agités), des symptômes parkinsoniens (raideur, lenteur des gestes), des chutes, voire des syncopes. La scintigraphie cérébrale au DAT-Scan peut aider au diagnostic. Les neuroleptiques sont contre-indiqués dans cette maladie, car ils entraînent de graves effets secondaires.
La démence frontotemporale (on parle aussi parfois de maladie de Pick) survient généralement entre 50 et 65 ans. Les troubles du comportement sont à l’avant-plan de l’affection qui est souvent prise à tort pour une maladie psychiatrique. Les troubles sont pourtant caractéristiques : apathie, inertie, comportement inadapté en famille ou en société avec perte des convenances sociales, perte des affects et émoussement des émotions, troubles du comportement alimentaire avec gloutonnerie et changement des goûts, apparition de tics gestuels ou verbaux, ritualisation du quotidien avec activités répétées, perte de la notion du danger ou de l’argent, négligence physique. Les malades n’ont pas de désorientation spatiale. Dans 40% des cas, il s’agit de maladies héréditaires imposant une enquête familiale et la recherche de mutations génétiques. Le risque génétique est donc beaucoup plus important que dans la maladie d’Alzheimer.