Le trouble bipolaire est un trouble de l’humeur caractérisé avant tout par des variations brutales et anormales de l’humeur : alternance de périodes d’excitation (manie ou hypomanie) et de dépression, voire de mélancolie profonde. Ces phases opposées peuvent s’enchaîner mais sont le plus souvent entrecoupées de périodes de stabilité. Mais l’alternance varie selon les individus. La dépression a tendance à dominer les épisodes maniaques, qui passent souvent inaperçus. S’y ajoutent des signes qui sont confondus avec d’autres pathologies.
Quelques signes sont évocateurs, comme des antécédents familiaux, une dépression survenue avant 25 ans, ou un changement brutal du fonctionnement psychique. Mais l’urgence doit être de penser au trouble bipolaire chez l’adolescent. Car il survient en majorité entre 15 et 19 ans, c’est-à-dire à un âge où les signes peuvent être pris pour des sautes d’humeurs typiques de l’adolescence.
En pratique, les autorités de santé (HAS) recommandent de toujours envisager un trouble bipolaire lorsque des symptômes dépressifs sont diagnostiqués.
Il existe plusieurs classifications pour analyser les troubles psychiques du trouble bipolaire. A l'heure actuelle, deux classifications internationales sont utilisées : la CIM-10 (classification internationale des maladies de l'Organisation Mondiale de la Santé, dixième version) et le DSM-5 (Diagnostic Statistical Manual, cinquième version de l’APA). Dans ces 2 classifications, les signes de la maladie s’expriment donc selon 2 dimensions ou 2 phases :
• En phase dépressive, les symptômes sont ceux d’une dépression, avec différents degrés d’intensité :
- Sentiment de tristesse ou humeur dépressive, pratiquement toute la journée, presque tous les jours et pendant au moins deux semaines,
- Perte d'énergie et fatigue,
- Perte de l'intérêt et du plaisir à faire des choses que l’on aimait,
- Troubles du sommeil (insomnie ou hypersomnie),
- Troubles de l'appétit avec perte ou gain de poids,
- Agitation ou ralentissement psychomoteur,
- Baisse de concentration ou de l'aptitude à penser, ou indécision
- Sentiments de culpabilité,
- Retrait social ou comportements agressifs subits,
- Pensées récurrentes de mort (60 % des cas) ou d’idées suicidaires (15 % des cas),
• En phase de manie, les signes sont au contraire ceux d’un état maniaque plus ou moins prononcé :
- Estime de soi augmentée ou idées de grandeur,
- Énergie débordante et bonheur intense ou irritabilité excessive,
- Réduction du besoin de sommeil,
- Débit de la parole accéléré ou besoin de parler sans arrêt,
- Pensées rapides ou sensation d'un trop plein d'idées,
- Distractivité avec incapacité à fixer son attention,
- Recrudescence de l'activité sociale, professionnelle ou scolaire,
- Agitation psychomotrice et augmentation de l'énergie,
- Plaisirs augmentés de façon excessive et à haut risque : achats et sexualité compulsive, investissements financiers à risque,
- Les personnes affectées peuvent également faire l'expérience d'idées délirantes (croyances fermes mais impossibles) et d'hallucinations.
• Les périodes de manie peuvent varier en intensité ce qui impose de différencier la manie de l’hypomanie. La manie se définit par la présence, et pendant au minimum une semaine, d'une hyperactivité du fonctionnement psychique pouvant conduire à l'hospitalisation ou à l'apparition de symptômes psychotiques (hallucinations, délires, paranoïa). Dans l'hypomanie, la durée des symptômes peut être plus courte que la semaine (4 à 5 jours) et ces symptômes n'entraînent pas de diminution significative du fonctionnement. Au contraire, les personnes en phase d'hypomanie sont souvent plus efficaces et créatives que d'habitude (augmentation de l'énergie, meilleure concentration, plus grande créativité). Cette phase hypomaniaque de la maladie bipolaire peut même paraître attrayante aux yeux de la personne qui en souffre, comme certains artistes (Van Gogh) ou écrivains (Baudelaire), et elle peut même inciter ces personnes à ne pas vouloir se traiter.
La phase dépressive du trouble bipolaire est très souvent confondue avec une dépression classique, car les signes sont les mêmes. C’est un vrai problème car le traitement n’est pas le même et mal traiter un trouble bipolaire augmente le risque suicidaire. La recherche des antécédents de dépression ou de suicide dans la famille, est de ce point de vue très importante, de même que la recherche de phases hypomaniaques.
Par ailleurs, l’apparition de signes d’hypomanie sous traitement antidépresseur est une bonne occasion de remettre à plat le dossier et de redresser le diagnostic. Il faut aussi se souvenir qu’un syndrome dépressif n’est pas toujours la marque d’une dépression, mais peut correspondre à la phase débutante d’une maladie neurologique (Parkinson, démence,…), mais dans ce cas il s’agit de personnes plus âgées. En revanche chez les jeunes, il faut éliminer une intoxication et une dépendance alcoolo-tabagique ou toxicomaniaque ou même un trouble anxieux sévère.
En phase maniaque, de nombreuses affections peuvent être responsables d’un état d’excitation :
• Chez le jeune, c’est en particulier le cas des intoxications toxicomaniaques (alcool, cocaïne, cannabis, produits hallucinogènes) ou médicamenteuses (corticoïdes).
• Des affections cérébrales organiques peuvent donner les mêmes signes comme certaines tumeurs cérébrales ou l’épilepsie.
• L’hyperthyroïdie, ainsi que d’autres maladies hormonales, sont des causes classiques de syndrome hypomaniaque.
• Enfin, d’autres affections psychiatriques peuvent se manifester par une importante excitation psychique et motrice :
- Certaines formes de schizophrénies,
- Une bouffée délirante aiguë,
- Certaines manifestations rencontrées dans des troubles de la personnalité notamment de type hystérique.
Cependant, les « comportements ludiques » et l'euphorie sont souvent plus discrets dans ces affections psychiatriques par rapport à la manie typique.
A noter que dans les suites d’un deuil certaines personnes peuvent développer une excitation psychomotrice, appelée « manie de deuil », excitation paradoxale qui peut atteindre une forte intensité.