Il existe de multiples façons de prendre en charge la fibrillation auriculaire, et chacune, des anticoagulants aux défibrillateurs en passant par la chirurgie ablative, ont leur place dans la gestion de cette maladie. Les experts de l'ESC soulignent la nécessité d’une prise en charge multidisciplinaire, le patient étant au cœur de cette prise en charge et impliqué dans l’évaluation du traitement : éducation, prise en charge psychologique, adhérence au traitement sans oublier la communication entre les acteurs de santé.
La stratégie répond à l’acronyme ABC (« Atrial fibrillation better care »), A pour « Avoid stroke/anticoagulation » et donc l’utilisation des scores de risques de complications thromboemboliques et hémorragiques et la bonne utilisation des traitements anticoagulants ; B pour « Better symptom control », c’est-à-dire le contrôle du rythme ou de la fréquence cardiaque ; et C pour « Cardiovascular risk factors and comorbidity optimization », et donc l’identification et la correction des facteurs de risque et des comorbidités.
Si une cause a été identifiée, le traitement de celle-ci, lorsqu'elle est possible, est souvent le moyen le plus simple de traiter la FA de manière définitive : traitement d'une hyperthyroïdie, chirurgie valvulaire…
En l’absence de cause curable, le traitement d’une fibrillation auriculaire a fait l’objet de nombreuses recommandations. Le traitement médical repose sur plusieurs principes :
• Réduction de la fibrillation auriculaire (avec des médicaments ou par « cardioversion »), c'est-à-dire, obtenir un retour à un rythme cardiaque normal (rythme « rythme sinusal »),
• Réduire le risque de récidive de la FA,
• Ralentir la fréquence cardiaque pour permettre sa meilleure tolérance, en cas d’échec ou de contre-indication à la réduction,
• Prévention des complications, surtout emboliques (accident vasculaire cérébral) par le traitement anticoagulant systématique.
La réduction de la fibrillation auriculaire peut être réalisée par l'administration de médicaments anti-arythmiques, de type amiodarone ou flécaïnide, par voie orale ou par voie intraveineuse. Dans certains cas, cette réduction peut être faite par le patient lui-même en ambulatoire (sans hospitalisation), par la prise orale d'une dose unique d'un anti-arythmique dès l'apparition des symptômes. En cas de fibrillation auriculaire de moins de 48 h, la réduction de la FA par choc électrique externe (cardioversion) peut être tentée d'emblée, sans précaution particulière. Si la date de début est inconnue ou plus ancienne, elle doit être précédée d'une mise sous traitement anticoagulant efficace pendant au minimum 3 semaines, ou après échographie transœsophagienne de contrôle destinée à vérifier l'absence de thrombus constitué dans les oreillettes. La réduction électrique (défibrillation) se fait sous anesthésie générale brève, par délivrance d'un choc électrique de courte durée au niveau de la poitrine du patient. La cardioversion apparaît d'autant plus rentable sur le plan médical que la fibrillation est récente. Le risque de récidive à court terme de la FA apparaît en effet d'autant plus limité que l'état de fibrillation a été très court et contrôlé d'emblée, qu'il n'y a pas eu préalablement de tentatives répétées et infructueuses de réduction et, bien sûr, qu'il n'y a aucune notion d'un état cardiaque pathologique déjà ancien.
Après réduction, le maintien du cœur en rythme sinusal s’obtient par la prescription de médicaments anti-arythmiques par voie orale (exemples de molécules utilisables : amiodarone, sotalol (bêta-bloquant à effet stabilisant de membrane), flécaïnide et quinidine). Le taux de récidives reste cependant élevé. La prescription d'un traitement médicamenteux anti-arythmique n'est pas obligatoire s'il s'agit d'une première crise, de résolution rapide, avec une tolérance correcte et l'absence de maladie cardiaque sous-jacente. L’ablation est une option thérapeutique proposée aujourd’hui de plus en plus tôt dans stratégie de prise en charge de la fibrillation atriale (FA), éventuellement avant tout traitement antiarythmique dans certaines FA paroxystiques symptomatiques.
Les nouvelles recommandations de la Société européenne de cardiologie sur la fibrillation atriale soulignent la place prépondérante des procédures ablatives. L’ablation par isolation des veines pulmonaires est désormais recommandée après un premier échec ou une intolérance au traitement antiarythmique chez les patients avec fibrillation atriale paroxystique ou persistante symptomatique.
Mais ce type de procédure peut être considéré en première intention, dans le but d’améliorer les symptômes, en cas de FA symptomatique paroxystique ou persistante en l’absence de facteur de risque majeur de récidive.
Les experts précisent qu’une nouvelle procédure peut être envisagée en cas de récidive de FA symptomatique chez un patient ayant présenté une amélioration significative de sa qualité de vie au décours de la précédente ablation.
La procédure est associée à un risque de complications, estimé entre 4 et 14% dans les études, dont 2 à 3% de complications sévères. Elles surviennent le plus souvent dans les 24 premières heures. Le taux de décès périprocédural est faible (0,2%), le plus souvent secondaire à une tamponnade.
Après l’ablation, le patient doit bénéficier d’un suivi à court et long terme, afin de vérifier l’absence de survenue de complications à distance et d’une récidive. Les anti-arythmiques, s’ils étaient prescrits avant l’ablation, peuvent être poursuivis ou arrêtés en fonction des symptômes.
Le traitement anticoagulant est en général maintenu les deux premiers mois après la procédure d’ablation. La poursuite du traitement au-delà de cette période dépend du score CHA2DS2-VASc.
Lorsque les tentatives de réduction ont échoué ou s'il y a une contre-indication à la réduction, on se contentera de ralentir le rythme cardiaque afin d'éviter l'apparition de symptômes invalidants et d'une mauvaise tolérance cardiaque. L'objectif est de maintenir la fréquence cardiaque de repos à moins de 80 battements par minute ou de s’en approcher. En cas d'insuffisance cardiaque, une attitude agressive visant à réduire la fibrillation et à maintenir le rythme sinusal par des moyens médicamenteux ne semble pas supérieure en termes de complications et d'évolution dans le temps au regard d'une attitude se contentant de ralentir et contrôler la fréquence cardiaque.
Des médicaments tels que les bêta-bloquants, les inhibiteurs calciques bradycardisants (diltiazem et vérapamil), ainsi que la digoxine, et l’amiodarone peuvent être utilisés.
Une autre stratégie consiste en l'utilisation d'un défibrillateur qui émet un choc électrique contrôlé dans le cœur, et permet de transformer une fibrillation auriculaire en un rythme normal. Le défibrillateur électronique ressemble à un stimulateur cardiaque (pacemaker). Il est équipé d'une ou plusieurs sondes et d'une pile et ne mesure que quelques centimètres. Le boîtier est placé sous anesthésie dans une poche sous la peau de la région pectorale. Le circuit électronique surveille en permanence le rythme cardiaque. En cas de tachycardie ou de fibrillation ventriculaire, il se met en marche en appliquant, selon les besoins, des décharges allant de 5 volts jusqu’à un choc de défibrillation pouvant atteindre 500 volts. L’appareil contrôle ainsi non seulement les arythmies, mais peut aussi remédier, le cas échéant, à un arrêt cardiaque. L'appareil fonctionne pendant 4 à 5 ans. Le changement du boîtier est une petite intervention chirurgicale nécessitant une hospitalisation d'au moins une journée et une anesthésie locale.
L'anticoagulation (fluidification du sang) permet de prévenir la formation de caillots sanguins dans les oreillettes. Elle est donc fondamentale chez la plupart des personnes qui souffrent de fibrillation auriculaire, puisque celles-ci sont exposées à un risque plus élevé d’accident vasculaire cérébral (AVC). Le traitement antivitamine K (AVK) est efficace pour diminuer le risque d’AVC mais augmente le risque d’hémorragies même si les malades effectuent des contrôles réguliers de leur coagulation. Chez certains malades, les variations de taux d’AVK dans le sang sont assez importantes et la surveillance est lourde, et c’est l’intérêt des anticoagulants directs (AOD) qui sont plus réguliers dans leurs effets et ne nécessitent pas de surveillance. Les études ont démontré que les AOD réduisaient le risque de complications hémorragiques et, pour certain, de complications thrombotiques, par rapport aux AVK. Tous les traitements anticoagulants doivent être discutés en fonction du bénéfice qu’ils apportent et des risques qu’ils font courir. De nombreux scores permettent d’évaluer le bénéfice et les risques et ainsi de prendre une décision raisonnée.
Les recommandations actualisées en 2020 de la Société européenne de cardiologie sur la prise en charge de la fibrillation atriale mettent en avant le score CHA2DS2-VASc pour évaluer le risque thrombo-embolique des patients, dont découle l’indication d’une anticoagulation. Ce score tient compte de la présence d’une insuffisance cardiaque (C), d’une HTA (H), d’un âge ≥ 75 ans (A), d’un diabète de type 2 (D), d’un antécédent d’AVC ou AIT (S), d’une atteinte artérielle (V), d’un âge compris entre 65 et 74 ans et du sexe.
- Un score de 0 chez l’homme et de 1 chez la femme permet d’identifier les patients à faible risque, chez lesquels une anticoagulation n’est pas recommandée.
- Un score CHA2DS2-VASc ≥ 1 chez l’homme et ≥ 2 chez la femme doit faire considérer une anticoagulation, en prenant en compte le risque hémorragique.
- Enfin un score CHA2DS2-VASc ≥ 2 chez l’homme et ≥ 3 chez la femme fait recommander un traitement anticoagulant.
Le risque hémorragique peut être évalué par le score HAS-BLED qui tient compte de différents paramètres : PAS ≥ 160 mm Hg (H), dysfonction rénale ou hépatique (A), antécédent d’AVC ischémique ou hémorragique (S), antécédent d’hémorragie ou prédisposition (B), labilité des INR chez les sujets sous AVK (L), âge > 65 ans ou fragilité extrême (L), prise d’anti-agrégants plaquettaires ou d’AINS et/ou consommation excessive d’alcool (D).
En cas de contre-indication aux anti-coagulants, une autre possibilité est d’envisager la fermeture de l'auricule gauche, petite poche en cul-de-sac de l'oreillette gauche où se constituent le plus fréquemment les thrombus. Cette technique est réalisée au cours d’un cathétérisme transeptal (passage dans l'oreillette gauche en traversant le septum interauriculaire), sous scopie et contrôle par échographie transœsophagienne chez un malade sous anesthésie générale. Elle conduit à la mise en place d'un dispositif permettant d’obstruer l'auricule.
En cas de fibrillation auriculaire récidivante et mal tolérée malgré un traitement anti-arythmique optimal, une technique appelée « ablation » peut être envisagée. Le principe est basé sur la constatation que la plupart des fibrillations auriculaires proviennent de foyers d'activation électriques situés au niveau de l'arrivée des veines pulmonaires dans l'oreillette gauche : il s’agit donc de réaliser l'isolement électrique des orifices des veines pulmonaires par radio-fréquence et par voie endocavitaire (ablation par radio-fréquence ou cryo-ablation). Il s'agit d'une technique longue (1h30) et complexe (nécessitant de passer un cathéter spécial dans l'oreillette gauche en passant à travers le septum inter-auriculaire : cathétérisme trans-septal), avec un risque de complications (rétrécissements des veines pulmonaires et épanchements péricardiques compressifs = tamponnade). Le risque embolique est réduit après la procédure mais il est généralement recommandé la poursuite des anticoagulants pendant quelques mois.
La récidive de l'arythmie est une éventualité fréquente, même à long terme, pouvant conduire à une nouvelle intervention. C'est cependant une véritable révolution thérapeutique.