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Douleur chez l’enfant

Douleur chez l’enfant : mieux l’évaluer pour bien la traiter

La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable qui correspond le plus souvent à un signal d’alarme à explorer. Jusqu’à une période récente, les nouveau-nés et les bébés étaient réputés peu sensibles à la douleur puisque l’expression de la douleur est difficile sans recours à la parole. Avec un ajustement des moyens d’évaluation en fonction de l’âge, le traitement devient plus adapté et plus efficace.

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Quels sont les différents médicaments de la douleur ?

Les principaux médicaments antidouleur (antalgiques) classiques sont divisés en trois classes en fonction de leur puissance d’action. Chaque classe correspond théoriquement à un niveau de la douleur mesuré initialement par une mesure objective, et en particulier avec une échelle numérique (EN) ou une échelle visuelle analogique de la douleur (EVA).
• La douleur « faible à modérée » (mesure inférieure à 40 mm sur l’EVA) relève des antalgiques de niveau I : paracétamol, aspirine et anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) tels que l’ibuprofène, le kétoprofène…
• La douleur « modérée à sévère » (mesure EVA comprise entre 40 et 70 mm) se voit indiquer en première intension un antalgique de niveau II : codéine, poudre d’opium ou tramadol, seuls ou en association au paracétamol.
• La douleur « très intense » (mesure EVA supérieure à 70 mm) revendique d’emblée d’un antalgique de niveau III : morphine et autres dérivés de l’opium (buprénorphine, fentanyl, hydromorphone, nalbuphine, oxycodone et péthidine).
Mais d’autres molécules peuvent également être utilisées pour combattre la douleur, comme des anesthésiques locaux pour les douleurs localisées (lidocaïne, procaïne, bupivacaïne...), désormais disponibles sous forme de patchs pour certaines d’entre elles, ou des antispasmodiques intestinaux (utiles dans les douleurs viscérales, comme les coliques néphrétiques ou les douleurs intestinales).
Pour les douleurs neurogènes, les antalgiques classiques ne sont pas très efficaces et il est nécessaire de recourir à des molécules psychotropes (antidépresseurs et antiépileptiques) dont le principal intérêt est d’interférer avec la transmission des messages chimiques entre les cellules nerveuses, mais dont les effets indésirables limitent parfois l’utilisation. Ces médicaments agissent essentiellement au niveau de l’articulation entre les différentes cellules nerveuses au niveau de ce que les médecins appellent la « synapse ». C’est le cas de certains antidépresseurs et des antiépileptiques qui sont parfois utilisés dans le traitement des névralgies rebelles de la face et des douleurs neuropathiques.
À côté des médicaments, d’autres techniques sont disponibles pour soulager les douleurs. Elles relèvent de la chirurgie ou de la neurostimulation ou de l’anesthésie (« analgésie gazeuse »), ou sont issues de médecines traditionnelles (acupuncture, massages, manipulations).
De plus, dans le cadre des petits accidents de la vie quotidienne et des loisirs, l'application de froid est une méthode efficace de réduction de la douleur aiguë.

Quels sont les principes du traitement de la douleur ?

En cas de douleur, l’utilisation de médicaments antidouleurs (les « antalgiques ») est tout à fait justifiée et ce, dès la naissance. En effet, il faut savoir que la répétition et la multiplication de douleurs en bas âge entraînent des mémorisations de douleur durables. Ces dernières auront ultérieurement des conséquences dans le ressenti douloureux et le comportement face à une douleur.
Les douleurs nociceptives sont correctement prises en charge par différents antalgiques de référence : le paracétamol, l’aspirine ou encore la morphine et ses dérivés, pour les douleurs les plus rebelles. Ces médicaments sont efficaces contre des douleurs aiguës, mais présentent des effets secondaires non négligeables s’ils sont utilisés de façon prolongée, voire chronique (troubles gastriques et rénaux, tolérance et dépendance à la morphine…).
Les douleurs neuropathiques, liées le plus souvent à une lésion du système nerveux, répondent très mal aux antalgiques traditionnels, exceptés certains opioïdes. Mais les effets secondaires de ces derniers à long terme ne permettent pas de les utiliser à forte dose pour des douleurs chroniques. Les traitements aujourd’hui utilisés sont basés sur des associations d’antalgiques avec les antidépresseurs et/ou les antiépileptiques. Ces deux derniers types de médicaments ont une action antalgique différente et provoquent moins d’effets indésirables. Mais ils ont une efficacité modérée chez pratiquement 50 % des enfants.
Les douleurs cancéreuses sont basées sur l’association de morphiniques et d’anti-inflammatoires, voire d’antidépresseurs ou d’antiépileptiques.

Comment utiliser les médicaments dans la douleur de l’enfant ?

L’organisme de l’enfant est en développement rapide, et les modifications physiologiques de sa croissance modifient le devenir des médicaments dans l’organisme et l'action de certains médicaments. Beaucoup de médicaments utilisables chez l‘adulte le sont aussi en pédiatrie, mais à des dosages adaptés+++.
• Le paracétamol est l’antalgique de niveau I de première intention dans les douleurs faibles à modérées. On ne connaît pas exactement son mode d’action antalgique : il a longtemps été classé comme antalgique périphérique, mais on pense désormais que son mode d’action est central non morphinique. Il est prescrit à la dose de 60 mg par kg de poids et par jour, mais sa durée d’action est courte, 2 à 3 heures dans la majorité des cas, ce qui impose de la prendre en 4 prises par jour, sans dépasser 80 mg/kg/jour chez l’enfant sans insuffisance hépatique.
• Les anti-inflammatoires non-stéroïdiens existent sous diverses molécules et présentations, mais seul l’ibuprofène est recommandé en France. Ils sont principalement anti-inflammatoires mais aussi antalgiques à plus faible dose, en particulier pour une molécule comme l’ibuprofène, que l’on trouve dans le commerce sous diverses présentations. L’avantage par rapport au paracétamol est qu’ils peuvent avoir une durée d’action plus prolongée permettant 3 prises par jour : ibuprofène 20 à 30 mg par kg et par jour. L’inconvénient est qu’ils exposent à des risques d’accidents digestifs (ulcères gastroduodénaux avec risque d’hémorragie digestive), un risque d’insuffisance rénale, en particulier chez l’enfant déshydraté.
• Les antalgiques de niveau II sont basés sur le tramadol, généralement administrés en 4 prises par jour, chez l’enfant à partir de 3 ans. La codéine, qui était auparavant utilisée chez l’enfant à partir de 1 an, est désormais réservée aux enfants de plus de 12 ans et seulement sous conditions, en raison d’effets secondaires. Le tramadol doit être administré en 4 prises par jour (1 mg par kg de poids et par prise en 4 prises par jour) et il a un effet antalgique supplémentaire à l’effet opioïde : il existerait une action monoaminergique par inhibition de la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine qui exercerait un effet antalgique au niveau médullaire. L’inconvénient est que le tramadol est parfois à l’origine de nausées, de vomissements.
• Les antalgiques de niveau III, ou « opioïdes forts », ont une action antalgique « centrale » (dans le cerveau) au niveau des récepteurs opioïdes. On utilise la morphine à la posologie initiale de 0,2 mg par kg de poids et par prise en 6 prises par jour (maximum 20 mg par jour). Chez les enfants de moins de 1 an, la posologie est de 0,1 mg par kg de poids et par prise en 6 prises par jour (parallèlement à une surveillance renforcée). En cas de douleur très intense, une « dose de charge » de 0,4 à 0,5 mg par kg de poids peut être utilisée. Il existe des formes injectables et orales, et parmi ces dernières, des formes à libération immédiate et des formes à libération prolongée. Le principe est de rechercher la dose efficace avec des formes à libération immédiate (dont la durée d’action est d’environ 4 heures) : c’est la « titration » ; puis de remplacer les formes à libération immédiate par 2 prises quotidiennes d’une forme à libération prolongée qui couvre mieux les 24 heures et évite les « trous thérapeutiques ». Les formes à libération immédiate peuvent être additionnées pour l’ajustement des doses aux « pics de douleur ».
En dehors de l’accoutumance et de la dépendance psychique et physique, la morphine a des effets secondaires :
- constipation (à prévenir dès le début de la prescription avec des mucilages et des fibres alimentaires et une bonne hydratation),
- nausées et vomissements en début de traitement (à prévenir par des « antiémétiques » tels que la dompéridone, le métoclopramide ou la métopimazine ou exceptionnellement les antagonistes des récepteurs 5-HT3 de la sérotonine),
- dépression respiratoire (rare mais possible, ce qui impose de surveiller la fréquence respiratoire au cours de la titration),
- sédation et somnolence (qui peuvent être un signe de surdosage),
- confusion mentale et dysphorie chez le sujet âgé,
- rétention d’urine,
- sécheresse buccale.
• Les antalgiques locaux peuvent avoir un intérêt : composés de lidocaïne, ils permettent d’obtenir une anesthésie plus ou moins profonde de la peau ou des muqueuses (jusqu’à 5 mm en profondeur). On peut les utiliser avant une injection, une ponction, une pose de cathéter, certaines interventions superficielles sur la peau ou avant des soins dentaires. Des patchs existent chez l’adulte pour les douleurs post-zostériennes.
L'analgésie gazeuse est obtenue en faisant inhaler à un enfant de plus de quatre ans un mélange d’oxygène et de protoxyde d’azote (à parts égales), un gaz connu pour son effet antalgique, anxiolytique et euphorisant (« gaz hilarant »). L’inhalation au masque doit durer au moins trois minutes. Cette méthode est simple (pas de jeûne préalable), sûre et sans aucun danger. Elle permet d’effectuer sans douleur des examens (ponctions, biopsies), des soins (injections, infiltrations) ou de petites interventions d’urgence (sutures).

Comment utiliser les médicaments dans la douleur neurogène ?

Différentes molécules sont utilisées (antalgiques et non-antalgiques). Le principe est de ne pas prendre de doses trop fortes pour chaque molécule, car le gain d’efficacité est minime alors que le risque d’effets indésirables augmente très vite. Il s’agit donc plutôt de rechercher la meilleure association de molécules à dose modérée.
• Les antalgiques classiques ne sont généralement que peu efficaces dans la douleur neurogène, en dehors des morphiniques à dose modérée, en se rappelant que l’objectif n’est pas de prescrire ces molécules sur des périodes trop prolongées du fait du risque d’accoutumance et de dépendance. Le tramadol est une molécule intéressante du fait de sa double action : action sur les récepteurs mu cérébraux et action monoaminergique au niveau de la moelle épinière.
• Les antidépresseurs utilisés dans les douleurs neurogènes sont le plus souvent des molécules tricycliques déjà anciennes, et en particulier l’amitriptyline, qui a une action avérée sur les douleurs neurogènes périphériques et est disponible en gouttes (0,3 à 1 mg par kg et par jour en 1 ou 2 prises). Leurs effets secondaires sont dépendants de la dose (sécheresse de la bouche, constipation, sueurs, troubles visuels, palpitations, rétention urinaire, troubles cognitifs, confusion, hypotension orthostatique avec risque de chutes notamment chez le sujet âgé). Les autres antidépresseurs ne peuvent être recommandés en l’absence d’étude chez l’enfant.
• Parmi les antiépileptiques, l’efficacité de la gabapentine est démontrée dans les douleurs neurogènes périphériques et centrales de l’enfant à la dose de 10 à 30 mg par kg et par jour en 3 prises. Ce traitement agit vraisemblablement en réduisant les phénomènes de sensibilisation centrale. Les effets indésirables les plus fréquents incluent : impression vertigineuse, somnolence, fatigue, prise de poids, œdèmes périphériques, céphalées et bouche sèche.
• Contrairement aux idées reçues, la morphine et le tramadol sont efficaces sur la douleur neuropathique de l’enfant.
D’autres traitements sont étudiés et paraissent prometteurs.

Y a-t-il des traitements non-médicamenteux de la douleur ?

De nombreuses prises en charge non médicamenteuses sont aujourd’hui utilisées dans la prise en charge de la douleur chronique, en plus du traitement médicamenteux.
Chez l'enfant de moins de trois mois, une solution sucrée concentrée, associée à la succion d’une tétine, stimule la production d’endorphines dans le cerveau et diminue les sensations douloureuses. Ce protocole validé permet de réduire la douleur ressentie lors des petits gestes, tels que les prises de sang, les pansements, la pose et le retrait de sondes... L’effet antidouleur dure environ cinq minutes et cette méthode ne comporte aucun effet indésirable.
Electrostimulation transcutanée, acupuncture, relaxation, sophrologie, ou hypnose, sont des méthodes qui ont objectivement prouvé une certaine efficacité dans les douleurs chroniques, notamment par des techniques d’imagerie cérébrale fonctionnelle.
Elles ont maintenant pris une place importante dans les centres antidouleur et permettent même parfois de diminuer les prises médicamenteuses de certains patients.