La qualité du sperme en Europe est préoccupante. Depuis cinquante ans, la fertilité masculine connaît une baisse constante. Une nouvelle étude publiée dans la revue Andrology s’est intéressé à la performance du sperme en Suisse. Des chercheurs de l’université de Genève ont évalué la qualité du sperme de 2 523 jeunes Suisses de 18 à 22 ans recrutés dans l'armée. Le groupe comprenait des représentants de tous les cantons du pays, ce qui a permis de constituer un échantillon national de volontaires.
Les chercheurs se sont concentrés sur trois indicateurs clés de la qualité du sperme : la quantité, la mobilité et la morphologie. En Europe, le nombre médian de spermatozoïdes varie de 41 à 67 millions par millilitre (ml), selon les pays. Les auteurs de cette étude ont constaté que la cohorte suisse avait un nombre médian de spermatozoïdes de 47 millions par ml, ce qui place la Suisse au bas de la liste des pays européens les plus pauvres en spermatozoïdes juste avant l'Allemagne (46 millions), le Danemark (41 millions) et la Norvège (41 millions). A l'inverse, l'Espagne enregistre le plus haut taux avec un nombre médian de 62 millions.
"Il est important de comprendre que le temps nécessaire pour concevoir augmente considérablement si la concentration de sperme d'un homme est inférieure à 40 millions de spermatozoïdes par ml", explique Serge Nef, professeur au Département de médecine génétique et développement de la Faculté de médecine de Genève et co-auteur de l'étude.
Des critères inférieurs à ceux fixés par l'OMS
Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), un nombre de spermatozoïdes inférieur à 15 millions par ml complique les chances d'un homme de procréer. Or, 17% des participants de l'étude avaient un nombre inférieur à 15 millions de spermatozoïdes par ml.
Parmi un quart des hommes étudiés, moins de 4 % des spermatozoïdes étaient mobiles et 43% des hommes avaient moins de 4% de spermatozoïdes normalement formés. Dans l'ensemble, seulement 38% des hommes suisses avaient des valeurs de concentration, de mobilité et de morphologie du sperme qui répondaient aux références de l'OMS. "De faibles valeurs peuvent refléter la fertilité d'un homme et lorsque la combinaison est faible, la capacité à concevoir est à risque", souligne l'autrice principale Rita Rahban, chercheuse au Département de médecine génétique et de développement à Genève.
Une plus grande incidence du cancer du testicule
Comment expliquer que la qualité du sperme ait autant chuté ? Si les chercheurs n'ont pas été en mesure de définir une cause précise, ils ont toutefois identifié quelques facteurs qui pourraient jouer un rôle, tels que le tabagisme de la mère, la consommation d'alcool, l'obésité, le stress et l'exposition aux pesticides.
En plus d'avoir un impact sur la capacité d'un homme à avoir des enfants, la mauvaise qualité du sperme a également été liée à une incidence plus élevée de cancer du testicule. En analysant les données sur la prévalence du cancer du testicule en Suisse, les chercheurs ont en effet constaté que l'incidence de la maladie avait augmenté au cours des dernières décennies, passant de 7,6 cas pour 100 000 hommes en 1980 à 10,4 en 2014. "Depuis 35 ans, le nombre de cas de cancer du testicule n'a cessé d'augmenter (...) La qualité du sperme est généralement inférieure dans les pays où l'incidence du cancer du testicule est élevée", souligne le Pr Nef.