- Mieux Vivre Santé : Selon un nouveau sondage, le nombre de téléconsultations dédiées à la santé mentale des Français a augmenté en 2022, passant de 5,3 % des usages médicaux totaux à 5,9 %. Depuis quand avez-vous développé cette pratique ?
Caroline Le Maout - Je l’ai développée pendant la crise sanitaire de la Covid-19, car cela permettait d’éviter de faire circuler le virus.
- Dans quelles conditions faut-il réaliser une téléconsultation psychologique pour qu’elle soit efficace ?
C’est un moment qui doit être privilégié. En ce sens, il faut d’abord s’assurer d’avoir une bonne connexion Internet. Je conseille également d’organiser la téléconsultation de chez soi, en s’isolant dans une pièce calme et assez insonorisée pour que les proches (conjoint, enfants, amis...) ne puissent pas entendre ce qui se dit.
En revanche, comme je ne suis pas analyste, il n’y a pas besoin d’être allongé : on peut rester assis face à l’écran.
- Prenez-vous aussi des précautions pratiques de votre côté ?
Oui, car mon cabinet fait partie intégrante de la thérapie. Je veille donc à faire mes téléconsultations dans mon bureau habituel, afin que mes patients retrouvent au maximum l’environnement dans lequel ils ont l’habitude de se confier.
- A choisir, préférez-vous mener une téléconsultation en visio ou au téléphone ?
Toujours dans la même optique de sécurisation environnementale, j’aime mieux faire des téléconsultations en visio plutôt qu’au téléphone. Beaucoup de mes patients préfèrent aussi me voir.
- Qui décide de la mise en place d’une téléconsultation ou d’une séance en présentiel ?
C’est moi. J’explique ma décision à mes patients lorsque je pose le cadre thérapeutique.
- Dans quels cas pouvez-vous choisir de téléconsulter ?
Je n’organise des téléconsultations que de manière occasionnelle, avec des patients que je connais très bien et qui fonctionnent correctement. Cela peut par exemple permettre de poursuivre leur suivi psychologique et de renouveler leur ordonnance lorsqu’ils sont malades, hospitalisés ou en vacances. S’ils déménagent, je fais également le relais à distance le temps qu’ils trouvent un nouveau psychiatre.
- A l’inverse, dans quels cas les consultations en présentiel s’imposent-elles ?
Je privilégie systématiquement le présentiel lorsque je reçois une personne pour la première fois. Je demande également à ceux qui ne vont pas bien de se déplacer, car beaucoup cachent leurs symptômes derrière l’écran.
- Pourquoi ce choix ?
Parce que comme j’ai commencé à l’expliquer, il ne se passe pas du tout la même chose quand deux corps sont à distance ou dans la même pièce. Lorsque mes patients viennent me voir, je peux beaucoup mieux évaluer leur mal-être, leur état physique, leur regard, leur présence, leur capacité à s’organiser et leur risque suicidaire. C’est également plus difficile d’obtenir les informations dont j’ai besoin en téléconsultation, et les silences sont plus délicats à gérer.
- Y a-t-il des cas où vous pouvez mettre en place sur le long terme un système mixte ?
Oui, même si c’est exceptionnel. Je suis par exemple depuis plusieurs années un homme que je ne vois qu’une fois par mois, car il habite très loin de mon cabinet.
- Existe-t-il une régulation des autorités sanitaires sur le sujet ?
Non, chaque psychologue et chaque psychiatre s’organise comme il le souhaite.
- Est-ce une bonne chose, selon vous ?
Pas forcément, car certains de mes confrères ne font plus que téléconsulter dans le but de faire de l’argent. Cette évolution est très délétère, car elle conduit à des erreurs de diagnostic et à une sous-évaluation de la douleur des malades, deux phénomènes auxquels je suis de plus en plus confrontée dans ma pratique clinique.
Personnellement, je pense que la téléconsultation psychologique est une bonne chose uniquement lorsqu’elle sert à dépanner.
- Avez-vous été récemment confrontée à des cas particulièrement problématiques ?
Oui. Je suis par exemple depuis des mois un patient dont la problématique nécessitait des certificats et qui les a obtenus en seulement une téléconsultation avec un psychiatre totalement inconnu au bataillon. Ce genre de chose me met en colère, c’est aberrant.
- Certains praticiens souhaitent être réglés en liquide à la fin des séances. Une téléconsultation implique-t-elle un moyen de paiement spécifique ?
Non, les patients me payent leurs téléconsultations par carte bancaire. Comme je suis en secteur 1, ils sont tous remboursés, et ceux en ALD (affection longue durée) n’ont rien à avancer.