Je vous avoue qu’il m’aura d’abord fallu une bonne dose de motivation pour affronter le froid mordant de l’hiver parisien et l’ambiance on ne peut plus spéciale de la Porte de la Chapelle. Après quelques minutes de marche dans la nuit noire, j’arrive devant une porte verte qui donne accès à un grand gymnase.
A 19h15, une quinzaine de personnes arrivent pour prendre leur troisième cours et papotent tranquillement avant de commencer l’échauffement. Il y a plus de femmes que d’hommes, mais tous les âges se mélangent. Marinières, jeans, robes chemises...Les tenues sont celles de tous les jours, assorties à des chaussures confortables.
Clément et Théodora, deux jeunes professeurs on ne peut plus sympathiques et passionnés, démarrent leur cours par une mise en jambes, qui consiste à esquisser quelques pas de danse en musique, d’abord sur place, puis en leur tournant autour. Je me sens tout de suite à l’aise et ne peut m’empêcher de sourire, tout en appréciant de me réchauffer un peu après avoir eu du mal à quitter ma doudoune dans cet espace glacial.
Suit ensuite l’enseignement de pas faits en couple, avec à chaque fois une démonstration des enseignants. Concrètement, des "meneurs" et des "suiveurs" sont désignés pour la séance, et l’on change de partenaire environ toutes les trois minutes. Une bonne demi-heure m’aura permis d’acquérir le pas de base nommé "triple step", et d’y prendre après quelques raideurs un vrai plaisir, couplé à quelques éclats de rire. Aucune forme de pression ne viendra de mes différents partenaires, visiblement tous contents d’être là et d’échanger quelques mots.
"C’est ma sœur qui m’a parlé du Lindy Hop. J’ai regardé des vidéos, cela m’a plu et je me suis lancé", me confie à la fin du cours Antoine, 26 ans. "C’est sympa de faire une activité hors de mon cadre professionnel, et cela permet de rencontrer de nouvelles personnes. J’adore aussi la musique sur laquelle on danse. Tout cela me libère le corps et m’aide à me détendre", ajoute-t-il.
Même son de cloche chez Hortense, Agnès et Fanny, trois copines d’une trentaine d’années visiblement très satisfaites de leur expérience. "C’est Hortense qui nous soûle depuis deux mois pour qu’on s’y mette", plaisantent-elles. "Je trouvais effectivement cela intéressant d’apprendre à être meneur, car comme cela je ne suis plus obligée d’attendre un partenaire pour danser. C’est aussi beaucoup moins prise de tête que d’autres danses, comme le tango ou la salsa", explique Hortense, qui pratiquait auparavant le Jazz Roots. "C’est également agréable de changer de partenaire, et les gens ont l’air sympas", ajoutent les membres du petit groupe, un peu essoufflés et légèrement euphoriques. "Moi je suis célibataire, et je me dis que cela peut aussi être un bon moyen de rencontrer quelqu’un", termine l’une d’entre elles.
Le Lindy Hop s’est développé dans la communauté noire-américaine de Harlem vers 1920, pendant les Années folles. Après être quasiment tombée dans l’oubli, cette danse est redevenue extrêmement tendance au cours des dix dernières années, au point que de nouvelles écoles s’ouvrent dans le monde entier, multipliant les cours, les soirées et même les festivals.
Mouvement social par excellence, le Lindy Hop est considéré comme l'ancêtre des danses Swing modernes (Rock’ n’roll, Boogie-woogie, Shag, West Coast Swing, etc..). Il se caractérise par ses mouvements fluides, ses pas de base en 6 ou 8 temps et ses figures acrobatiques.
"Certains se sentent à l’aise dès le premier cours, d’autres pourront mettre deux ou trois mois. Mais on ne peut jamais vraiment dire que l’on sait danser le Swing, car c’est une discipline non académique, qui a longtemps été transmise de génération en génération via des soirées, où les gens apprenaient simplement en regardant les autres danser", m’explique Théodora, pour qui l’enseignement des origines culturelles et historiques du Lindy Hop sont de la plus haute importance. "C’est aussi une activité physique qui sollicite tous les muscles du corps : les bras, les pectoraux, le dos, les jambes, le cœur, les abdos...", complète Clément.
Si vous souhaitez vous lancer, l’école Brotherswing propose depuis 2011 des cours collectifs d’une heure par semaine dans une dizaine de lieux parisiens, avec des inscriptions trimestrielles (145 euros), semestrielles (225 euros) ou annuelles (340 euros). "J’organise aussi beaucoup de soirées et de festivals, car l’un des buts des cours est de pouvoir y participer", conclut Paul-Edouard Thierry, directeur de l’institution.
Sportif ou non, danseur ou non, âgé ou non, tout le monde peut s’initier au Lindy Hop, sauf contre-indication médicale. Avis cependant à ceux qui n’aiment pas les contacts corporels avec des inconnus : mieux vaut miser sur une autre activité !