- Mieux Vivre Santé : D’où vient la méditation de pleine conscience ?
Dr Marine Colombel : C’est une pratique inspirée de traditions religieuses anciennes nées en Asie. Certains textes datant de 500 avant J-C mentionnaient déjà des pratiques méditatives. Différents courants sont apparus en fonction des disparités géographiques et des besoins des populations : en Inde, par exemple, il fait très chaud donc c’est une forme de méditation qui permet de rafraîchir, alors qu’au Tibet, où il fait très froid, c’est une méditation plus axée sur le réchauffement du corps. Ce n’est que dans les années 1970, avec les voyages de médecins en Asie, que la méditation s’est développée en Occident. Le premier à l’avoir enseignée à des patients, dans un champ thérapeutique, est le biologiste américain Jon Kabat-Zinn. Il a enlevé toute dimension et interprétation religieuses pour ne garder que la technique pure de la méditation, avec un protocole précis et un format d’apprentissage. La méditation devient laïque, scientifique, médicalisée, et donc plus universelle : c’est la méditation dite de pleine conscience.- Comment la définir ?
Ce sont des exercices que l’on pratique pour élever son niveau de conscience. Au lieu de laisser son esprit partir dans des ruminations mentales (soit sur le passé quand on est dépressif, soit sur le futur quand on est anxieux), on ramène volontairement son attention sur son expérience de l’instant présent, sur ce qu’il se passe en soi à l’instant T. Cela peut être les sensations corporelles, la respiration, ce qu’on entend ou ce qu’on voit... Ce faisant, on élargit son état de conscience. Plutôt que d’être absorbé par des pensées automatiques, on observe les pensées de façon extérieure, en temps réel. On va donc être beaucoup plus ouvert, et ne plus discriminer telle pensée ou interpréter telle sensation comme bonne ou mauvaise. On sort du jugement et de l'interprétation pour revenir dans le réel.- Comment ça marche concrètement ?
La méditation de pleine conscience peut se pratiquer seul ou en groupe. Dans un cadre hospitalier, elle peut être guidée par un médecin, un psychologue, une infirmière... D'une manière générale, quand on débute, c’est mieux d’être accompagné par des proches qui en ont déjà fait l'expérience, voire une application guidée ou des vidéos en ligne qui expliquent en détails la pratique. La posture est essentielle : il faut avoir le dos droit, c’est-à-dire être assis ou allongé sur un lit, de préférence sans oreiller et avec les bras et les jambes légèrement écartés. On peut même la pratiquer debout : la méditation Zhan Zhuang (« posture de l’arbre » en mandarin) consiste à se tenir le dos droit, les genoux un peu fléchis, les bras ramenés devant soi comme si on entourait un arbre – un exercice efficace qui va stimuler tout le système cardiovasculaire et renforcer les muscles profonds.Une fois installé dans la bonne posture, on va ramener son attention sur le corps, par exemple via la respiration. Le principe est d'inspirer et expirer par le nez, la bouche fermée avec la langue qui se colle contre le palais, et surtout, ne pas imposer de rythme respiratoire : il faut laisser sa respiration filer naturellement, avec l’idée d’observer le souffle. La respiration n’est pas le seul moyen de ramener son attention sur le moment présent : on peut faire ce qu’on appelle un scan corporel, qui consiste à observer les sensations de notre organisme, en prenant soin de s’attarder sur chaque zone, des pieds à la tête.