- Mieux Vivre Santé : Vous vivez aux Pays-Bas à Amsterdam, et vous pratiquez aujourd’hui un métier qui n’existe pas en France : le "Kraamzorg", ou en Français "aide maman". En quoi consiste-t-il ?
Delphine Petit-Postma : C’est le mélange de plusieurs métiers en France. Concrètement, je m’occupe à leur domicile des parents et de leur bébé pendant huit jours après la naissance. Je gère l’intendance, je leur apprends la parentalité, j’accompagne l’allaitement, je fais en sorte que la maison soit en ordre, je prépare les repas, je fais les soins et je contrôle la santé du bébé afin d’avertir les sages-femmes si quelque chose ne va pas... Le but est que cette première semaine après l’accouchement soit douce pour les parents.
- Quand est-ce que ce métier est apparu dans votre pays de résidence ?
Le métier de Kraamzorg existe depuis une centaine d’années, et a été vraiment professionnalisé après la seconde guerre mondiale.
- Tous les couples peuvent-ils en bénéficier ?
Oui, grâce aux assurances privées et obligatoires (la Sécurité Sociale n’existe pas aux Pays-Bas). 98% des parents ont aujourd’hui recours à une « Kraamzorg », qu’ils choisissent de réserver avant la naissance.
- Existe-t-il des preuves de l’utilité de votre emploi ?
Oui. 13% des Néerlandaises font des dépressions post-partum alors qu’en France, 20 à 30% des femmes sont touchées par cette maladie.
Les accouchements à domicile sans péridurale sont aussi beaucoup plus nombreux aux Pays-Bas qu’en France.
- Pourquoi avez-vous écrit ce livre ?
Je voulais d’abord faire connaître mon métier, qui n’est pas encore très renommé. Ensuite, je voulais donner des conseils aux parents français, car même si cela commence à bouger depuis deux ans et que leurs soignants font un travail formidable, ils sont encore très peu accompagnés pendant le post-partum. Enfin, je souhaitais partager un certain nombre d’informations concernant cette période très particulière de la vie, car il y a peu de livres sur le sujet aujourd’hui.
- Quelle définition donnez vous du post-partum ?
Le post-partum est un état physique, qui dure entre la délivrance du placenta jusqu’au retour des règles (aussi appelé "retour de couches"). Ce temps d’à peu près 6 semaines varie d’une femme à l’autre, notamment en fonction du nombre de grossesses précédentes et de l’allaitement.
- Pourquoi le post-partum peut être difficile à vivre pour une femme ?
Physiquement, une femme qui vient d’accoucher peut subir des contractions post-natales, souffrir de saignements, de fuites urinaires ou de douleurs aux tétons, et même voir sa libido totalement disparaître.
Psychologiquement, cela peut aussi être très dur à vivre si le bonheur tant attendu de la naissance ne se manifeste pas immédiatement. L’émergence d’une nouvelle identité maternelle, le poids de la responsabilité et la perte de liberté peuvent aussi être compliqués à gérer.
- Quels conseils donnez-vous aux femmes pour qu’elles vivent cette période en douceur ?
Je conseille d’abord aux femmes de s’autoriser à s’habiller confortablement, à être fatiguée et à ne pas s’attendre à retrouver leur vie d’avant tout de suite. Pour moi, l’exemple de Rachida Dati, qui a repris le travail 4 jours après son accouchement par césarienne en s’affichant sur le perron de l’Élysée hissée sur des Louboutins, n’est absolument pas à suivre.
Il faut également que les futurs parents s’entourent de personnes disponibles pour les aider après la naissance, osent les solliciter lorsque cela est nécessaire et acceptent de profiter d’un coup de main spontané.
J’invite aussi les femmes à suivre une préparation à l’accouchement et à l’allaitement, car cela permet de récupérer plus vite physiquement lors du post-partum.
Par ailleurs, préparer des repas à l’avance et faire un maximum de courses conservables (pâtes, riz, lessive, gel douche, sacs poubelle, etc..) avant la naissance est essentiel. Le but est de pouvoir se décharger mentalement les premiers jours après l’accouchement pour pouvoir être focus sur le bébé et apprendre à le connaître tranquillement.
- Le post-partum peut aussi être difficile pour les pères (20% sont touchés par la dépression post-partum en France). Avez-vous des conseils spécifiques à leur donner ?
Oui. Les hommes se sentent souvent transparents, et beaucoup ne savent pas quoi faire pendant le post-partum. Je leur conseille donc de prendre leur place dès la naissance du bébé, en faisant par exemple du peau à peau, en apprenant comment changer une couche avec la puéricultrice ou encore aidant à préparer la tétée, etc... Il faut aussi qu’ils apprennent à être le « rempart » de leur femme et de leur bébé, en les protégeant dans un premier temps des personnes avec qui les relations peuvent être compliquées (je pense notamment aux belles-mères).
Enfin, les mamans doivent de leur côté laisser leur conjoint s’occuper du bébé, car il y en a encore beaucoup qui les en empêchent.
Pour en savoir plus, lisez "Un post-partum en douceur : le modèle néerlandais des Kraamzorg", (éditions du Rocher), de Delphine Petit-Postma et Marion Joseph. Delphine Petit-Postma tient également le compte Instagram ama_kraamzorg_francaise, et Marion Joseph le blog parental "parlons maman".
