« Mais où donc ai-je bien pu mettre ce fichu machin ?! » Cette question, tout le monde se l’est déjà posée un jour ou l’autre, que ce soit pour un portefeuille, des lunettes, un téléphone, un dossier de travail ou une boucle d’oreille. Et voilà qu’on se retrouve à remuer ciel et terre, manteaux et canapé pour retrouver l’objet convoité, au risque d’être en retard à son rendez-vous.
Souvent, c’est anecdotique, sans gravité, presque comique, comme ce sel de table qui a disparu parce que vous l’avez mis machinalement dans le frigo la veille sans vous en rendre compte. Mais parfois, cela peut gâcher la vie. Comme lorsqu’on égare son passeport à la veille d’un départ à l’étranger, qu’on oublie le doudou de son enfant dans le train, ou que l’on ne trouve plus ses clés alors qu’il est quatre heures du matin, qu’on est sur le pas de sa porte et sans batterie sur son portable... Selon une récente enquête Ipsos, quelque 35 millions d’objets sont ainsi perdus chaque année par les Français, soit 1,2 objet par foyer en moyenne, la palme revenant aux clés (65 %), devant le téléphone, les vêtements, la télécommande (qui reste pourtant sagement chez soi !) ou encore les papiers d’identité.
Preuve de l’ampleur du phénomène, neuf Français sur dix déclarent perdre et chercher régulièrement ses affaires, d’après une autre étude Ipsos de 2016. La moitié d’entre eux y consacreraient même entre 30 min et 2h30 par mois, soit 1h30 en moyenne. Ce qui, à l’échelle d’une vie, équivaut tout de même à perdre deux mois entiers ! Un temps gaspillé qui finit par coûter cher, tant pour l’économie nationale (11,5 milliards d’euros, au taux horaire du smic) que pour le porte-monnaie, sachant qu’un tiers des gens ont déjà racheté l’objet sur lequel ils n’ont pas pu remettre la main. Et s’il y avait quelques astuces pour se conditionner à moins égarer ses affaires ?
Si vous perdez régulièrement votre carte d’identité, c’est peut-être parce que vous ne souhaitez pas être réduit à un vulgaire document administratif. Si c’est votre carte de transports, vous détestez sans doute prendre le métro. Même logique avec des lunettes de vue, qu’on associe volontiers au déclin du corps, ou encore la carte bancaire, si on a un rapport ambigu à l’argent. Bref, « des objets-symboles qui en disent long sur nos désirs profonds, parfois refoulés, ou sur l’image qu’on a de soi-même. C’est ce que Freud, le père de la psychanalyse, appelait des "actes manqués". » Vous perdez toujours la même chose ? Posez-vous donc la question de sa symbolique ! En sachant toutefois que tout est une question d’interprétation individuelle... « Il n’y a pas de règles objectives, observait ainsi le psychanalyste Serge Sommer sur France Bleu en mai 2021. Pour l’un, perdre ses clés [symbolisera] la peur d’être enfermé, pour l’autre, la peur de sortir. La solution est toujours en chacun. »
« L’oubli est aussi une nécessité, rappelle le psychiatre Simon-Daniel Kipman. Sans lui, notre cerveau saturerait d’informations. On oublie (et donc on perd) certaines choses jugées futiles dans le but de se concentrer sur ce qu’on estime essentiel sur le moment. » Autrement dit, c’est parce que vous pensez au film que vous allez voir au cinéma que vous ne pensez pas à repérer la place de parking où vous vous êtes garé. Ou c’est parce que vous passiez un coup de fil important que vous ne savez plus où vous avez mis votre agenda. « La plupart du temps, on est en pilotage automatique, absorbé par ses pensées et ses intentions, presque absent à la réalité. Comme un robot, on pose son téléphone sur une étagère sans le conscientiser ou on range sa carte bleue dans une poche quelconque, sans y prêter attention. Résultat, on fait des erreurs d’interprétation quand on doit les retrouver. » Heureusement, il y a quelques techniques pour réduire la marge d’erreur – et ce, sans passer par des accessoires connectés pour géolocaliser ses biens.
Investir affectivement vos objets. Une technique astucieuse est « d’investir de façon positive les objets essentiels de votre vie, car plus vous accorderez d’affection à un objet, plus vous vous en souviendrez nettement, et donc plus vous réduirez le risque de le perdre », selon Dr Kipman. Accrochez un porte-clés gri-gri à votre trousseau, offrez-vous un étui à lunettes original, achetez un joli porte-cartes pour y glisser votre CB... « La mémoire fonctionne par "indice de récupération", un détail qui vous tient à cœur suffit à déclencher le souvenir », précise Florian Manicardi. Avec la même logique de « prêter attention », le psychologue David J. Lieberman écrivait dans un livre paru en 2014 : « La prochaine fois que vous posez vos clés – disons sur la table de la cuisine – visualisez les clés devenir vivantes et manger un sandwich au thon à cet endroit [...] Plus cela vous semble ridicule, mieux c’est ! »
Se prendre en « flagrant délit ». L’idée ici, qui exige un petit effort sur le coup, du moins au début, est de photographier mentalement les objets eux-mêmes ou les endroits où vous les laissez. Une stratégie efficace quand il s’agit, par exemple, de ne pas perdre sa voiture : « Faites une capture visuelle de la rue, des détails de la place de parking, du chemin pour y parvenir, conseille Florian Manicardi. A terme, votre cerveau sera entraîné à le faire automatiquement, pour tout. » Le flagrant délit peut aussi être oral, en répétant à haute voix les choses que vous êtes en train de faire : « Hop, le doudou du fiston est dans le sac de papa », ou « Là je suis en train de ranger mon passeport dans ce placard. » Vous vous sentirez peut-être un peu ridicule à parler tout seul à un objet inanimé, mais sûrement beaucoup moins que si vous vous retrouvez à l’aéroport sans le précieux sésame.
Souvent, c’est anecdotique, sans gravité, presque comique, comme ce sel de table qui a disparu parce que vous l’avez mis machinalement dans le frigo la veille sans vous en rendre compte. Mais parfois, cela peut gâcher la vie. Comme lorsqu’on égare son passeport à la veille d’un départ à l’étranger, qu’on oublie le doudou de son enfant dans le train, ou que l’on ne trouve plus ses clés alors qu’il est quatre heures du matin, qu’on est sur le pas de sa porte et sans batterie sur son portable... Selon une récente enquête Ipsos, quelque 35 millions d’objets sont ainsi perdus chaque année par les Français, soit 1,2 objet par foyer en moyenne, la palme revenant aux clés (65 %), devant le téléphone, les vêtements, la télécommande (qui reste pourtant sagement chez soi !) ou encore les papiers d’identité.
Preuve de l’ampleur du phénomène, neuf Français sur dix déclarent perdre et chercher régulièrement ses affaires, d’après une autre étude Ipsos de 2016. La moitié d’entre eux y consacreraient même entre 30 min et 2h30 par mois, soit 1h30 en moyenne. Ce qui, à l’échelle d’une vie, équivaut tout de même à perdre deux mois entiers ! Un temps gaspillé qui finit par coûter cher, tant pour l’économie nationale (11,5 milliards d’euros, au taux horaire du smic) que pour le porte-monnaie, sachant qu’un tiers des gens ont déjà racheté l’objet sur lequel ils n’ont pas pu remettre la main. Et s’il y avait quelques astuces pour se conditionner à moins égarer ses affaires ?
« L’oubli est une nécessité »
Avant d’expliquer comment se sevrer de cette fâcheuse manie, il convient de se demander pourquoi on a tendance à perdre des affaires qui sont pourtant intimes et chères à nos yeux. « On ne perd pas tout et n’importe quoi. On est très sélectif dans ce qu’on oublie et ce qu’on perd, assure le psychiatre et psychanalyste Simon-Daniel Kipman, auteur de L’oubli et ses vertus (éd. Albin Michel, 2013). On sera plus enclin à perdre un objet qu’on juge inintéressant ou gênant ou qu’on associe à une émotion désagréable ou à un problème qu’on veut inconsciemment rejeter. »Si vous perdez régulièrement votre carte d’identité, c’est peut-être parce que vous ne souhaitez pas être réduit à un vulgaire document administratif. Si c’est votre carte de transports, vous détestez sans doute prendre le métro. Même logique avec des lunettes de vue, qu’on associe volontiers au déclin du corps, ou encore la carte bancaire, si on a un rapport ambigu à l’argent. Bref, « des objets-symboles qui en disent long sur nos désirs profonds, parfois refoulés, ou sur l’image qu’on a de soi-même. C’est ce que Freud, le père de la psychanalyse, appelait des "actes manqués". » Vous perdez toujours la même chose ? Posez-vous donc la question de sa symbolique ! En sachant toutefois que tout est une question d’interprétation individuelle... « Il n’y a pas de règles objectives, observait ainsi le psychanalyste Serge Sommer sur France Bleu en mai 2021. Pour l’un, perdre ses clés [symbolisera] la peur d’être enfermé, pour l’autre, la peur de sortir. La solution est toujours en chacun. »
« L’oubli est aussi une nécessité, rappelle le psychiatre Simon-Daniel Kipman. Sans lui, notre cerveau saturerait d’informations. On oublie (et donc on perd) certaines choses jugées futiles dans le but de se concentrer sur ce qu’on estime essentiel sur le moment. » Autrement dit, c’est parce que vous pensez au film que vous allez voir au cinéma que vous ne pensez pas à repérer la place de parking où vous vous êtes garé. Ou c’est parce que vous passiez un coup de fil important que vous ne savez plus où vous avez mis votre agenda. « La plupart du temps, on est en pilotage automatique, absorbé par ses pensées et ses intentions, presque absent à la réalité. Comme un robot, on pose son téléphone sur une étagère sans le conscientiser ou on range sa carte bleue dans une poche quelconque, sans y prêter attention. Résultat, on fait des erreurs d’interprétation quand on doit les retrouver. » Heureusement, il y a quelques techniques pour réduire la marge d’erreur – et ce, sans passer par des accessoires connectés pour géolocaliser ses biens.
Automatismes et pense-bête
S’organiser ! C’est un conseil qui frise le poncif, mais ce n’est pas inutile de le rappeler... « Se concentrer et être attentif à ses affaires, c’est le premier pas pour ne plus les perdre, explique Florian Manicardi, champion de France de mémorisation et formateur auprès d’étudiants et de seniors. Mais on ne peut pas faire attention à tout, tout le temps, ce serait trop énergivore ! Pour s’économiser, il faut donc se créer des automatismes, mais de façon naturelle, c’est-à-dire en fonction de soi, de sa personnalité, de ses habitudes : c’est ce qu’on appelle le béhaviorisme, ou comportementalisme. » De la même façon que vous êtes conditionné à freiner devant un feu rouge, vous pouvez ainsi vous conditionner à toujours mettre telle ou telle affaire à un endroit spécifique. Par exemple, vos clés dans une coupole sur le meuble de l’entrée : « Le stimuli peut être visuel (voir la coupole) ou autre (entendre le son du trousseau qui tombe dedans). Plus on fait appel aux sens, plus c’est efficace. »Investir affectivement vos objets. Une technique astucieuse est « d’investir de façon positive les objets essentiels de votre vie, car plus vous accorderez d’affection à un objet, plus vous vous en souviendrez nettement, et donc plus vous réduirez le risque de le perdre », selon Dr Kipman. Accrochez un porte-clés gri-gri à votre trousseau, offrez-vous un étui à lunettes original, achetez un joli porte-cartes pour y glisser votre CB... « La mémoire fonctionne par "indice de récupération", un détail qui vous tient à cœur suffit à déclencher le souvenir », précise Florian Manicardi. Avec la même logique de « prêter attention », le psychologue David J. Lieberman écrivait dans un livre paru en 2014 : « La prochaine fois que vous posez vos clés – disons sur la table de la cuisine – visualisez les clés devenir vivantes et manger un sandwich au thon à cet endroit [...] Plus cela vous semble ridicule, mieux c’est ! »
Se prendre en « flagrant délit ». L’idée ici, qui exige un petit effort sur le coup, du moins au début, est de photographier mentalement les objets eux-mêmes ou les endroits où vous les laissez. Une stratégie efficace quand il s’agit, par exemple, de ne pas perdre sa voiture : « Faites une capture visuelle de la rue, des détails de la place de parking, du chemin pour y parvenir, conseille Florian Manicardi. A terme, votre cerveau sera entraîné à le faire automatiquement, pour tout. » Le flagrant délit peut aussi être oral, en répétant à haute voix les choses que vous êtes en train de faire : « Hop, le doudou du fiston est dans le sac de papa », ou « Là je suis en train de ranger mon passeport dans ce placard. » Vous vous sentirez peut-être un peu ridicule à parler tout seul à un objet inanimé, mais sûrement beaucoup moins que si vous vous retrouvez à l’aéroport sans le précieux sésame.