Travaillant souvent loin de leur domicile, les habitants des grandes métropoles sont particulièrement concernés par ce mal des transports. A commencer par ceux de la région parisienne, qui y passent en moyenne 1h32 par jour si l’on inclut les déplacements non professionnels, d'après une étude de 2016. Une autre enquête du cabinet Technologia liste les principales sources de stress des Franciliens empruntant les transports en commun : l’affluence, les nombreuses correspondances, la fréquence des incidents, la stimulation attentionnelle (panneaux publicitaires, annonces...), l’agression sensorielle (luminosité artificielle, bruits, odeurs...) ou encore le comportement non respectueux des autres.
Autant d’obstacles à la sérénité qui font que les personnes se rendant à leur travail en transport collectif ont un niveau de stress deux à trois fois plus élevé que celles y allant en voiture ou à pied, selon une étude britannique. Mais bonne nouvelle, comme la station de métro : on peut tenter de rendre son trajet un peu moins pénible, si ce n’est agréable, en apprenant à le vivre autrement.
« Evitez les évitements »
La première chose à faire, c’est d’accepter de se confronter au stress, estime le psychiatre David Gourion, auteur du livre Anti-stress – La méthode simple pour soigner l’anxiété et la déprime (éd. Marabout, 2022). « Certaines personnes souffrant d’anxiété finissent par développer ce qu’on appelle des stratégies d’évitement. Par exemple, elles vont tout faire pour ne plus prendre les transports (covoiturage, vélo, marche à pied...), ou elles vont chercher systématiquement une place dans un coin de la rame, près de la sortie, en sachant qu’elles y seront moins anxieuses. » Si cela procure un sentiment de soulagement sur le coup, c’est en réalité une fausse bonne idée.D’une part, car ces stratégies sont « efficaces mais seulement à court terme » : à force d’éviter toutes les situations qui nous stressent, on finit par ne plus être capable de les gérer du tout, et entrer dans un wagon bondé n’apparaît même plus envisageable. « Piégé par son propre évitement, on est pris dans un cercle vicieux », selon le psychiatre. D’autre part, « ces stratégies ne sont pas un choix libre et éclairé, mais un choix contraint du fait de son anxiété » : en laissant son stress dicter sa conduite, on s’enfonce toujours plus dans l’évitement et on perd en liberté. Pour ne pas que le stress momentané des transports devienne une angoisse pour la vie, il est donc essentiel d’« éviter les évitements », assure Dr Gourion, estimant que « c’est presque un message de santé publique ». Ce qui implique de se confronter aux situations qu’on sait anxiogènes et... de « devoir gérer son anxiété malgré tout », avec quelques techniques à l’appui.
Réflexes anti-stress
Se créer une bulle protectrice. La plupart des usagers le font déjà, en écoutant de la musique ou un podcast, en ouvrant un livre ou en parcourant les réseaux sociaux. A chacun son cocon : certains optent même pour des bouchons d’oreille ! « Le stress est relatif à ce qu’on voit mais aussi à ce qu’on entend : en s’isolant du brouhaha des transports, on évite l’intrusion dans au moins une de ses sphères sensorielles, l’ouïe. C’est une façon de reprendre un minimum de contrôle », explique l’expert du stress. Autre avantage, se concentrer sur des éléments extérieurs à soi permet de moins se focaliser sur ce qui nous gêne. Une aubaine pour « les anxieux, qui ont tendance à monitorer tous leurs petits signes physiologiques de malaise (transpiration, palpitations, respiration saccadée...). Le problème, c’est que plus ils en repèrent, plus ils activent leur sentiment de danger et augmentent leur niveau d’adrénaline et de stress, qui lui-même engendre des symptômes physiques... » Pour sortir de cette boucle infernale, mieux vaut donc s’enfermer dans sa bulle.Effectuer des exercices de respiration, comme la cohérence cardiaque, la méthode « 4-7-8 » ou encore la respiration abdominale profonde : « Inspirez cinq secondes, gardez l’air cinq secondes, expirez cinq secondes, lentement, comme si vous respiriez à travers une paille », décrit le psy. La régulation du souffle est une technique diablement efficace pour gérer son anxiété, peu importe le contexte. Tout comme la méditation : « Vous pouvez vous remémorer un souvenir d’agréable, visualiser un lieu de vacances, pour ‘’sortir’’ de la réalité. Ou imaginer que vous êtes une montagne ou un arbre, ancré dans le sol, avec des racines sous les pieds. Cela peut aider à lutter contre le sentiment de submergement. » Qui sait, vous finirez peut-être même par apprécier ce rendez-vous quotidien avec vous-même.
Faire du « sport ». Il n’est pas question ici d’enchaîner les squats sur le quai, mais de profiter du trajet pour se tonifier ou relâcher les tensions accumulées au cours de la journée. « Scannez de haut en bas chaque parcelle de votre corps, soyez attentifs à vos raideurs musculaires et essayez de les décontracter une par une », propose David Gourion. Par exemple, debout, en vous étirant avec une barre d’appui en hauteur ou en vous tenant sur un seul pied. Ou assis, en musclant votre périnée ou en surélevant vos talons. Vous cesserez alors peut-être de vous attarder sur l’odeur douteuse de votre voisin... Dernier conseil de coach : se coltiner les transports est un effort physique, il est donc judicieux de se conditionner avec une nuit de sommeil réparatrice, un petit déjeuner consistant et une bonne hydratation. Selon le psy, « cela évitera d’additionner les facteurs de stress » – et accessoirement de se faire un claquage entre deux stations.
Voyager avec quelqu’un. Partager le trajet avec un collègue, quitte à faire un détour pour le rejoindre sur la route, ne présente que des avantages. On oublie les désagréments du métro, on focalise son attention sur l’autre (et non ses problèmes), et puis, au moins, si on est en retard, on l’est à deux ! « C’est une des stratégies de défocalisation les plus efficaces », note le médecin. Si le collègue a une panne de réveil, vous pouvez même tenter d’échanger quelques mots avec votre voisin de strapontin. Aborder des inconnus n’est jamais facile dans ce contexte, mais vous pourriez être surpris de la solidarité dont certains font preuve dans l’adversité... Les plus timides peuvent se contenter d’observer les usagers : c’est déjà une diversion en soi. « Constater le stress des autres usagers, c’est une façon de prendre conscience qu’on n’est pas tout seul à subir son angoisse. » Que nous sommes finalement tous dans le même bateau, pardon, train.