Lorsqu’on parle de marche nordique, on visualise un groupe de seniors en polaire et bâtons en mains qui se promènent en forêt. On n’a pas complètement tort (ils ne sont pas tout jeunes et portent des coupe-vent), mais c’est un peu réducteur de parler de promenade. Derrière les piétons, en effet, se cache un véritable sport, à mi-chemin entre la marche traditionnelle et la course à pied. Née dans les années 1920, la marche nordique est directement inspirée du ski de fond. Pour l’anecdote, elle viendrait même de l’équipe nationale qui, lors d’une saison sans neige, aurait décidé malgré tout d’aller s’entraîner, sans skis mais avec les bâtons, afin de maintenir les conditions physiques des athlètes. L’activité a ensuite été codifiée puis officialisée en 1997, et vingt-cinq ans plus tard, pas moins d’un million de Français la pratiquent régulièrement, été comme hiver, en solo ou à plusieurs, en montagne ou en forêt, en amateur ou en compétition. Elle est aujourd’hui recommandée par les médecins et, en Allemagne, elle est même remboursée par la Sécurité sociale. On a voulu tester pour vous ce « sport-santé », afin d’en éprouver les supposés bienfaits sur le corps et l’esprit.
Nous sommes debout en cercle, à l’écoute de la coach Arja Jalkanen-Meyer, l’autre fondatrice de l’école, qui va mener le groupe aujourd’hui. Cette Finlandaise de 62 ans est une pionnière de la discipline : c’est elle qui l’a importée de Finlande il y a 25 ans. Elle a formé des centaines de coachs en France, je suis entre de bonnes mains. Petite en taille mais haute en énergie et en couleurs, elle rythme l’échauffement. Nous bougeons les chevilles, les épaules, nous faisons quelques squats, montées de genoux et levers de bras. L’ambiance est "cool", tout le monde semble de bonne humeur, personne n’est encore accablé par l’effort et la sueur. Arja me tend des bâtons et nous voilà partis pour deux petites heures de randonnée à travers le Bois.
Accessible à tous les profils (et toutes les bourses), la marche nordique exige tout de même un certain savoir-faire. « C’est un sport basé sur le mouvement naturel de la marche, mais amplifié », explique le coach Bruno. La technique est la suivante : marcher à grands pas en regardant droit devant soi et, naturellement donc, faire un grand mouvement de balancier avec ses bras semi-tendus, le tout synchronisé au maximum. « Le plus important, c’est l’amplitude des mouvements : il faut qu’à chaque pas, une main passe derrière le bassin et l’autre aille loin devant. En bougeant ainsi, mécaniquement on redresse la colonne vertébrale, on ouvre la cage thoracique, on développe le système cardiorespiratoire. Et la souplesse, bien évidemment. »
Pratiquée dans les règles de l’art, cette marche rapide permet de « solliciter en douceur 90 % de notre musculature (jambes, épaules, pectoraux, abdos...), soit le double d’un jogging, avec une dépense énergétique inférieure de seulement 15 % », selon Bruno. Sa coéquipière Arja précise : « Avec la natation et le ski de fond, c’est l’une des trois gestuelles les plus intéressantes pour le corps humain. Et c’est la plus facile à pratiquer ! » Et les bâtons, dans tout ça ? C’est le « troisième moteur ». Plantés entre les pieds, ils équilibrent le marcheur et l’aident à se propulser vers l’avant, ce qui permet de gagner en endurance et en vélocité. Sans compter qu’ils soulagent les articulations des genoux et, grâce aux vibrations qui remontent dans les os à chaque planté, préviennent les risques d’arthrose et d’ostéoporose.
Elle n’a pas tort, Sylvie : marcher en pleine nature, ici le Bois de Vincennes, n’a que des bénéfices pour le moral. Le plein air, le milieu naturel, la lumière du jour contribuent à booster la santé psychologique (diminution du stress, amélioration du sommeil...). La coach Arja nous propose même quelques leçons de sylvothérapie (le soin par les arbres) : « Mettre les mains contre un arbre donne de la vitalité, c’est grâce à la sève qui a puisé toute l’énergie de la terre ». Je ne sais pas si elle a convaincu tout le monde mais une marcheuse ajoute avec solennité : « Le bitume dévitalise, la nature revitalise. » Et puis les échanges se poursuivent, un débat ici, un trait d’esprit là ! C’est l’autre « bienfait psy » de marcher à plusieurs : la sociabilité. « C’est une pratique en collectivité, avec toute une dimension sociale, conviviale », rappelle Bruno. Et Thierry le marcheur qui souffle : « Il y a une vraie solidarité, c’est chouette. On se porte les uns les autres. Et on s’amuse aussi, en faisant du sport. »
Même moi, pourtant à peu près sportif (escalade et vélo), j’en ressens les bienfaits. Pas tant au niveau du cardio ou des muscles, mais plutôt sur ma posture. J’ai l’impression de me tenir plus droit, plus gainé, comme si c’était nouveau. Souvent assis devant un écran en raison de mon métier, les épaules et la nuque un peu voûtées, il m’arrive de ressentir une gêne dans le bas du dos. Parfois aussi, après un long jogging ou une session de corde à sauter. Or j’ai la sensation que la marche nordique pratiquée assidûment peut me soulager parce qu’elle mobilise, tout en souplesse, l’ensemble du buste, la ceinture abdominale et les muscles lombaires. Après deux heures, les effets physiologiques, bien que légers, sont assez flagrants. Je me sens grandi, le corps « déployé » en quelque sorte. Sans compter que cette déambulation parmi les arbres m’a boosté le moral pour le reste de la journée (de travail, rappelons-le). Je dis au revoir à mes coéquipiers, me dirige vers mon vélo accroché devant le Parc. Et je l’enfourche... presque surpris de ne plus marcher.
La Finlande à Vincennes
Le temps est menaçant lorsque j’arrive à 10h ce matin-là en bordure du Bois de Vincennes, à deux pas du Château, à Paris. Les marcheurs sont déjà prêts, avec bâtons et sac à dos, ils m’attendent de tous leurs pieds fermes, moi le petit nouveau qui n’a jamais marché comme un nordique. Du haut de mes 31 ans, je suis le benjamin (et le troisième homme) des douze membres de la troupe, âgés de 41 à 70 ans. Tous ont déjà au moins quelques mois d’expérience dans les jambes, voire des années pour certains. Heureusement pour mon ego, j’ai droit à un rapide cours particulier avec Bruno Ruslier, un des deux fondateurs de l’Ecole de marche nordique de Paris.Nous sommes debout en cercle, à l’écoute de la coach Arja Jalkanen-Meyer, l’autre fondatrice de l’école, qui va mener le groupe aujourd’hui. Cette Finlandaise de 62 ans est une pionnière de la discipline : c’est elle qui l’a importée de Finlande il y a 25 ans. Elle a formé des centaines de coachs en France, je suis entre de bonnes mains. Petite en taille mais haute en énergie et en couleurs, elle rythme l’échauffement. Nous bougeons les chevilles, les épaules, nous faisons quelques squats, montées de genoux et levers de bras. L’ambiance est "cool", tout le monde semble de bonne humeur, personne n’est encore accablé par l’effort et la sueur. Arja me tend des bâtons et nous voilà partis pour deux petites heures de randonnée à travers le Bois.
Amplitude, le maître-mot
D’un point de vue extérieur, mon groupe de marcheurs ressemble à une drôle de communauté. Avançant en file plus ou moins indienne, tous ont le même équipement réglementaire : des bâtons télescopiques (attention en les maniant, je me suis pris les pieds dedans plusieurs fois), des gantelets (des gants attachés aux bâtons de manière à aider la prise en main), ainsi que des chaussures basses, souples et surtout à crampons – je ne vous cache pas qu’avec mes baskets de running à semelle lisse, j’ai un peu pataugé. Les niveaux sont différents, donc c’est chacun son rythme. Quand le premier peloton prend trop d’avance, il fait demi-tour pour rejoindre les retardataires, la mécanique est bien rôdée.Accessible à tous les profils (et toutes les bourses), la marche nordique exige tout de même un certain savoir-faire. « C’est un sport basé sur le mouvement naturel de la marche, mais amplifié », explique le coach Bruno. La technique est la suivante : marcher à grands pas en regardant droit devant soi et, naturellement donc, faire un grand mouvement de balancier avec ses bras semi-tendus, le tout synchronisé au maximum. « Le plus important, c’est l’amplitude des mouvements : il faut qu’à chaque pas, une main passe derrière le bassin et l’autre aille loin devant. En bougeant ainsi, mécaniquement on redresse la colonne vertébrale, on ouvre la cage thoracique, on développe le système cardiorespiratoire. Et la souplesse, bien évidemment. »
Pratiquée dans les règles de l’art, cette marche rapide permet de « solliciter en douceur 90 % de notre musculature (jambes, épaules, pectoraux, abdos...), soit le double d’un jogging, avec une dépense énergétique inférieure de seulement 15 % », selon Bruno. Sa coéquipière Arja précise : « Avec la natation et le ski de fond, c’est l’une des trois gestuelles les plus intéressantes pour le corps humain. Et c’est la plus facile à pratiquer ! » Et les bâtons, dans tout ça ? C’est le « troisième moteur ». Plantés entre les pieds, ils équilibrent le marcheur et l’aident à se propulser vers l’avant, ce qui permet de gagner en endurance et en vélocité. Sans compter qu’ils soulagent les articulations des genoux et, grâce aux vibrations qui remontent dans les os à chaque planté, préviennent les risques d’arthrose et d’ostéoporose.
Contre le mal de dos et le stress
Avec l’âge ou pour raison de santé, beaucoup ont troqué leur sport de prédilection contre la marche nordique. Micheline, considérée par tout le monde (sauf elle) comme la meilleure du groupe, a commencé il y a trois ans « après des problèmes aux genoux causés par la course à pied ». Delphine, elle, faisait « énormément » de ski de fond : « J’ai dû arrêter à cause d’un problème de santé ». Avec la marche nordique, je n’ai plus mal au dos. C’est pour les vieux, les malades et les non-sportifs, mais c’est efficace ! (rires). » Thierry, ancien cycliste : « Je trouve ça très sportif. C’est tonique, je me suis découvert de nouveaux muscles à 70 ans ! » Estelle abonde : « La course à pied, c’est des chocs. Là c’est fluide. » J’entends derrière moi : « Si c’est bien fait, on a l’impression de voler un peu. » Sylvie, plus analytique : « C’est un sport complet, qui fait travailler le haut et le bas, la coordination des mouvements, le cardio... Après deux heures, on le sent dans le corps. » Thierry, à nouveau : « On est obligé de s’appliquer, de se concentrer sur la technique, donc ça vide la tête. » Sylvie renchérit : « Et puis, le gros avantage, c’est qu’on fait ça dans la nature ! »Elle n’a pas tort, Sylvie : marcher en pleine nature, ici le Bois de Vincennes, n’a que des bénéfices pour le moral. Le plein air, le milieu naturel, la lumière du jour contribuent à booster la santé psychologique (diminution du stress, amélioration du sommeil...). La coach Arja nous propose même quelques leçons de sylvothérapie (le soin par les arbres) : « Mettre les mains contre un arbre donne de la vitalité, c’est grâce à la sève qui a puisé toute l’énergie de la terre ». Je ne sais pas si elle a convaincu tout le monde mais une marcheuse ajoute avec solennité : « Le bitume dévitalise, la nature revitalise. » Et puis les échanges se poursuivent, un débat ici, un trait d’esprit là ! C’est l’autre « bienfait psy » de marcher à plusieurs : la sociabilité. « C’est une pratique en collectivité, avec toute une dimension sociale, conviviale », rappelle Bruno. Et Thierry le marcheur qui souffle : « Il y a une vraie solidarité, c’est chouette. On se porte les uns les autres. Et on s’amuse aussi, en faisant du sport. »
« Je sens mes muscles »
D’autant plus que la coach Arja, comme Bruno d’ailleurs, « conna[it] le Bois par cœur » et prend « à chaque fois des chemins différents », variant les paysages et les terrains. Sous les chants d’oiseaux, on remonte un cours d’eau, on coupe la forêt par des petits sentiers, on passe devant des petites cascades, on évite autant que possible les routes goudronnées. Personnellement, je suis complètement paumé (ne riez pas, c’est déjà arrivé à un marcheur trop occupé sur son téléphone, m’apprend Arja). On passe devant un totem géant en bois, séance photo-souvenir. On marche et on marche à la nordique jusqu’à sortir de la forêt et arriver devant le Château de Vincennes. Dernier effort, on fait un détour par les demi-collines de pelouse bordant les murs de l’édifice, sous un vent fort et un crachin qui commence à tomber. Après 6 ou 7 km de marche, celle-ci s’achève dans le Parc floral, devant un jardinet et une rambarde qui nous sert de barre d’étirements. La plupart d’entre nous ont l’air détendu, revigoré, le visage empourpré et ouvert. Les endorphines, me dis-je. « Je sens mes muscles », n’en revient toujours pas Florence, moyennement fan du sport en général.Même moi, pourtant à peu près sportif (escalade et vélo), j’en ressens les bienfaits. Pas tant au niveau du cardio ou des muscles, mais plutôt sur ma posture. J’ai l’impression de me tenir plus droit, plus gainé, comme si c’était nouveau. Souvent assis devant un écran en raison de mon métier, les épaules et la nuque un peu voûtées, il m’arrive de ressentir une gêne dans le bas du dos. Parfois aussi, après un long jogging ou une session de corde à sauter. Or j’ai la sensation que la marche nordique pratiquée assidûment peut me soulager parce qu’elle mobilise, tout en souplesse, l’ensemble du buste, la ceinture abdominale et les muscles lombaires. Après deux heures, les effets physiologiques, bien que légers, sont assez flagrants. Je me sens grandi, le corps « déployé » en quelque sorte. Sans compter que cette déambulation parmi les arbres m’a boosté le moral pour le reste de la journée (de travail, rappelons-le). Je dis au revoir à mes coéquipiers, me dirige vers mon vélo accroché devant le Parc. Et je l’enfourche... presque surpris de ne plus marcher.