Toujours chronophages, souvent inutiles
C’est, sans surprise, l’overdose de messages qui dérange le plus, alors que plus de 100 milliards sont échangés quotidiennement sur WhatsApp par ses 2 milliards d’utilisateurs. On se déconnecte le temps du dîner et voilà que des centaines de notifications nous attendent pour le dessert. L’information que nous attendions, utile à la finalité du groupe, se retrouve perdue dans un flot de messages sans grand intérêt, que ce soient un énième commentaire politique, la centième photo de vacances de votre collègue ou encore une plaisanterie douteuse d’un cousin gênant. Des messages auxquels, bien sûr, nous serions tenus de réagir, de répondre, de « liker », et de ne surtout pas perdre le fil.« Cela peut s’avérer positif pour le moral de certains, qui se sentiront moins seuls, mais d’autres, lassés par ceux qui saturent la conversation, ont le sentiment que ces groupes les privent de leur temps libre, explique le psychanalyste Pascal Neveu. D’ailleurs, dès lors qu’on nous ajoute à un groupe, c’est intrusif : tous les membres ont directement accès à mon nom et mes coordonnées, c’est presque une violation de la vie privée. »
« L’omniprésence de ces groupes de discussion bouleverse notre quotidien, car ils changent notre rapport à la solitude et au contact : on peut être, au même instant, physiquement seul ET en lien avec des dizaines d’interlocuteurs, note Dominique Picard, psychosociologue et auteure de Les conflits relationnels (éd. PUF, 2012). Résultat, il y a un phénomène d’emprise : on se laisse prendre au jeu et on finit par s’attacher à ces nouvelles communautés. Un sentiment d’appartenance se développe, c’est pourquoi il devient si difficile de s’en défaire ! »
Pas facile de dire adieu
Lorsque vous quittez un groupe WhatsApp, un message en informe automatiquement les membres. C’est comme ça, votre départ est public, et donc soumis au regard des autres. « Si nous hésitons à partir, c’est d’abord parce que nous avons peur de ne plus être aimés, d’être exclus », résume Pascal Neveu. Cela rappelle la cour d’école où, pour la première fois, on était confronté à des ressentis de type amour et désamour. »« Ceux qui ont un fort besoin de reconnaissance, ou ceux qui veulent absolument "en être", toujours faire partie des événements et des discussions parce que cela les valorise, auront plus de mal à partir, abonde Dominique Picard. Car lorsqu’on quitte un groupe WhatsApp, on part seul, sans possibilité de rattraper les messages. Cette perspective peut en angoisser certains. » Un phénomène appelé Fomo (Fear of missing out), qui désigne la crainte de rater quelque chose – quand bien même ce quelque chose ne serait qu’un simple même !
Prendre la tangente peut aussi entraîner quelques remords, voire un sentiment de culpabilité à l’égard de ceux qui restent. On finit par rester dans le groupe pour ne pas vexer. Sauf que, rassure le psychanalyste, « il n’y a aucune raison de se sentir coupable car personne n’en veut à celui qui part. Posez-vous la question : si vous craignez vraiment de partir, c’est peut-être parce que vous êtes mal à l’aise avec les membres, que la relation n'est pas aussi sincère ou réciproque que vous le pensiez. »
Des clés pour partir en douce(ur)
Résumons : il n’y a aucun motif raisonnable de ne pas quitter un groupe WhatsApp si vous le souhaitez. « La seule pression, c’est vous-même qui vous la mettez tout seul », d’après Pascal Neveu. Seulement, il convient de respecter quelques règles de savoir-vivre pour éviter de blesser les membres.Profiter d’un mouvement de foule. « Lorsqu’un groupe pollue les notifications, la question est souvent de savoir qui partira le premier, s’amuse le psychanalyste. Dès qu’il y en a un, c’est l’escalade : tous les autres suivent, comme s’ils étaient ‘’autorisés’’ à fuir par le départ du premier ! » C’est là que vous pouvez vous défausser sans risque. Dans un style encore moins frontal, vous pouvez aussi profiter d’un moment où de nombreux messages sont échangés pour quitter brusquement le groupe. Avec un peu de chance, votre décollage passera quasi inaperçu.
Prévenir individuellement les membres. « Il faut communiquer ouvertement sur votre volonté de départ, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’un groupe familial, assure Pascal Neveu. Par exemple, en appelant chacun de ses membres pour l’alerter individuellement. » Une manière de s’éviter quelques reproches. Pour plus de succès, n’hésitez pas à « montrer votre bonne foi en leur proposant de les voir en chair et en os dans un restaurant ou autour d’un verre ». Une manière d’accuser WhatsApp plutôt que les relations elles-mêmes...
Annoncer son départ sur le groupe. « Mieux vaut annoncer directement son départ sur le groupe, estime Dominique Picard, et fournir une bonne raison – peu importe qu’elle soit véritable ou non – afin d’éviter des interprétations malencontreuses comme "ce qu’on a dit l’a blessé" ou "il ne s’intéresse pas à nous" ». Vous pouvez ainsi opter pour un message de type « Je quitte cette discussion pour X raisons (je n’écris de toute façon jamais ici, je n’ai pas le temps en ce moment, etc.) ». « Surtout, ne jamais laisser planer le doute sur vos motivations car les écrits, contrairement aux paroles, sont sujets à interprétations. » Pour les groupes ponctuels, un simple mot « Merci pour ces échanges » suffit à prendre congé tout en douceur.
Ignorer pour ne pas partir. C’est l’option privilégiée par de nombreux utilisateurs : désactiver les notifications du groupe problématique pour ne plus jamais être sollicité. Pour faire comme s’il n’existait pas, vous pouvez même faire disparaître le groupe de votre journal de discussions, comme expliqué ici.
Bloquer préventivement. Il y a ceux, enfin, qui anticipent et font en sorte de ne plus pouvoir être ajouté de force à des groupes sans leur consentement préalable. Une technique de ninja décrite dans cet article.