Sociale est la phobie
La phobie sociale, aussi appelée blemmophobie, désigne un trouble anxieux chronique qui se caractérise par une peur intense du regard des autres. Et donc de toutes les situations qui confrontent au jugement du regard des autres : prendre la parole en public, être observé par des gens hors de son cercle, « jusqu’à simplement même se balader dans la rue », précise le psychiatre. « La personne va apprendre, malgré elle, qu’elle se sent mal dans telle ou telle situation. Donc toute situation plus ou moins similaire qui la mettra dans cet état de mal-être représentera un danger à ses yeux, au point de faire des crises d’angoisse. » Et la souffrance est réelle même si la situation reste imaginaire : « Une phobie, c’est une peur sans objet. Rien que l’évocation de la situation problématique peut déclencher chez la personne des attaques de panique. »Une terreur si handicapante qu’elle donne lieu à des comportements d’évitement, selon Jérôme Palazzolo. « La personne va chercher à éviter la situation qui l’angoisse, soit directement (ne plus aller à l’école ou au bureau, par exemple) soit par le biais de solutions inadaptées, comme la consommation d’anxiolytiques ou d’alcool. Certains patients qui me consultent pour alcoolisme réalisent en fait qu’ils boivent pour se donner le courage d’affronter telle ou telle situation anxiogène. »
La phobie sociale concernerait entre 3 et 13 % de la population générale (en fonction des études et de leurs critères), et plus souvent des femmes, selon l'Association américaine de psychiatrie. Bien qu’elle se déclare souvent enfant, elle n’est pas toujours identifiée comme un trouble chronique car elle peut être confondue avec un trait de caractère (timidité, goût pour la solitude…). Elle se décèle notamment grâce à des tests de personnalité, comme l’échelle d'anxiété sociale de Liebowitz ou l’échelle d’affirmation de soi de Rathus, fréquemment utilisés par les thérapeutes pour évaluer l’intensité de la phobie. Un premier pas vers la guérison.
Les méthodes pour se soigner
Les traitements. « Sur le plan biologique, on constate chez la personne phobique une baisse du taux de sérotonine [un des hormones dites du bonheur]. Même si dans ce cas les antidépresseurs restent le traitement de fond, on peut majorer ce taux sans en prendre. Avec notamment des compléments alimentaires à base de L-Tryptophane, un acide aminé qui est le précurseur de la sérotonine au niveau cérébral », assure le psychiatre. Évitez en revanche les anxiolytiques, « qui génèrent une accoutumance ».Les techniques de respiration/relaxation. « Lors d’une crise d’angoisse, les muscles se tendent, le cœur bat vite, la respiration s’accélère... L’objectif premier est donc d’apprendre à détendre les muscles et de ralentir sa respiration », selon Jérôme Palazzolo. On peut tenter d’y parvenir grâce à des techniques de respiration (« cohérence cardiaque, respiration au carré ou ventrale... ») et des méthodes de relaxation « comme le training autogène de Schultz ou la relaxation progressive de Jacobson ». Ceux qui voudraient aller plus loin peuvent s’initier à « l’hypnose, la sophrologie ou encore la méditation de pleine conscience » auprès d’un spécialiste. Choisissez en fonction de ce qui vous convient le mieux, toutes ces techniques « aident à lutter contre l’anxiété ».
La thérapie cognitive et comportementale. La « TCC », une référence pour les thérapeutes, consiste à agir sur le comportement et la cognition, c’est-à-dire les processus de pensée, pour se déconditionner des phobies sociales.
D’une part, le comportement : « L’enjeu est d’apprendre à la personne à "éviter d’éviter", en la confrontant à la situation qui lui pose problème, petit à petit et toujours en collaboration avec elle », selon le psychiatre, auteur de Ma bible des TCC (éd. Leduc, 2021). Comment ? Avec par exemple des jeux de rôles en groupe, où « le regard est bienveillant et le cadre sécurisé » : « Le thérapeute va jouer le phobique, puis le phobique va jouer lui-même, devant les autres, et tout au long de la scène, le thérapeute va renforcer tous les comportements qui sont positifs ».
D’autre part, la cognition : « La TCC consiste à remettre en question toutes les pensées dysfonctionnelles et automatiques qui s’imposent à la personne et qui concrètement ne sont basées sur rien. Ce sont elles qui sont à l’origine du trouble », assure Jérôme Palazzolo. « Vous êtes intimement persuadé que vous allez vous sentir mal quand vous présenterez votre projet demain devant vos collègues ? L’idée est de prendre conscience qu’en réalité, il n’y aucune certitude que cela va se passer comme anticipé. » On peut utiliser notamment un outil appelé la fiche de Beck, qui consiste à remplir un tableau à 4 colonnes : « Situation » dans la première (ce qu’il se passe), « Emotion » dans la deuxième (ce qu’on ressent), « Pensée automatique » dans la troisième (celle qui s’impose à vous : "Je vais me sentir mal") et « Pensée raisonnée » dans la quatrième (celle qui permet de relativiser : "Mais non, je maîtrise mon sujet, j’ai un PowerPoint pour m’aider, etc.").