On en consomme davantage qu’on ne croit. Ingrédient miracle de l’industrie alimentaire, le sucre a aujourd’hui envahi nos assiettes, de l’entrée au dessert. Et ce, sans que le consommateur puisse toujours se douter de sa présence. Qui pourrait en effet deviner que du sucre se dissimule dans des carottes râpées ou une soupe de légumes ? Ou qu’un plat préparé contienne plus de sucre que de sel ? Et pourtant : selon le site Sugar Science créé par des chercheurs américains, pas moins de 74 % des aliments emballés vendus dans les supermarchés contiennent des sucres « ajoutés », c’est-à-dire additionnés au sucre naturel déjà présent dans les produits bruts comme les fruits et légumes, les céréales ou encore le lait.
La raison de ces additifs quasi-systématiques ? Rendre le produit plus savoureux (le sucre est, comme le sel et le gras, un exhausteur de goûts) et ainsi attirer toujours plus d’acheteurs. Car le sucre est addictif – il le serait même davantage que la cocaïne, selon une étude américaine de 2007. Lorsque nous en consommons, les centres du plaisir de notre cerveau s’activent, libérant de la dopamine et procurant ainsi une sensation de bien-être. C’est pourquoi, accros, on y revient toujours. Résultat, la consommation ne cesse d’exploser : un Français adulte ingère en moyenne 35 kg de sucre par an, soit 100 grammes par jour, l’équivalent de six cuillères à café. C’est dix fois plus qu’il y a un siècle, et quatre fois plus que la quantité maximale (hors sucre naturel) recommandée par l’Organisation mondiale de la santé en 2015.
Problème, le sucre est nocif. Consommé en excès, il peut avoir des effets dévastateurs sur l’organisme : obésité, diabète, troubles cardiovasculaires, maladie du foie gras, accélération du vieillissement, perte de cheveux, etc. Véritables ennemis de la santé publique, il semble plus que jamais urgent d’apprendre à traquer ces sucres cachés dans la grande distribution pour les bannir de son assiette.
Décoder le jargon industriel
Mais où se dissimule le sucre ? Les étiquettes ne mentent pas... si tant est qu’on sache les lire. Aujourd’hui, le sucre peut se cacher derrière plus de 50 pseudonymes différents sur les emballages : saccharose, glucose, fructose, lactose (pour les quatre principaux), mais aussi dextrose, sirop de maïs, sorbitol, concentré de jus de fruits, maltitol, galactose, maltodextrine, amidon hydrogéné… Un jargon industriel qui rend la tâche ardue pour le consommateur lambda qui souhaiterait comprendre de quoi il s’agit vraiment : du sucre ajouté. « Pour faire simple, si vous repérez des ingrédients avec le suffixe ‘ose’ ou ‘ol’, il est légitime de se méfier », prévient le médecin nutritionniste Arnaud Cocaul. C’est le cas de la plupart des produits de charcuterie (pour faciliter la conservation), des sauces cuisinées, des yaourts et desserts lactés, des pains de mie ou encore des biscuits.
Mais les ingrédients ne disent pas tout. Les étiquettes nutritionnelles n’indiquent en effet que la quantité totale de sucre contenu dans le produit, sans faire la distinction entre sucres naturels et sucres ajoutés (alors même que les deux ne se valent pas en termes de nutriments). Dans le cas d’un produit naturellement sucré, comme une confiture de fruits, il devient impossible de déterminer la part de « vrai » sucre et de « faux sucre ». Pratique quand on veut entretenir le flou... « Quand il est écrit parmi les ingrédients ‘glucides dont sucres’, avec sucres au pluriel, vous pouvez être sûr qu’il y a du fructose ou du glucose ajoutés », détaille le spécialiste.
Oublier les aliments ultra-transformés
Soupes, chips, sauces, sodas, céréales du petit déjeuner, viandes préparées, glaces, biscuits apéritifs… Ils sont à l’origine de près de 50 % de nos calories journalières et ils sont plein d’ingrédients en « ose » ! Les aliments dits ultra-transformés sont ceux qui passent par de multiples procédés industriels et contiennent au moins un ingrédient dénaturé, comme des additifs, des arômes, des colorants, ou encore des sucres ajoutés comme le sirop de glucose-fructose. En France, 69 % des produits alimentaires disponibles dans les supermarchés sont ultra-transformés, selon une étude nationale de 2021.
Et c’est dans les plats déjà cuisinés, incarnations de la malbouffe contemporaine, « qu’on trouve le plus de sucres ajoutés, très souvent du sirop de glucose-fructose. Ils sont là souvent pour masquer la médiocrité du produit », rappelle Arnaud Cocaul. D’après une enquête révélée par le journal britannique The Telegraph, un plat préparé contiendrait même plus de sucre qu’une canette d’une célèbre marque de cola qui, pour rappel, équivaut déjà à 35 grammes, soit sept morceaux de sucre !
« D’une manière générale, il faut se rapprocher des produits qui sont le moins manufacturés possible. Or les plats préparés, transformés à tous les niveaux, ressemblent davantage à une usine chimique qu’à une préparation culinaire. » Selon le spécialiste, le consommateur doit aussi faire preuve de « bon sens » en faisant ses courses : « Si c’est naturel qu’il y ait du sucre dans un dessert, ça l’est un peu moins dans un chili con carne ou une pizza surgelée… En tout cas pas dans de telles proportions. »
Bannir les édulcorants : gare aux faux sucres !
Sur le papier, les édulcorants seraient meilleurs que le sucre : ils ont le goût du sucre sans en avoir les effets néfastes sur la santé. Sur les paquets de chewing-gum, par exemple, la mention « sans sucres » laisse penser, à tort, qu’on peut les consommer sans modération. Mais de nombreuses études ont démontré que la consommation de ces additifs alimentaires à haute dose pouvait être risquée pour l’organisme. « L’aspartame, par exemple, qui remplace le sucre dans les sodas dits ‘light’, fait le lit du diabète. Il attaque le microbiote intestinal et dérègle toute la flore digestive. A long terme et à haute dose, c’est un poison », explique la diététicienne Corinne Cheval.
Mais si les édulcorants ne sont pas forcément recommandés, c’est aussi parce qu’ils stimulent, du fait de leur nature, l’envie de sucré et augmentent la sensation de faim. Bien que plus sucrants que le sucre, les édulcorants « intenses » comme l’aspartame ont en réalité un apport calorique dérisoire. « En les consommant, notre circuit de la récompense s’active, et notre cerveau va attendre l’apport calorique qui va avec, sauf qu’il ne vient pas. Notre système nerveux, confus, va donc plus que jamais « réclamer » du sucre », détaille la nutritionniste. « A l’exception des fruits, il faut globalement réduire au maximum le goût sucré de notre alimentation. »