« On papote avec son animal et on lui dit les choses de manière la plus simple possible comme si c’était un bébé. Ce sont des échanges basiques et doux qui rassurent tout le monde ». Cette définition très concrète des bienfaits que l'on peut attendre d'un animal de compagnie est donnée par Jean-Yves Gauchet, vétérinaire, créateur de la ronronthérapie et auteur du livre Mon chat et moi, on se soigne (Editions Le Courrier du Livre). En France, dix millions de personnes vivent seules, selon un sondage publié en avril 2020 par le Centre d’Observation de la société. Si c’est un choix pour certains, ce n’est pas le cas de tous et nombre d’entre eux souffrent de n’avoir personne à qui parler le soir, surtout les personnes âgées. La présence d’un animal de compagnie parait alors salvatrice, protectrice du lien social, source de chaleur et de réconfort. Qui n’a jamais vu quelqu’un parler à son animal comme s’il s’agissait d’un enfant ?
Mais, en plus de la compagnie d'un être avec qui on peut « discuter » et chez qui on peut trouver une oreille attentive, l’animal est bien souvent facilitateur de liens avec d’autres humains. « Depuis que j’ai mon chien, les gens me parlent beaucoup plus facilement dans la rue. Quand on se promène avec un petit chiot, on n’est jamais perçu comme une menace », explique Stefan, 35 ans, qui a acheté son animal après le premier confinement. « On t’accoste, tu rencontres d’autres personnes qui ont également des chiens et ils jouent ensemble. Donc même si ce sont des liens qui restent superficiels, ça permet de sociabiliser un minimum », développe le jeune homme qui avoue s’être complètement refermé sur lui-même pendant le premier confinement qu'il a vécu dans une solitude forcée.
D’après une étude menée par des chercheurs britanniques des universités d'York et de Lincoln (Royaume-Uni) et publiée le 25 septembre dernier sur leur portail Internet, pendant le confinement anglais qui a eu lieu du 23 mars au 1er juin 2020, “avoir un animal de compagnie était lié au maintien d'une meilleure santé mentale et à la réduction de la solitude”. Les propriétaires d’animaux interrogés faisaient en effet mention d’un “un soutien considérable”.
Pour Stefan, son chien lui aurait « redonné un rythme de vie perdu ». « J’étais en très mauvaise condition physique et mon chien m’a forcé à sortir coûte que coûte trois fois par jour. Il fallait qu’il prenne l’air, qu’il fasse ses besoins... Devoir m’occuper de lui m’a forcé à sortir de ma bulle et à m’intéresser à un autre être que moi ». Son nouveau compagnon lui a par ailleurs servi de pass pour aller se promener lors des deux périodes de confinement. Ce qui peut expliquer qu’en 2020, la SPA a enregistré 37 667 adoptions, avec un taux de retour de 3,8%, un plus bas historique. Aujourd’hui, la France compterait près de 76,4 millions d’animaux de compagnie.
« On s’est retrouvé enfermés comme nos animaux domestiques et, pour une fois, l’animal avait du pouvoir et donnait le droit à son maître. Pour la première fois, nous vivions la même chose que nos animaux et cela a généré de l’empathie et de la compréhension pour les bêtes, analyse Virginie Megglé, psychanalyste et autrice de Hyperémotifs: Survivre à la tempête intérieure (Editions Broché). Les animaux nous ont enseigné la patience. On a été infantilisés et, en se retrouvant nous-mêmes dans un état d’enfant, on a retrouvé une complicité bien souvent perdue avec l’animal ».
Des animaux pour aider l’enfant à se développer
Mieux, peu de tandem font plus sens que celui enfant/animal. « La présence d’un animal est extrêmement positive pour l’enfant. C’est la découverte de l’autre sans rivalité », explique Virginie Megglé. « Le petit enfant ne peut pas parler. Or, avec les animaux il suffit de peu de mots pour échanger et se sentir compris », poursuit la spécialiste. Par ailleurs, « le silence de l’animal n’est pas inquiétant contrairement à celui des parents ».
Et si l’animal domestique permet aux petits enfants d’avoir un compagnon de jeu rassurant, il aide les plus grands à se responsabiliser. « Quand j’avais 12 ans, je voulais absolument un chien. Ma mère a accepté mais c’était à condition que je le gère complètement. Je devais le sortir tout seul, même quand il pleuvait ou qu’il faisait froid », se souvient Stefan. Et s’il avait dû, à cette époque déjà, ajuster sa vie autour du chien, cela valait le coup au regard de la joie que ce dernier apportait à la famille. « J’ai grandi avec un demi-frère handicapé et l’animal le distrayait énormément. C’était une présence bienvenue pour lui quand nous n’avions plus l’énergie de nous en occuper ».
Car contrairement aux enfants dans la cour de récréation, les animaux ne se moquent pas, ils ne rejettent pas, par exemple, les personnes en situation de handicap et les acceptent comme elles sont. C’est pourquoi, ils sont de plus en plus utilisés pour traiter les petits souffrant de troubles psychomoteurs ou du spectre autistique, notamment via le biais de la thérapie équine. Coralie Rastoll, 28 ans et accompagnatrice d’élèves en situation de handicap a, lors de ses études, travaillé dans différentes structures proposant cette pratique. La jeune femme se souvient de séances particulièrement émouvantes avec des enfants souffrant d’autisme. « On avait crée un lien entre un enfant à un animal qui le suivait tout le temps; à force, le petit a commencé à s’intéresser au cheval, à ses réactions. Ca le questionnait de réaliser qu’un autre être était là et n’avait pas les mêmes besoins ou envies que lui. Mais ça reste un animal donc c’est moins intrusif qu’un autre humain. Contrairement à des parents, il n’attend pas tel ou tel engagement de la part de l’enfant. Il ne demande rien si ce n’est de l’affection brute. Ca permet à celui-ci de l’étudier au calme, sans pression, et de s’en rapprocher de plus en plus. C’est un travail d’habitude qui se poursuit sur des semaines et des semaines : à force de regarder l’animal dans les yeux, au bout d’un moment, l’enfant reproduit ce schéma là avec des parents. ». Et l’AESH d’évoquer avec émotion le souvenir de parents en larmes où leur gamin les avaient regardés dans les yeux pour la tout première fois après une séance.
« On pratique ce genre de séances également avec des adultes atteints de troubles psychiatriques, de psychoses… », développe-t-elle. « On peut imaginer ce genre de thérapie pour toutes sortes de pathologies en fonction desquelles on adaptera les exercices. Mais sans prendre en compte le volet thérapeutique de la pratique, il s’agit avant tout de se faire du bien. Parfois, des patients n’avancent pas particulièrement dans leur guérison mais on les voit sourire, être détendus, et c’est important aussi ».
Des animaux pour apaiser l’anxiété
Car, c’est prouvé, la présence de l’animal relaxe. « Les personnes souffrant d’anxiété ont des points communs avec les enfants dans le sens où elles se sentent perpétuellement insécurisées et ont des difficultés à se faire entendre », témoigne Virginie Megglé. Là encore, l’empathie, le dévouement et la fidélité de l’animal jouent un rôle. « Quelqu’un de très anxieux ne comprend pas le plus souvent pourquoi il ressent cela. Or l’animal ne demande pas d’explications, il l’accepte, et rien que cela, c’est apaisant ».
Il est régulièrement démontré que caresser un animal de compagnie fait baisser les niveaux de cortisol, l’hormone liée au stress. En cette période de pandémie plus que jamais. Pour Jean-Yves Gauchet, passionné de chats, l’un des principaux intérêts du félin est d’ailleurs d’adorer les caresses. « En ce moment, on est privés de contacts physiques. On a plus le droit de se toucher. Or le chat, non seulement permet les caresses mais en veut et en redemande ». Mais pour l’expert, le must de l’apaisement vient du ronronnement. « C’est c’est souvent un son qu’on a entendu pour la première fois quand on était tout petit, blotti contre un chat. Aussi, il nous ramène automatiquement à des souvenirs paisibles, c’est une Madeleine de Proust. Cette association positive poussera notre cerveau à produire de la sérotonine, connue pour ses vertus apaisantes. Mais cela se joue également au niveau de la peau. Il développe : Les ronronnements sont des vibrations. Nous les percevons grâce aux corpuscules de Paccini, des terminaisons nerveuses situées au ras de la peau, qui nous permettent de reconnaître des choses agréables. Quand ils se mettent à vibrer, cela arrive dans une zone cérébrale du plaisir qui produit de l’endorphine, autre hormone du bonheur ».
C’est pourquoi, le vétérinaire recommande aux insomniaques d’écouter des ronronnements de chats en audio. « Mais rien ne vaut un chat sur les genoux, au chaud chez nous, concède-t-il. Ça marche pour calmer à court terme si on le cajole tous les jours pendant un petit quart d’heure... »
Un animal de compagnie serait-il plus efficace que toutes les "pilules du bonheur" ? Oui, mais ! Encore faut-il que le lien avec le maître soit fort. Ainsi le concept du bar à chat -une mode qui tend à se déverlopper- où l’on va avant tout pour boire un verre entre amis n’aurait aucun intérêt thérapeutique. Ce qui ne veut pas pour autant dire que le chat doit appartenir à quelqu’un en particulier pour lui faire du bien. Jean-Yves Gauchet est donc tout à fait favorable à la présence de ces félins domestiques dans les maisons de retraite, tendance qui prend de plus en plus. Comme le rappelle le site Capretraite.com, « les animaux s’invitent d’ailleurs de plus en plus souvent dans les Ehpad à travers la zoothérapie ».
« Ce n’est pas encore généralisé partout car souvent les gérants ont peur que les animaux soient trop contraignants mais les gens en déclin cognitif auraient tout à gagner à être sollicités par des souvenirs via les ronronnements, à partager du lien avec les chats et même pourquoi pas miauler puisque le vieillissement c’est aussi retomber dans l’enfance !», argue Jean-Yves Gauchet.