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L'avis de l'expert

Pourquoi bien respirer est essentiel

Par Floriane Valdayron

Que se passe-t-il réellement dans notre corps lorsque nous respirons ? Dans le premier volet de notre saga dédié à la respiration, Jean-Marie Defossez, coach et titulaire d'un doctorat en physiologie, nous explique qu'elle est encore plus vitale qu'on pourrait le penser.

AntonioGuillem/iStock

- Mieux Vivre Santé : Quelles fonctions la respiration assure-t-elle ?

Jean-Marie Defossez : On respire pour réguler l'arrivée d'oxygène et l'élimination du gaz carbonique dans le sang. C'est primordial puisque l'oxygène permet aux cellules de fournir l'énergie au corps – notamment par l'intermédiaire du cœur, qui assure la circulation. Le gaz carbonique contribue à l'équilibre acide-base du sang, avec l'aide indirecte des reins. Ainsi, la respiration influence l'activité du cœur et des reins. Ce n'est pas tout : le mouvement respiratoire est également le moteur du drainage lymphatique.

Si le système circulatoire a pour fonction de faire circuler principalement les globules rouges, le système lymphatique est un autre système circulatoire qui a plutôt pour charge l'élimination des déchets produits par les cellules. En plus des déchets, le liquide circulant, appelé lymphe, contient les lymphocytes, un type de globules blancs. Le drainage lymphatique doit être activé en permanence, au risque que des escarres apparaissent ou que des membres se remplissent d'eau. Ainsi, dès que la respiration d'une personne change, la manière dont ces "eaux usées" agissent à l'intérieur du corps est altérée.

La respiration a aussi un effet sur les intestins, qui gagnent à être massés en permanence, dans une alternance de compressions et de décompressions, pour prévenir la culture de "mauvaises" bactéries. Enfin, le souffle impacte le psychique. Comme le cerveau observe en permanence la manière dont le corps bouge et quelles sont les coordinations entre ses mouvements, notre façon de respirer détermine le mode dans lequel notre cerveau fonctionne : soit en mode surveillance, d'urgence, soit en mode "longue vie", paisible. Ça marche dans les deux sens, car, quand on est stressé, la respiration se déforme dans un sens particulier. Toutes ces imbrications sont passionnantes !

- Sur quel procédé la respiration repose-t-elle ? 

Le muscle central de la respiration est le diaphragme, situé dans le bas de la cage thoracique. Étant donné qu'il n'a pas de capteur de tension, on ne peut pas sentir s'il est contracté ou non. Concrètement, il a une forme de parapluie : il est constitué d'une sorte d'ombrelle et d'un manche. Pendant l'inspiration, le diaphragme se contracte : l'ombrelle s'aplatit et descend, ce qui augmente le volume interne de la cage thoracique et provoque l'inspiration de l'air dans le thorax. 

L'expiration correspond au mouvement inverse. Le diaphragme se relâche, le manche du parapluie s'allonge et l'ombrelle se convexe, entraînant la réduction du volume dans le thorax et faisant sortir l'air des poumons. Si le diaphragme est le muscle central de la respiration, il est aussi le plus émotif : en cas de stress, quel qu'il soit, il se relâche moins. La personne n'arrive donc plus à vider ses poumons et, à la place, cherche à inspirer toujours plus : elle passe en mode respiration poumons pleins.

- Dans ce cas, comment la respiration est-elle assurée ? 

Par les trois muscles qui travaillent autour du diaphragme. Les plus utilisés sont les muscles sterno-cléido-mastoïdiens, qui permettent de lever la partie supérieure du thorax, c'est-à-dire le sternum. Attachés derrière la base du crâne, ils s'activent quand on est essoufflé ; on le voit au poitrail, qui commence à se lever à chaque inspiration. En fait, ces muscles se mobilisent dans les situations d'urgence, pour remplacer le diaphragme quand il est trop crispé à cause du stress. Sans quoi, on étoufferait. Néanmoins, les muscles sterno-cléido-mastoïdiens sont peu efficaces, très stressants, et n'assurent rien d'intéressant au niveau des fonctions évoquées dans la première question.

Viennent ensuite les muscles situés entre les côtes, qui permettent de déployer la cage thoracique ou de la refermer. Ils sont peu mobilisés dans nos sociétés modernes : le thorax des bébés est grand ouvert, mais, avec le stress et la condition debout, les adultes voient leurs côtes basses se refermer et se figer. Enfin, le périnée, un ensemble de muscles que l'on trouve à l'intérieur du bassin, contribue à la respiration. Il est censé se contracter à chaque fin d'expiration, mais ne le fait que si les poumons sont assez vidés, donc si on n'est pas en état de stress.

- Quels sont ces stress ?

Je pense notamment à l'accumulation de gaz carbonique ou au manque d'oxygène, qui accélèrent le mouvement respiratoire. On peut également évoquer l'excès de sodium, la stagnation lymphatique (qui peut être induite par le fait de rester trois heures assis sur une chaise), le stress oxydatif, et le stress post-traumatique. Quel qu'il soit, le stress modifie directement la respiration. Le problème, c'est que ces changements respiratoires n'ont pas été prévus pour tenir 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

- Comment savoir si l'on subit un stress ?

Il faut essayer de sentir si l'on vit poumons pleins ou poumons vides. Les poumons d'un humain "standard" peuvent contenir 4 à 5 litres d'air, donc, quand on respire sans avoir fait exprès de vider ses poumons, on devrait être capable d'inspirer au moins 2 à 3 litres d'air. Si la respiration d'urgence, c'est-à-dire avec le thorax qui se lève, se met tout de suite en place, cela signifie que l'on était déjà poumons pleins. Dans ce cas, notre respiration est la moins optimale pour notre corps.

En fait, trois critères qualifient une respiration : sa fréquence, le volume que l'on respire et le vidage des poumons. Ce dernier paramètre détermine l'impact des deux autres. Par exemple, respirer très lentement sera toujours plus efficace si l'on travaille poumons vides, puisque le but est de renouveler l'air à l'intérieur. Mais, surtout, pour bien inspirer, il faut apprendre à expirer. Même si on a l'impression d'avoir vidé tout l'air de ses poumons, ils restent encore bien pleins, en réalité, si le diaphragme ne se relâche pas.