ACCUEIL > FÉMININ SANTÉ > Alice, 17 ans : "j'ai peur que tout s'arrête avec la mise en place du pass sanitaire"

Témoignage

Alice, 17 ans : "j'ai peur que tout s'arrête avec la mise en place du pass sanitaire"

Par Floriane Valdayron

Alice a eu 17 ans en 2021. Entre les couvre-feu, une partie des enseignements à distance et la fermeture des bars et restaurants, son année de première a été ponctuée de hauts et de bas. À peine sa liberté retrouvée en juin, avec la fin des cours et la levée des restrictions sanitaires, l'adolescente se retrouve confrontée à la mise en place du pass sanitaire, qui devrait entrer en vigueur le 30 septembre pour les 12-17 ans. Une nouvelle mesure qui l'angoisse et l'épuise psychologiquement, mais qu'elle ne laissera pas empiéter sur sa vie. Elle témoigne.

Vitalii Petrushenko/iStock

"J'ai vécu une année scolaire compliquée. Déjà, par rapport au manque d'organisation des cours : j'ai l'impression que les profs étaient aussi perdus que nous, entre les fermetures et les réouvertures des lycées. Forcément, ça a impacté notre travail, d'autant que les consignes pour le bac de français n'arrêtaient pas de changer. Ma vie sociale en a aussi pris un coup. Comme je finissais juste avant le couvre-feu, je ne pouvais rien faire, je devais rentrer directement à la maison. Heureusement, j'arrivais à voir mes amis le week-end, à les retrouver dans un parc ou chez eux. Certes, les bars et les restaurants me manquaient en tant qu'environnement, mais le pire était les magasins. Même si je n'y achète rien, ça fait partie des sorties dont j'ai vraiment besoin. 

C'est triste de réaliser que toute la spontanéité et la liberté que j'attendais de mon année de première m'ont manqué. Je ne sais pas si l'on peut dire que je guettais avec impatience la fin des restrictions sanitaires, mais j'étais hyper contente à l'idée que la vie "normale" reprenne avec la fin des cours, qu'on passe au moins un bon été, sur l'année scolaire complète. Je me suis sentie levée d'un poids, j'ai retrouvé de l'insouciance en voyant Paris revivre, du plaisir même, devant toute cette animation, cette convivialité retrouvée. Depuis le 9 juin, je me promène beaucoup, dans la rue comme les boutiques, et je fais la fermeture des restaurants et des bars dès que je le peux. Quand on y réfléchit, c'est assez dingue : ça semble révolutionnaire, presque comme si sortir était une innovation, alors que c'est quelque chose que je faisais énormément, avant. À sa manière, notre ancien quotidien a pris un caractère exceptionnel.

"J'ai peur que mon corps réagisse mal" 

J'ai peur que tout s'arrête avec la mise en place du pass sanitaire. On nous prive encore de nos libertés : au final, on n'aura eu que quelques semaines de répit. Ça me stresse. Je me sens plus fatiguée et angoissée que d'habitude : c'est épuisant psychologiquement. Je ne sais pas si ça a un lien, mais j'ai eu un gros problème avec mes jambes, à la fin du mois de juillet. Une nuit, je me suis réveillée et je n'ai pas réussi à les bouger, elles étaient paralysées. C'est passé après quelques heures et il y a sûrement plusieurs explications possibles, mais, au fond, j'ai l'impression que c'était nerveux, comme une sorte de manifestation physique de mon état mental actuel. Puis, c'est vrai que je dérègle mon rythme nocturne en ce moment car je sors beaucoup plus, avec l'inquiétude de nouvelles restrictions et la sensation de devoir profiter maintenant ou jamais. 

Comme l'entrée en vigueur du pass sanitaire pour les 12-17 ans a été décalée au 30 septembre, j'espère que le gouvernement finira par la repousser encore, voire l'annuler, car je n'ai pas du tout envie de recevoir le vaccin. D'abord, parce qu'il n'empêche pas d'attraper le Covid, puis je trouve qu'on n'a pas assez de recul sur sa composition et ses effets secondaires. Aussi, je sais que ça peut paraître anodin, mais tous mes proches se sentaient mal dans la journée qui a suivi les injections ; ça ne me tente pas du tout. J'ai peur que mon corps réagisse mal. Surtout, je n'aime pas l'idée que ce soit obligatoire. Le problème, c'est qu'en parallèle, je n'ai jamais fait de test PCR ou antigénique, et que je ne compte pas m'y mettre. Me faire enfoncer cette tige aussi haut dans le nez… Non, ce n'est pas possible, ça m'angoisse trop.

"Cette situation me révolte et me fatigue à la fois"

Si le pass sanitaire est vraiment mis en place dans les bars et restaurants le 9 août, je sais que je ne pourrai plus y consommer d'alcool. Je pourrai toujours y entrer sans avoir besoin de preuve de vaccin ni de test, en donnant mon âge, mais on verra que je suis mineure… Encore une fois, je suis pénalisée. Cette situation me révolte et me fatigue à la fois. J'ai la sensation que l'on m'a privé de ma liberté d'agir, comme c'est le cas depuis un an et demi. Ça me met en colère, car j'ai l'impression que ce ne sera jamais réglé. Ça m'oppresse, d'être obligée de faire quelque chose uniquement pour avoir droit à une certaine forme de liberté. Je me sens coupée du monde "normal", stressée de ne pas pouvoir faire ce que je veux, angoissée à l'idée de ne jamais retrouver la vie d'avant. Parfois, ça me frappe, je passe une bonne journée et j'y pense. Par exemple, je suis allée au parc Astérix avec mes sœurs il y a peu de temps. L'excitation de l'arrivée sur place est retombée dès que j'ai vu la queue que faisaient les gens pour montrer leur QR code, juste pour pouvoir entrer. 

Quand l'annonce du pass sanitaire est tombée, j'étais dans un bar, avec des amis. Je ne sais pas comment l'expliquer, mais j'ai eu l'impression qu'on me pressait, de manquer de temps. Même si je suis la seule à ne pas vouloir me faire vacciner, on était tous dépités. On s'est dit que c'était un petit peu comme si on nous en remettait une couche. Je suis plus réaliste que pessimiste : à court terme, j'ai conscience que la situation restera instable, que l'on nous imposera sûrement de nouvelles interdictions. En revanche, je pense que dans un an et demi ou deux, tout sera réglé. En attendant, j'arrive à faire assez abstraction pour continuer à sortir et à mener ma vie comme je l'entends. Je vais me contenter d'espérer très fort que le pass sanitaire des 12-17 ans soit encore reporté, et faire de mon mieux pour profiter. On ne me gâchera pas mon adolescence."