- Qu'est-ce que notre "happy job" ?
Laurence Luyé-Tanet* : Ce concept est parti d'un constat : de nos jours, il y a une souffrance au travail, souvent due à une politique d'objectifs, parfois à des problématiques relationnelles… Surtout, beaucoup de personnes travaillent parce qu'elles le doivent, pour avoir un salaire à la fin du mois. Résultat : elles ne sont pas à la bonne place et ne font pas ce qu'elles aiment, ou dans un environnement qui ne leur correspond pas. Pour moi, le happy job permet de s'épanouir et s'exerce dans un contexte qui l'est tout autant. Bien sûr, il peut y avoir des challenges, mais on n'est pas obligé de souffrir pour travailler : je suis convaincue que l'on peut avoir un métier qui nous corresponde, nous rende heureux et pour lequel on est content de se lever le matin.
- Par quelles étapes passer pour le trouver ?
La première est d'admettre que l'on aspire à autre chose. Par exemple, ne pas trop avoir envie de se lever matin est un signal d'alerte. À partir de là, il convient de se demander ce que l'on aimerait faire et comment on voudrait le faire. En somme : "Quel serait mon métier idéal ?". Si l'on n'a pas la réponse à cette question, on peut se faire accompagner, en commençant par un bilan de compétences. Néanmoins, il arrive qu'il se révèle inefficace, car on a tendance à chercher parmi les métiers déjà existants, or il y en a 80% qui n'ont pas encore été inventés.
De fait, si l'on sort un petit peu du moule, on est de retour à la case départ. Auquel cas, il existe des coachs, comme moi, qui aident les personnes à s'extraire de ce que l'on nous répète sur le marché de l'emploi, afin de les accompagner pour trouver quelque chose qui leur corresponde vraiment. Je pense qu'il est beaucoup plus intéressant de se pencher sur nos valeurs, et la manière dont on aurait envie de travailler, en s'appuyant sur nos compétences et notre personnalité.
Cela nous permet de voir ce que l'on peut mettre en place en pensant "out of the box", d'autant que la crise sanitaire et le développement du télétravail ont ouvert le champ des possibles. La covid a notamment fait émerger le fait de pouvoir faire coïncider vie personnelle et professionnelle ; à mon sens, c'est aussi ça, le happy job. Pour le trouver, il est très important de travailler son intelligence émotionnelle, c'est-à-dire la connaissance de soi, de ses forces, de ses faiblesses, pour savoir les exploiter.
- Comment travailler son intelligence émotionnelle ?
C'est un travail personnel, pour lequel il faut s'engager, et qui peut être accompagné. Pendant mes séances de coaching, je commence par un questionnaire qui vise à établir quelles sont les compétences émotionnelles, tant au niveau personnel que social. Le premier point est la conscience de soi émotionnelle, c'est-à-dire la connaissance de ses états intérieurs, de ses préférences, de ses ressources. En somme, elle consiste à savoir reconnaître ses émotions et leurs effets, en passant par une auto-évaluation précise de ses forces, de ses limites et de sa confiance en soi, afin d'être sûr de sa valeur et de ses capacités. La conscience de soi émotionnelle est particulièrement importante au niveau de l'intelligence émotionnelle, en ce qui concerne la compétence sociale, donc sa façon de gérer sa relation aux autres. En effet, elle ne peut s'améliorer qu'à partir du moment où on la connaît.
Par exemple, si l'on est manager et que l'on a de très bonnes aptitudes sociales qui nous permettent de mener une équipe, mais que l'on a du mal à parler en public, on risque d'être en souffrance lors des réunions. À partir du moment où on le sait, on peut travailler dessus. Plus on se connaît, plus on sait ce dont on est capable et ce que l'on a à dépasser, voire à améliorer, dans son travail. Cette base constituée de la conscience de soi émotionnelle et de la compétence sociale permet d'avoir des ressources satisfaisantes pour aller vers un poste auquel on aspire. On a tous des forces et des faiblesses ; on réussit d'autant mieux quand on sait lesquelles.
Par ailleurs, le personnel et le professionnel sont à associer car il s'agit du même individu : nos compétences émotionnelles s'expriment des deux côtés, même si le contexte est différent. La conscience professionnelle, celle de soi, celle de l'autre et la motivation font partie de la compétence personnelle et prennent place dans notre travail. En somme, trouver son happy job passe indubitablement par le fait d'être en accord avec soi-même au niveau personnel et professionnel.
- Y a-t-il un moment plus propice pour chercher son happy job ?
Non, je pense que ce n'est vraiment pas une histoire d'âge, ni de contexte. Aujourd'hui, on véhicule l'idée que l'on a une date de péremption à 40 ans, ce qui est terriblement jeune ! J'ai des exemples qui prouvent que rien n'est impossible, comme une cliente de 56 ans. Après avoir longtemps tenu un commerce, elle a eu envie de s'installer et a envoyé sa candidature à une entreprise avec laquelle elle rêvait d'être en contact, qui est fournisseuse dans son domaine. Le job ne correspondait pas à ce qu'elle souhaitait, mais elle a eu un entretien, a expliqué ce qu'elle voulait faire et a été embauchée comme salariée pour la première fois de sa vie.
Cela montre bien qu'il faut dépoussiérer tout ce que l'on nous répète depuis toujours sur la difficulté du marché : il y a du travail, le tout c'est que ça matche entre l'entreprise et nous, c'est donnant-donnant. Il y a toujours une solution à partir du moment où l'on souhaite évoluer. Ça peut prendre du temps, mais il ne faut pas baisser les bras et ne pas hésiter à être accompagné. Je le vois avec mes coachings : il y a vraiment un avant et un après.
*Laurence Luyé-Tanet a écrit le livre "Entrepreneurs, adoptez la bonne attitude !" à destination des personnes qui souhaitent se mettre à leur compte – ou qui le sont déjà et ont besoin de se réajuster – ainsi que "Ne crains pas que ta vie prenne fin un jour mais plutôt qu'elle n'ait jamais commencé", un ouvrage dont le but est de favoriser une prise de conscience et de permettre la mise en place de changements.