- Mieux Vivre Santé : Après une rupture amoureuse, existe-t-il réellement des étapes indispensables au deuil de la relation ?
Claire Alquier : Oui et non ! Avant tout, il faut garder en tête que chacun le vit à sa manière, on n'est pas forcément obligé de cocher les "grandes" étapes classiques, que l'on a pu lire dans certains magazines. Elles dépendent de la personnalité de chacun, puis du type de rupture : ce ne sera sûrement pas le même processus si elle résulte d'un commun accord, que si l'un quitte l'autre. Ceci étant dit, quel que soit l'ordre, il est possible de traverser une phase de choc si l'on n'est pas à l'origine de la décision, puis de sevrage, avec la séparation physique et le manque inhérent. J'y inclus également tout ce qui tient à l'organisation matérielle, si on cohabitait ensemble, de même que la gestion, si l'on a des enfants. Ensuite, on peut passer par de la tristesse, puis de la colère – ou inversement – avant d'arriver à l'acceptation.
- Quand sait-on que l'on est dans l'acceptation ?
Peut-être lorsque l'on envisage d'autres projets affectifs, ou que l'on n'est plus en boucle sur à quel point on en veut à l'autre. Plus largement, nombres de petits signaux montrent que l'on est dans l'acceptation. Par exemple, se rendre compte que l'on est moins sidéré, que la tristesse est moins forte, que la colère est finalement dépassée, et que l'on parvient à se remémorer les bons moments de la relation – s'il y en a eu et qu'elle n'a pas été trop destructrice. L'acceptation, c'est une forme d'apaisement, une manière de sentir que l'on fait les choses pour soi, que quelque chose se passe dans le présent. Il s'agit de la possibilité d'envisager l'après, de voir que le champ des possibles est ouvert.
- Que ce soit dans les films ou les séries, nombre de théories existent sur le temps qu'il faut pour se remettre d'une séparation… Qu'en pensez-vous ?
Je ne m'aventurerai pas de ce côté ! Le stéréotype que l'on entend souvent, et qui semble être "la norme" est qu'il faudrait la moitié du temps de la relation. En réalité, je pense que cela dépend de la personne, de la manière dont elle est construite, de ses expériences précédentes, de ses failles préexistantes – ou non – du type de relation, et de la manière dont la rupture a eu lieu. Par exemple, une séparation assez apaisée, d'un commun accord, ne veut pas dire que l'on se remettra plus facilement, mais ce sera peut-être un petit peu plus rapide que lorsqu'on se fait quitter du jour au lendemain, sans comprendre pourquoi.
Par ailleurs, si des personnes reviennent sur des histoires qui les ont marquées il y a huit ans, l'idée n'est pas de les montrer du doigt et de dire qu'elles sont extrêmement lentes. Il faut considérer qu'il y a manifestement des points qui n'ont pas été dépassés et sur lesquels il faut travailler pour avancer.
- À quoi la difficulté de passer à autre chose est-elle liée ?
En plus des éléments précédemment mentionnés, je pense que le fait que des valeurs importantes aient été bafouées joue, de même que le facteur interpersonnel : peut-être que la huitième rupture est plus compliquée à vivre que la première, car il y a une forme d'accumulation. Puis, ne pas en parler ou ne pas être accompagné peut contribuer à mettre du temps à passer à autre chose. Aussi, je suis convaincue que le contexte multifactoriel, que ce soit l'environnement proche, socioprofessionnel ou affectif, tient un rôle important. Par exemple, être bien entouré et avoir des projet un petit peu stimulants peut aider.
- Quelles sont les clés pour gérer au mieux sa rupture ?
Pour moi, cela passe par s'entourer des bonnes personnes. Puis, il ne faut pas hésiter à se faire aider par des thérapeutes au sens le plus large : de la sophrologie à la méditation, en passant par la psychologie et la sexologie. Afin de réparer ce qui a pu être altéré par la rupture, je préconise également de travailler son épanouissement. Cela peut passer par toutes sortes d'activités, par l'exercice physique, artistique, ou le fait d'avoir des projets de vie, aussi bien professionnels, personnels, qu'affectifs… La question matérielle est aussi très importante : si on décohabite, réinvestir un lieu et se sentir à nouveau chez soi aide.
Enfin, l'idée n'est pas de dire que l'on doit cocher toutes les cases pour aller plus vite, mais qu'il vaut mieux s'écouter, accepter son propre rythme. On a le droit d'être en colère, triste et dévasté pendant un temps, et de l'exprimer. Ce qui compte, c'est de ne pas en faire un temps indéfini non plus, car le risque serait de s'enfermer.
- Que recommandez-vous aux proches de la personne concernée ?
Je pense qu'il ne faut pas s'improviser sauveur. Je recommande évidemment d'être présent et à l'écoute, d'accompagner physiquement et verbalement, mais de ne pas forcément chercher à donner une bonne manière de faire, ni des milliers de conseils. On peut notamment faire des activités, sortir avec la personne, lui donner le contact de professionnels, si besoin. C'est toujours compliqué de trouver une place juste quand il y a de l'affect, mais c'est important de ne pas trop s'impliquer car le processus de chacun entre en jeu.