La pandémie avec laquelle nous devons composer depuis le début de l'année 2020 a bouleversé nos habitudes dans nombre de domaines, parmi lesquels figure l'alimentation. En l'espace de plusieurs mois, notre rapport à elle n'a cessé d'évoluer. "Le premier confinement a été l'occasion de retourner en cuisine, note Hélène Lemaire, diététicienne nutritionniste. Globalement, mes patients ont trouvé beaucoup de plaisir dans la confection de pains, de brioches, de gâteaux, et de plats maison". Entre l'émergence du concept de "visio-apéro" et la préparation de desserts en hausse, les Français ont pris en moyenne 2,5 kilos durant le premier confinement, selon un sondage Ifop paru en mai 2020.
"Ce sont des kilos de bonheur, de convivialité à distance, de bonne chère", estime l'auteure de Maigrir sain sans faire de régime. En revanche, la tendance s'est inversée lors du confinement de novembre : ses patients n'ont "pas du tout" cuisiné. "Ils se sont tournés vers de la nourriture plus industrielle", regrette l'experte, en évoquant une prise de poids "de morosité", cette fois, et des fortes compulsions sur le chocolat, notamment. En cause : un moral en berne dû à la crise sanitaire et une déprime ambiante liée aux conditions climatiques, du raccourcissement des journées à l'absence de soleil.
"J'ai toujours considéré la nourriture comme un plaisir"
"Nous sommes dans une période anxiogène : l'alimentation est une réponse simple, un plaisir que l'on a à notre disposition, puisque beaucoup d'autres n'existent plus ou sont très réduits", explique Cécile Bétry, médecin endocrinologue spécialisée en nutrition et docteure en neurosciences. Épidémie mondiale ou non, une enquête menée en janvier 2018 par Harris Interactive montre que lorsqu’ils se sentent tristes, 82% des Français trouvent du réconfort dans les plats et aliments qu’ils apprécient.
Cette manière quelque peu immédiate de se consoler porte un nom : la "comfort food", un anglicisme parfois traduit par "nourriture réconfortante" ou "alimentation câlin". Selon le chercheur britannique Charles Spence, membre du département de psychologie cognitive à l'université d'Oxford, il est possible de retracer la première apparition de ce terme à l'année 1966, au moins. L'article qu'il cite, publié par le quotidien régional américain The Palm Beach Post, stipule : "Les adultes, quand ils sont soumis à un stress émotionnel important, se tournent vers ce que l'on pourrait qualifier de 'comfort food'".
Si l'on trouve du réconfort dans la nourriture, c'est parce que l'alimentation ne relève pas uniquement d'un besoin vital. Il s'agit d'un plaisir à part entière, que l'on doit à la conjugaison de divers mécanismes, tant sur le plan physiologique que psychologique. "J'ai toujours considéré la nourriture comme un plaisir, voire un loisir. Par exemple, en vacances, je prévois systématiquement un budget restaurants conséquent, plus élevé que celui alloué au logement, témoigne Caroline, 27 ans. J'y attache également beaucoup d'importance au quotidien. Il m'arrive de réfléchir à l'avance à mes repas, car cela me procure un double plaisir : avant et pendant".
Un plaisir tant psychologique que physiologique
Visualiser son assiette au préalable, partager un repas convivial avec des proches, dîner devant un bon film… L'association psychologique de la nourriture au plaisir est propre à tout un chacun. En revanche, d'un point de vue physiologique, il est difficile de se passer de la médiation du circuit de la récompense, qui nous vient de notre première expérience de l'alimentation. "Un nouveau-né n'a que les récepteurs du sucre dans la bouche, précise David Khayat, oncologue et professeur de cancérologie. La première fois qu'il goutte au lait maternel, très sucré, il ressent du plaisir, car il est contre sa mère, enveloppé de chaleur, et se remplit l'estomac".
C'est à ce moment que se développent les mécanismes du circuit de la récompense. À travers l'activation de ses récepteurs, nous rechercherons tout au long de notre vie cette satisfaction, qui tient du bonheur, de la joie. "Ils permettent d'allier nourriture et plaisir, détaille Cécile Bétry. Heureusement, car, sans cette motivation, nous pourrions nous laisser mourir de faim". En passant dans le sang, les nutriments favorisent une augmentation du sucre, ce qui peut avoir des effets au niveau cérébral. "C'est une régulation très complexe, reprend la docteure en neurosciences. Mais, in fine, cela stimule certaines zones du cerveau. La libération de neurotransmetteurs est ensuite impliquée dans le fonctionnement du plaisir que l'on va ressentir".
Derrière l'envie de nourriture, le cerveau reptilien
En parallèle, lorsqu'il s'agit de recourir à la nourriture pour réduire son stress, des considérations neurobiologiques entrent en jeu. "L'humain possède trois cerveaux, expose David Khayat. Le premier, le reptilien, est le plus archaïque. Il n'a qu'un objectif : faire survivre les gènes de celui qui le porte". Pour parvenir à ses fins, il répond à deux préoccupations : manger et se reproduire. "C'est lui qui conduit à la boulimie et au viol, poursuit l'auteur du livre Arrêtez de vous priver !. Là-dessus, on ajoute le deuxième cerveau : le limbique, qui est le siège de la mémoire, des expériences". Vient ensuite le troisième cerveau, le néocortex, qui a trait à l'éducation, à la morale.
"Pour simplifier, le reptilien ordonne de manger. Le limbique lui répond : 'Mais je risque d'être malade et de grossir', tandis que le néocortex lui intime que ce n'est pas bien d'être gros et de trop manger, résume le professeur. Le cerveau le plus puissant des trois est toujours le premier". En somme, il dicte l'envie de nourriture. "Cela mène à ce que l'on mange éventuellement trop pour calmer un certain nombre d'instincts et de besoins", conclut David Khayat.
Le sucré, plébiscité comme saveur réconfortante
Si la manière de satisfaire ses compulsions alimentaires varie d'une personne à l'autre selon son genre, son âge et son pays d'origine, des grandes tendances se dessinent. "Souvent, la comfort food est grasse, sucrée, capable de stimuler des zones du plaisir au niveau du cerveau", indique Cécile Bétry. Le sucré serait particulièrement réconfortant : 56% des Français disent que c'est vers lui qu'ils se tournent. Justine, 26 ans, en fait partie. "L'un de mes aliments réconfortants favoris est le gâteau au chocolat servi avec de la crème anglaise, confie la communicante. C'est peut-être le coté 'rapide' qui joue : contrairement à un plat sur lequel j'ai l'impression de travailler davantage, je ne fais pas grand chose et j'en profite plus".
En réalité, il existe quatre saveurs dites "fondamentales" : le sucré, donc, mais également le salé, l'amer, et l'acide. "En fonction de ses goûts, on apprécie certaines saveurs plus que d'autres, rapporte Hélène Lemaire. Mais, face au besoin de réconfort, on a tous tendance à se diriger vers le sucré, car le liquide amniotique dans lequel nous baignons en étant fœtus l'est légèrement. Ainsi, pour nous consoler, on a inconsciemment envie d'entrer à nouveau dans notre cocon".
Des plats qui "calent" pour ressentir le plaisir du remplissage
Interrogés sur le salé, 87% des Français décrivent leur plat réconfortant comme étant coloré, 86% éprouvent le besoin qu'il soit chaud et 70% le préfèrent simple. La pizza arrive en tête, avec 34% d'adeptes, contre 28% pour le hamburger et les frites, et 25% pour les pâtes à la carbonara. Une popularité qu'ils doivent tous à leur forte part énergétique, source du plaisir dit "de remplissage".
"Afin de se réconforter avec du salé, on a besoin d'un bon plat qui cale vraiment, qui nous remplit, développe Hélène Lemaire. Avec la sensation physique de l'estomac plein, on réfléchit moins". Souvent, en consultation, ses patients lui disent avoir l'impression que manger coupe leurs pensées incessantes, leur charge mentale. "La nourriture réconfortante, c'est celle qui nous remplit émotionnellement de bons souvenirs, reprend la diététicienne nutritionniste. Il s'agit généralement des plats que cuisinaient nos parents, nos grands-parents".
"Une période à risque par rapport à l'alimentation"
Recourir à la comfort food n'a rien de pathologique, quelle que soit la forme qu'elle revêt. "C'est normal de traverser des périodes où on en a besoin. Tant que le remplissage est ponctuel et que l'on attend d'avoir faim pour le prochain repas, ce n'est pas grave, assure Hélène Lemaire. Le problème, c'est quand on se réconforte ainsi tous les jours". Effectivement, en devenant la seule cause de plaisir au quotidien, la nourriture peut entraîner des prises de poids parfois importantes. Surtout, elle peut mener à une dérégulation.
"Avec le stress, certains de mes patients ont développé, voire aggravé, des troubles du comportement alimentaire, remarque Cécile Bétry, en invoquant également l'impact de la diminution de l'activité physique, liée aux restrictions sanitaires. Nous sommes dans une période à risque par rapport à l'alimentation". Le problème vient des produits très gras, très sucrés, ou ultra-transformés, qui stimulent fortement les zones de plaisir du cerveau, à la manière de certaines drogues. "Ça peut les déréguler : on aura besoin de chercher plus de quantité et des aliments encore plus gras, plus sucrés, pour les stimuler et obtenir du plaisir en mangeant", détaille la docteure en neurosciences.
Distinguer plaisir instantané et bonheur
Ce phénomène illustre les limites de l'aspect réconfortant de la nourriture, puisque le plaisir dont il est vecteur est instantané, passager. Ainsi, que l'on ne se méprenne pas, la comfort food ne rend pas foncièrement heureux. "Prendre du plaisir en mangeant ou partager un bon repas contribue probablement à l'épanouissement de l'être humain, concède Cécile Bétry. Mais la dérégulation du plaisir alimentaire est source de souffrance".
Même sans être dérégulé, se réconforter avec de la nourriture peut susciter l'effet inverse de celui escompté. Injonctions à la minceur, prédominance du mouvement "healthy" – comprendre "sain" – pullulement des régimes hypocaloriques… Autant d'éléments contextuels qui poussent au sentiment de culpabilité. "La comfort food rend heureux à partir du moment ou l'on ne culpabilise pas", affirme Hélène Lemaire. "Dans ce cas, elle va nous rendre malheureux, et ce, même du bonheur que l'on en a tiré", surenchérit David Khayat.
"Deux heures après, je me sens beaucoup moins bien"
C'est le constat dressé par Justine. Atteinte de troubles du comportement alimentaire en 2017, elle s'était alors mise à la cuisine, "obligée" de peser tout ce qu'elle ingérait. "Maintenant, je ne pèse plus, mais je cuisine toujours, se réjouit-elle. Pour moi, la nourriture est vraiment redevenue un plaisir". Si elle estime qu'elle se trouve dans la moyenne de l'alimentation saine, elle reconnaît "faire un petit peu attention" à ce qu'elle mange, sans vouloir "tomber du côté régime" pour autant.
En parallèle des plats qu'elle qualifie de "réconfortants", comme une grosse assiette de pâtes dans laquelle elle ne fera pas attention à la quantité de crème ou de pesto, ni de fromage râpé, et qu'elle consommera environ deux fois par semaine, la communicante a ce qu'elle appelle des "craquages". Il s'agit de l'envie de passer commande sur une plateforme de livraison. "Comme ce n'est pas moi qui cuisine, je ne connais pas le gras qu'il y a dans les plats, précise Justine. Environ une fois par mois, je fais une fixette pizza. Sur le coup, je me dis : 'Bon, j'en ai vraiment envie, mais je ne vais peut-être pas en manger ce soir'".
Au bout de deux, trois, quatre jours, la vingtenaire finit par "craquer". En mangeant la pizza, elle dit éprouver l'effet réconfortant recherché, se sentir mieux psychologiquement, être "contente". "Mais, deux heures après, je me sens beaucoup moins bien parce que je culpabilise, je regrette un petit peu", déplore-t-elle. Cela a un nom : le trouble du réconfort. Il concerne les personnes qui ont tendance à se surveiller, puisqu'elles culpabilisent une fois qu'elles réalisent qu'elles ont trop mangé, ou mangé sans avoir faim.
De l'importance de déculpabiliser le recours à la comfort food
"C'est tout le principe de la restriction cognitive, explique Hélène Lemaire. On veut être dans le contrôle total, et, quand on le perd, on se dit : 'Foutu pour foutu, j'y vais', ce qui provoque un fort sentiment de culpabilité". In fine, on ressent à nouveau une émotion négative. "Le phénomène de culpabilisation entraîne du stress et une dégradation de l'image de soi, expose David Khayat. À cela s'ajoute la pensée hygiéniste prédominante, qui véhicule l'idée que l'on ne respecte pas notre corps si l'on cède, que l'on manque de volonté, que l'on est faible".
Les deux experts sont catégoriques : il est impératif de déculpabiliser le recours à la comfort food. Hélène Lemaire prend l'exemple de patients qui, sujets à des difficultés personnelles, ont mangé en conséquence pendant le premier reconfinement. "Je leur ai dit : 'Certes, vous avez des kilos en trop, mais vous n'êtes pas déprimés', se remémore la diététicienne nutritionniste. Même si le plaisir est pénalisant coté poids, il nous permet de passer les coups durs".
Pour David Khayat, il faut relativiser : ce n'est pas parce que l'on mange des frites ou une tablette de chocolat qu'il y a mort d'homme. "Il ne s'agit pas de conseiller de le faire tous les jours et à tous les repas, nuance le professionnel de santé. Tout est à l'équilibre sur le temps". L'oncologue recommande de répartir sa prise calorique sur 24 ou 36 heures, avec une diète hydrique, par exemple. "Vous en avez envie, il y a une pulsion envoyée par le cerveau reptilien pour avaler cette religieuse au chocolat, et vous n'arriverez pas à la contrôler indéfiniment, assure-t-il. Vous pouvez la maîtriser pendant un certain temps, mais elle vaincra : vous la mangerez cette religieuse au chocolat, un jour au l'autre".
"J'ai 'acté' que j'aimais la nourriture plutôt calorique"
S'écouter, accepter qu'il est important de se faire plaisir, être indulgent envers soi-même. Progressivement, c'est ce que Caroline a appris à faire. "Mon plaisir alimentaire passe presque quotidiennement par des plats réconfortants, énergétiques, riches en glucides, souvent agrémentés de fromage fondu, reconnaît la directrice artistique. Je n'ai pas envie de me priver". En parallèle, la vingtenaire tente de trouver un équilibre. Elle prend le temps de déguster le contenu de son assiette et s'astreint à des petites bouchées, afin d'arriver à satiété plus tôt et de s'en tenir à des portions adultes "normales". "Sinon, je pourrais ingérer des quantités astronomiques", confie-t-elle.
Par ailleurs, elle ne mange que lorsqu'elle a faim et ne grignote pas entre les repas. "Si vraiment j'ai une fringale dans l'après-midi, je prends une compote, ou de la faisselle avec de la confiture, et une tisane, par exemple, reprend Caroline. Cela m'apporte le côté sucré qui me fait envie, et ce n'est pas trop dommageable pour mon corps".
Elle dit avoir conscience que ses habitudes alimentaires ne sont pas "saines à proprement parler", mais ne laisse pas ce constat entraver son plaisir. "Je ne me sens jamais coupable, peu importe ce que je mange, affirme la jeune femme. Comme j'ai 'acté' que j'aimais la nourriture plutôt calorique, je n'éprouve pas de besoin de contrôle à ce niveau. Par contre, je pratique une activité sportive régulière en parallèle pour garder la ligne".
Des prédispositions à la dérégulation du comportement alimentaire
Ne pas abuser de la comfort food semble être la réponse aux dérives qu'elle peut engendrer. Du moins, en théorie. "En pratique, nous ne sommes pas tous à égalité face au plaisir alimentaire, tempère Cécile Bétry. Pour diverses raisons, certaines personnes entrent dans le cercle vicieux de la dérégulation". La docteure en neurosciences évoque l'existence de prédispositions, génétiques comme environnementales. "Par exemple, les enfants nourris aux produits ultra-transformés seront plus à risque de voir leur comportement alimentaire se transformer", illustre-t-elle. En cause : la tendance de ces aliments à modifier les zones du plaisir.
"De manière un petit peu schématique, les produits très gras et sucrés, donc, par définition caloriques, sont 'faciles' en termes de plaisir alimentaire, poursuit la médecin endocrinologue. Ils provoquent un effet 'shoot' au niveau cérébral. C'est pour cela que l'industrie agroalimentaire les plébiscite". Les jeunes y sont particulièrement sensibles : 64% des 18-34 ans interrogés par Harris Interactive en 2018 répondaient qu'un plat réconfortant devait être calorique, contre 27% chez les plus de 55 ans.
Leurrer son cerveau par l'éducation nutritionnelle
Néanmoins, il semble possible de "leurrer" son cerveau. "La régulation du comportement alimentaire est très complexe, souligne Cécile Bétry. On découvre de plus en plus de zones et d'hormones impliquées. Par exemple, on sait désormais que l'odorat joue un rôle important dans le plaisir alimentaire, et que les zones du cortex, qui ont trait à notre intelligence, peuvent être stimulées par l'alimentation". Ainsi, il existe une dimension cognitive dans le plaisir alimentaire, qui tient davantage de l'apprentissage que de l'inné. Cela relève de la dégustation, qui consiste à goûter un aliment pour en apprécier la saveur, les qualités.
Par conséquent, des produits plus subtils, qui ne possèdent pas nécessairement une forte densité énergétique, peuvent également être source de plaisir. "Cela suppose une éducation nutritionnelle autour de ces aliments, reprend la docteure en neurosciences. Il est aussi nécessaire que les acteurs de l'agroalimentaire les proposent". De la même manière, il est possible de se réconforter en faisant fi du plaisir de remplissage. "Cela passe par la pleine conscience, martèle Hélène Lemaire. Que l'on ait faim ou non, si l'on mange systématiquement en savourant, on mangera moins que si l'on ne se concentre pas sur ce que l'on a dans son assiette".
"Le secret, c'est de cuisiner"
Tirer du réconfort d'un plat sans qu'il soit calorique sous-tend qu'il soit bon, satisfaisant. "Parfois, je remplace une grosse assiette de pâtes par des tagliatelles de courgettes, témoigne Justine. Elles en ont l'apparence, mais il n'y a pas de glucides. J'ajoute du parmesan pour le goût, puis beaucoup d'épices et d'aromates, parce que ce sont eux qui font tout le plat. Le secret, c'est de cuisiner". Un avis partagé par Hélène Lemaire. "Une des stratégies que je donne à mes patients pour qu'ils gèrent leurs compulsions est de préparer des gâteaux maison", livre la diététicienne nutritionniste.
Non seulement on choisit une recette qui nous fait envie, mais on peut en diminuer le sucre, et remplacer le "mauvais gras" des produits industriels par du beurre ou de l'huile. En partant de ce principe, les possibilités sont infinies. De la pâte à pancakes préparée avec de la banane au gâteau au chocolat réalisé à partir de courgettes, Justine a recours à divers substituts pour diminuer la quantité de farine de ses desserts, et, ainsi, de glucides. "Cela ne change rien au niveau du goût et la consistance est la même, assure-t-elle. Puis, j'ai quand même le côté réconfort, le plaisir de manger un bon gâteau".
Un phénomène sociétal à part entière
Par ailleurs, cuisiner évite de céder à l'appel du remplissage. "Comme on y a passé du temps, on a beaucoup plus de respect pour ce que l'on a fait, et, généralement, on se dit qu'on ne peut pas le manger en une fois", constate Hélène Lemaire. Quelle solution si l'on n'aime pas se mettre derrière les fourneaux ? "Il faut y aller progressivement, conseille la diététicienne nutritionniste. Pour ne pas se décourager, il vaut mieux commencer par des préparations qui ne nécessitent que trois ou quatre ingrédients, comme le quatre-quarts".
Trouver des recettes simples et gourmandes est de plus en plus aisé sur Internet, notamment sur les réseaux sociaux. Le format d'Instagram, par exemple, se prête particulièrement à l'exercice. Peu à peu, les recettes "réconfortantes" y côtoient les "saines". À leur image, le prépondérant hashtag #healthyfood, qui compte 91 millions de publications, compose désormais avec celui intitulé #comfortfood et les 8,6 millions de photographies qui y sont associées. Car, de notion émergeante, la comfort food se mue progressivement en véritable phénomène sociétal.
"Elle existe en réaction à la pensée dominante hygiéniste, estime David Khayat. Le seul fait de l'appeler 'nourriture réconfortante' vise à la différencier du reste de l'alimentation, parce qu'elle n'est pas considérée comme étant saine". Plutôt qu'opposer ces deux courants, pourquoi ne pourraient-ils pas cohabiter harmonieusement ? Trouver un équilibre alimentaire, répartir sa prise calorique, éduquer ses sens, cuisiner… Autant de pistes qui montrent que la recherche du plaisir instantané n'est pas incompatible avec le respect de son corps. Dans une période plus qu'incertaine, favorisant l'anxiété et la déprime collective, toute forme de bonheur est bonne à prendre, aussi fugace soit-il. Alors, à vos couverts !