Développer sa capacité à vivre l’instant présent, sans jugement : voici la promesse ultime de la pleine conscience. Une pleine conscience, ou mindfulness en anglais comme on l’appelle souvent, qui est aujourd’hui vendue à toute les sauces. Mais avant d’envoyer balader la dernière trouvaille en date de la pop culture, vous feriez mieux d’y penser à deux fois.
Posons-nous un instant pour tenter de définir une notion qui paraît souvent lointaine. “Il y a beaucoup de définitions diverses et variées qui existent. Selon moi, la pleine conscience fait référence à notre capacité à faire attention à ce qui se passe à un instant T, sans jugement. Cela peut paraître assez abstrait, mais il s’agit d’être présent, de prendre conscience de notre réalité et de l’accepter”, détaille Daron Larson, coach en mindfulness.
Et si pratiquer la pleine conscience, c’est apprendre à faire davantage attention, concrètement à quoi ça sert, vous demandez-vous ? S’agit-il d’une dernière mode obscure et sans intérêt ou d’un véritable art de vivre ?
La réponse est simple, n’en déplaise aux sceptiques, la pleine conscience n’est pas une sombre fumisterie, mais une pratique qui, mise en place quotidiennement, peut profondément améliorer notre quotidien et même… notre cerveau.
Une gymnastique du cerveau
Oui, vous avez bien lu, notre cerveau ! Ce n’est pas une blague, ni une publicité mensongère. Pratiquée fréquemment, la pleine conscience occasionne une série de changements dans le cerveau.
Ces changements, le neurologue belge Steven Laureys les a observés en étudiant le cerveau du célèbre moine bouddhiste Matthieu Ricard. Surprise, ou pas, son cerveau diverge largement de celui d’un individu qui n’aurait jamais pratiqué la méditation. Avec 60 000 heures de méditation à son compteur, son cerveau est effectivement construit différemment : “Le cortex singulier intérieur (l’attention), l’hippocampe (la mémoire), l’insula (permet d’apprécier les signaux venant de notre propre corps) et le cortex préfrontale gauche (contrôle des émotions) sont chez lui plus développés”, explique le professeur Laureys.
Et ce n’est pas tout, ajoute le spécialiste belge : “Mathieu Ricard a plus de connexions entre l'hémisphère gauche et l'hémisphère droit de son cerveau. Chez lui, les systèmes canaux qui assurent la connexion entre les deux hémisphères est plus développé, or un cerveau mieux connecté est plus efficace dans toute une série de fonctions exécutives”.
Toujours pas convaincu ? Alors tenez-vous bien, il n’y a pas que le volume de matière grise qui est plus important chez ce champion olympique de la méditation, son métabolisme est aussi différent. “On a analysé au scanner les effets d'une injection de sucre : à plus de 70 ans son activité métabolique et sa consommation d’énergie devraient être diminuées mais grâce à la méditation son activité métabolique est plus rapide”, explique Steven Laureys.
Une amélioration de notre quotidien
Et si la pratique de la méditation a permis au cerveau de Matthieu Ricard de rajeunir de quinze ans, il “n’est pas nécessaire d’être un moine bouddhiste” pour profiter de ses bienfaits, plaisante le neurologue belge. Des propos confirmés par Sam Chase, spécialiste de la pleine conscience. “Dès les premières minutes de pratique on remarque des petits changements comme par exemple un changement d’humeur, mais c’est réellement à partir de huit semaines que les effets se ressentent non seulement sur notre attitude mais aussi d’un point de vue neurologique”, précise l’expert américain.
Les bienfaits neurologiques nous les avons déjà évoqués donc concrètement, dans la vie de tous les jours, qu’est-ce que peut nous apporter la pleine conscience ? Les recherches scientifiques sur ce sujet sont vastes. Mais, Sam Chase souligne que les adeptes du mindfulness “développent généralement une meilleure connaissance et compréhension d’eux-mêmes et de ce qui passe dans leur corps ; ils parviennent à mieux réguler leurs émotions, leurs pensées et leur attitude ; leurs capacités d’attention sont décuplées et enfin leur niveau de stress décroît". Dis plus simplement, la pleine conscience rajeunit notre cerveau et nous permet d’être plus calme, de mieux dormir, et même dans certains cas de réduire nos éventuelles douleurs chroniques.
Promesse illusoire ou vrai remède ?
Encore un remède magique, vous moquez-vous ? Non, aucune magie ici. Aucun expert digne de ce nom ne propose de remplacer la médecine traditionnelle par une seule pratique de la méditation, mais plutôt d’allier les deux pour de meilleurs résultats. Steven Laureys, par exemple, reçoit de nombreux patients qui souffrent de troubles du sommeil, de dépression ou de douleurs diverses et variées et souvent, en plus des traitements et autres méthodes traditionnelles, il leur fait découvrir la pleine conscience. Résultat, ses patients se sentent souvent mieux, plus rapidement et s’étonnent de ne pas avoir essayé la méditation plus tôt !
Même constat, du côté de Daron Larson et Sam Chase. S’ils confient que leurs clients viennent le plus souvent les voir pour des problèmes de gestion du stress, après plusieurs séances, leur anxiété diminue considérablement. Sherri Saines, une patiente de Larson, relate en ces termes son expérience de la pleine conscience sur le site internet du coach : “J’ai appris davantage sur la manière de gérer mes angoisses quotidiennes en trois mois qu’au cours des soixante dernières années. J’ai surmonté ma première semaine d’école sans avoir une seule migraine induite par le stress, ce qui serait une vraie réussite pour n’importe quel médicament”.
A lire les dizaines de messages similaires à celui de Sherri postés sur le site internet du spécialiste, cela ne fait plus de doute : la pleine conscience peut vraiment être un atout au quotidien. Un atout simple qui plus est, puisque sa pratique ne requiert pas forcément de faire appel à un spécialiste. Il est peut être utile pour apprendre à dominer la pratique, mais n’est pas, comme le pointe Sam Chase, obligatoire. L’important est de prendre le temps de se poser quotidiennement.
Une pratique simple et intuitive
Mais trève de blabla, à quoi ressemble réellement un exercice de pleine conscience vous demandez-vous ? C’est simple, la pleine conscience peut être pratiquée à tout moment de la journée et ne requiert pas forcément que l’on médite. Laissons, sur ce point, la parole à Daron Larson : “Il existe deux manières de pratiquer la pleine conscience, de façon formelle ou informelle. La pratique formelle, c’est la méditation ; la pratique informelle c’est simplement le fait de prendre le temps de remarquer certains détails que l’on aurait habituellement tendance à ignorer comme un bruit de fond ou l’eau qui coule sur notre corps lorsque l’on prend notre douche”.
En d’autres termes : c’est un exercice à la portée de tous et qui, contrairement à ce que l’on peut penser lorsque l’on est novice, ne peut pas mal faire. Là encore le coach simplifie le concept : “C’est un peu comme faire des pompes pour la première fois : au début on trouve ça difficile, on a l’impression de mal le faire mais si on répète régulièrement l’exercice, on gagne en muscle et il devient plus facile. C’est pareil avec la pleine conscience”.
“Les bienfaits de la pratique n'apparaîtront peut-être pas tout de suite, mais avec le temps ils deviendront évidents”, ajoute l’expert. En clair, après plusieurs mois d’exercice vous arriverez à profiter davantage de l’instant présent, vous aurez moins de difficulté à supporter les moments difficiles et votre relation avec les autres s’améliorera.
Attrayant non ? Oui, mais attention quand même : tout aussi simple et attractive l’idée soit-elle, il y a tout de même un risque : celui de vouloir pratiquer toujours plus, d’augmenter constamment le temps que l’on accorde à la pleine conscience en espérant que ses effets en seraient décuplés.
Or, comme le souligne Same Chase, la pleine conscience c’est un peu comme un médicament : “Si vous avez mal à la tête et prenez un doliprane, la prochaine fois vous n’en prendrez pas vingt au cas où”. Ici c’est la même chose, à vouloir trop pratiquer on peut récolter les effets inverses.
En outre, poursuit l’expert : “Ces dernières années, des études scientifiques ont montré que, mal pratiquée, la pleine conscience pouvait donner lieu à des effets indésirables. En effet, la plupart du temps elle ne peut être que bénéfique mais si l’on en fait trop, les effets peuvent être inversés. Par exemple, la pleine conscience peut m’aider à prendre conscience de choses auxquelles je ne faisais généralement pas attention, mais si je pratique l’exercice trop souvent ça peut devenir trop dur à supporter”. En somme, pas de miracle ici non plus, comme pour tout, la pleine conscience est une question de juste mesure !