Depuis quelques années, le jeûne a rejoint la longue liste des régimes à la mode. Certains pratiquent le jeûne intermittent et mangent leur troisième repas très tôt le soir afin de laisser plus de temps à la digestion ; d’autres ne mangent qu’un ou deux repas par jour ; et enfin, une troisième catégorie d’individus, ne mangent pas ou très peu pendant quelques jours histoire de “purger leur organisme”.
Si tous les types de jeûnes ne sont pas forcément à mettre dans le même panier, la nutritionniste Béatrice de Reynal, met en garde contre son modèle le plus extrême, celui qui voudrait que l’on arrête de se nourrir pendant un ou plusieurs jours : “On dit beaucoup de bêtises sur le jeûnes. Lorsque l’on nettoie une chaudière, l’arrêter ne suffit pas à la rendre propre. C’est le même principe avec le jeûne : vous manger moins donc cela allège le travail digestif du corps, mais ça ne détoxifie pas”.
Jeûner est parfois une très mauvaise idée
Au contraire, insiste la spécialiste, jeûner peut même être une très mauvaise idée : “Si vous coupez les apports en calories, le corps réduit les dépenses, il réduit les besoins du métabolisme de base. Ainsi, au lieu d’avoir mille calories de dépense par jour pour le fonctionnement du cœur, la respiration, le fonctionnement du cerveau… ‘il va dire ok on baisse à 800’. Or, plus vous jeûnez, plus les dépenses diminuent et lorsque vous allez retrouver une vie normale votre métabolisme restera bas et vous prendrez du poids bien plus facilement”.
En outre, ajoute-t-elle, “j’ai déjà reçu en consultation des femmes qui mangeaient moins de 800 calories par jour, non seulement elles ne maigrissaient pas mais en plus à la première bouchée supplémentaire, elles prenaient du poids”. “En faisant des jeûnes on apprend donc à notre corps à ne plus dépenser mais, au contraire, à stocker” résume Béatrice de Reynal.
Sur ce point Guy-André Pelouze, chirurgien des hôpitaux, qui a étudié la question du jeûne la rejoint : ”La question est de toujours savoir quel est le but poursuivi. D’une manière générale, le but poursuivi est souvent la perte de poids. Or, dans ce contexte ce n’est pas une bonne solution. Dans un jeûne brutal le poids n’est pas stable, une fois que l’on recommence à manger normalement, on le reprend rapidement”.
Privilégier le jeûne court
Néanmoins, contrairement à Béatrice de Reynal qui ne recommande pas ce régime à ses clients, Guy-André Pelouze trouve l’initiative bien-fondée lorsqu’elle émane d’une volonté de détoxifier son organisme. “Améliorer sa qualité de vie par une expérience que l’on juge être une détoxification, une perte d'addiction à l’alimentation industrielle peut être une bonne idée surtout dans un contexte d’activité physique. C’est bien de le faire tout en étant encadré par un professionnel, et surtout même si ça paraît évident, lorsque l’on est en bonne santé” poursuit le professionnel de santé.
Mais la question demeure, si l’on décide de tenter l’expérience : quel type de jeûne doit-on choisir ? Pour Guy-André Pelouze, le mieux est de “mimer la situation que nous avons connue avant la révolution industrielle, c’est-à-dire lorsque nous avions l’habitude de jeûner régulièrement, non pas par volonté mais par nécessité”. En ce sens, explique-t-il, l’idée est “de faire du jeûne court une pratique régulière, de l’intégrer dans son rythme de vie”.
Concrètement, précise le chirurgien, il faut alors “sauter au moins deux repas complets tout en s’assurant de boire beaucoup d’eau que ce soit de l’eau plate, du thé ou des tisanes, et éventuellement du café”.
En suivant ce schéma, continue le Docteur Pelouze : “On jeûne pour 16 heures, 18 heures ou 24 heures ce qui réduit considérablement la glycémie et l'insulinémie et améliore ainsi la tolérance au sucre”. De plus, ajoute-t-il, “on n’impacte pas la masse musculaire mais la masse grasse” à condition, somme toute, de faire attention au repas qui suivra la période de jeûne. Naturellement, complète le chirurgien, “le jeûne ne doit pas être suivi d’un festin de sucres rapides, de jus d’orange etc. Il faut le suivre d’un repas riche en protéines et de cette façon on obtient des résultats : on diminue sa prise calorique et on diminue la tendance boulimique à rechercher et ingérer des sucres rapides”.
Ne manger que des fruits et légumes pendant une journée
De son côté, Béatrice de Reynal, ne recommande qu’un type de jeûne et chez elle, pas question de se priver de nourriture. Elle estime que “si l’on a besoin d’une douche intérieure, on peut durant une journée, ne manger que des fruits et légumes”. En d’autres termes, la nutritionniste propose pour les personnes à qui un tel régime convient, de manger normalement durant six jours, et de mettre de sortir la viande et les protéines de son alimentation le septième jour. “Une alimentation comme ça peut aider à évacuer l’eau lacunaire (NDLR l’eau stagnante entre les cellules) et aider à rétablir l’équilibre hydrominéral” souligne la nutritionniste.
Mais même dans ce cas précis, il n’est pas question de ne manger que des légumes et des fruits pendant trop longtemps. De plus, la spécialiste met en garde : “Un tel régime peut être une bonne option, mais il ne convient pas à tout le monde. Pour les femmes par exemple, cela peut augmenter la déficience en fer, calcium et magnésium".
Une diminution des douleurs chroniques
Enfin, si les avis des deux experts divergent quelque peu, ils sont d’accord sur un point : chacune de leur version du jeûne peut aider à diminuer les douleurs chroniques. “Le jeûne a des effets similaires aux régimes bas en hydrate de carbone, il peut donc avoir un effet anti-inflammatoire”. Même constat pour l’option fruits et légumes de Béatrice de Reynal : “Manger beaucoup de fruits et légumes baisse le niveau inflammatoire et peut être une bonne option pour diminuer les douleurs chroniques”.
Morale de l’histoire : le jeûne, ça peut être oui, mais pas dans sa forme la plus évidente qui consisterait à arrêter de manger. Et surtout, pas question de se lancer dans l’aventure seul, cela pourrait être dangereux, quelle que soit la formule que vous choisissez : faites vous suivre pas un professionnel.