"Il nous faut prendre conscience de ce nouveau problème, c’est un risque émergent". Lors d’une conférence de presse, le médecin William Dab, professeur titulaire de la chaire Hygiène et Sécurité du Cnam (Conservatoire national des arts et métiers), a livré ses précieux conseils pour lutter contre le stress numérique désormais généré par de nombreuses professions.
Exercer une pensée critique sur notre activité
Pour retrouver de la sérénité au quotidien, le médecin recommande ainsi de :
- restreindre les informations numériques à celles qui sont vraiment essentielles au travail (en bloquant par exemple les publicités ou se désabonnant de certaines newsletters).
- Limiter les sources d’information à celles qui sont fiables.
- Garder tous les jours des plages de temps sans aucun écran.
- Ne pas répondre forcément tout de suite aux mails et aux messages qui ne sont pas urgents.
- Classer et organiser les informations numériques que l’on reçoit.
- Pratiquer régulièrement des activités physiques et relaxantes.
"Fondamentalement, nous devons exercer une pensée critique sur notre activité pour ne pas se laisser posséder par le stress numérique. Il faut en quelque sorte apprendre à maîtriser les outils digitaux pour ne pas que ce soit eux qui nous maîtrisent", résume William Dab.
Politique d’entreprise et dialogue social
A un niveau plus sociétal, le médecin estime que c’est aux managers de canaliser le stress numérique des employés, en fixant notamment des priorités et des objectifs clairs. "A mon sens, tout ceci doit être encadré par une politique d’entreprise et faire l’objet d’un dialogue social", ajoute le scientifique. "Il faudrait également se doter de nouveaux outils de mesure afin de mieux évaluer l’impact du numérique sur les travailleurs", poursuit-il.
Aujourd’hui en France, 40% des employés reçoivent plus de 100 mails par jour, et 31% en envoient après 20 heures plus de 50 soirs par an (c’est en moyenne 117 soirées reconnectées par an pour les dirigeant·es, NDLR), sachant que plus de 50 % des mails reçus dans la journée suscitent une réponse en moins d’une heure. De ce fait, la moitié des travailleurs passent plus de deux heures par jour à traiter des mails, ce qui n’est souvent pas inclus dans les fiches de poste et s’ajoute aux messages reçus par chat en parallèle (Slack, WhatsApp...). Au final, seuls 42% des salariés français arrivent désormais à garder une heure continue de pleine concentration pendant leur journée de travail.
Une véritable addiction
"Ces chiffres démontrent à mon sens que le numérique peut devenir pour certains une véritable addiction, dont l’installation insidieuse et le développement génèrent un stress important", analyse William Dab. "La surcharge d’informations numériques peut en effet vite donner la sensation d’être dépassé, ce qui génère de l’anxiété. Les outils numériques peuvent aussi, lorsqu’ils prennent trop de place, créer un empiètement du travail sur la vie privée, provoquant ainsi des tensions familiales là encore sources d’anxiété", poursuit William Dab. "Or, s’il n’existe encore que peu d’études concernant l’impact du stress numérique sur l’être humain, on connaît en revanche très bien les effets délétères du stress sur la santé", rappelle le scientifique.
Qu’il soit numérique ou non, le stress dégrade la santé mentale et augmente les risques cardiovasculaires ou métaboliques, lesquels sont aggravés par la sédentarité liée aux écrans. Les tensions intenses et prolongées ont également des effets immunitaires, générant une moindre défense vis-à-vis des infections. "L’anxiété diminue aussi les performances intellectuelles", ajoute William Dab, avant tout de même de conclure : "les outils numériques ont de nombreux avantages. Aucun n’est donc critiquable en soi, ce sont les usages que l’on en fait".