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Psychologie

Cinéma : les films peuvent nous rendre plus empathiques

Par Sophie Raffin

Une étude démontre que regarder un film dramatique rend bien plus empathique envers les personnes stigmatisées et soucieux des problématiques sociétales que la présentation de statistiques.

shironosov/istock
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Un film peut amener la population à être plus empathique envers les personnes stigmatisées dans la société, selon une étude de Stanford.
L'idée de cette étude est venue après la sortie du film Just Mercy avec Jamie Foxx retraçant le combat d'un avocat pour faire libérer un homme condamné à tort.
Les spectateurs ayant regardé le film étaient également plus enclins à défendre la réforme du système pénal.

"L'une des choses les plus difficiles pour les groupes de personnes confrontées à la stigmatisation, y compris les personnes précédemment incarcérées, est que les autres Américains ne perçoivent pas leurs expériences très précisément", explique Jamil Zaki, professeur de psychologie à l’université de Stanford. "Une façon de lutter contre ce manque d'empathie pour les groupes de personnes stigmatisés est d'apprendre à les connaître. C'est là qu'interviennent les médias, qui sont utilisés par les psychologues depuis longtemps comme une intervention."

La recherche qu’il a menée avec la psychologue Jennifer Eberhard, révèle, en effet, que les gens ont une plus grande empathie envers les anciens prisonniers et une vision différente sur les réformes pénales nécessaires après avoir visionné des films ou des docu-fictions sur le système judiciaire.

Psychologie : les films dramatiques rendent plus empathiques

L’idée de chercher à savoir si un film pouvait changer la perception des spectateurs sur des faits de société, est née lors d’une conversation de Jennifer Eberhard avec l’un des producteurs du film Just Mercy. Ce long-métrage raconte les efforts de l’avocat Bryan Stevenson pour renverser la peine de Walter McMillian, un Afroaméricain condamné à mort en 1987 pour le meurtre d'une jeune fille blanche de 18 ans malgré des preuves de son innocence.

Pour mesurer comment regarder ce film peut façonner l'empathie du spectateur envers des personnes stigmatisées, la psychologue et ses collègues ont demandé à des volontaires de visionner une série de vidéos d'une à trois minutes qui mettait en scène des hommes ayant été emprisonnés dans la vie réelle, avant et après avoir regardé le long métrage avec Jamie Foxx.

Les participants devaient imaginer ce que les anciens prisonniers qui témoignaient, avaient ressenti lors du documentaire. Leurs réponses ont été comparées à ce que les anciens détenus avaient confié aux chercheurs. L’analyse des données, publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), montre que les participants ayant vu Just Mercy étaient plus empathiques envers les témoins des vidéos que ceux qui ne l'avaient pas regardé.

Leurs attitudes à l'égard de la réforme de la justice pénale ont également été modifiées. En effet, lorsque les chercheurs ont demandé aux participants s'ils signeraient et partageraient une pétition qui soutenait une loi fédérale visant à restaurer le droit de vote aux personnes ayant un casier judiciaire, ils ont constaté que les spectateurs de Just Mercy étaient 7,66 % plus susceptibles de le faire que les autres.

Stéréotype : les récits plus puissants que les statistiques

Pour la psychologue Jennifer Eberhardt, l'étude souligne le pouvoir de la narration. “Les récits déplacent les gens d'une manière que les chiffres ne font pas”, assure-t-elle. Elle est d’autant plus sûre de cette conclusion que dans de travaux précédents, elle avait mis en évidence que la présentation des statistiques sur les disparités raciales n'est pas suffisante pour conduire la population à s’interroger sur les rouages de la société.

"En fait, elle a constaté que la seule présentation de chiffres peut se retourner contre elle. Par exemple, mettre en évidence les disparités raciales dans le système de justice pénale peut amener les gens à être plus punitifs, et non moins, et à être plus susceptibles de soutenir les politiques punitives qui contribuent à créer ces disparités en premier lieu", précise le communiqué de Stanford University.

Pour les chercheurs, les histoires ont plus de pouvoir sur les stéréotypes et les jugements que les chiffres. Et cela, quelles que soient l'origine du conteur et l'orientation politique des spectateurs. "Lorsque les gens font l'expérience de récits personnels détaillés, cela ouvre leur esprit et leur cœur aux personnes qui racontent ces récits et aux groupes d'où viennent ces personnes", conclut Jamil Zaki.