Les chiffres du ministère de l'Intérieur sont sans appel. Dans un contexte général de hausse des condamnations judiciaires pour crimes et délits (+11 % depuis 2000), la réponse pénale a particulièrement augmenté pour deux grandes catégories d’infractions : la conduite sous l'emprise d'alcool et celle sous l'influence de stupéfiants. Pour cette raison, quarante ans après l’interdiction de conduire au-delà d’un seuil légal d’alcool dans le sang, et dix ans après celle de conduire après avoir consommé des stupéfiants, l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) a souhaité analyser l’évolution des contrôles routiers et des infractions constatées en matière de conduite routière sous influence. Les suites pénales apportées par le système judiciaire ont également été étudiées dans le numéro de décembre Tendances de l'Observatoire.
Plus de trois délits routiers sur dix liés à l’alcool
Résultat, en dix ans, le volume des infractions au Code de la route relevées chaque année par les services de police et de gendarmerie a été multiplié par 1,8 : 23,4 millions de délits et contraventions en 2011 vs 12,9 millions en 2001. En matière routière, les contraventions restent bien plus nombreuses que les délits, sauf pour l’alcool. Cependant, les délits routiers constatés ont connu une croissance plus rapide au cours de la dernière décennie : parmi les délits en hausse, ceux liés à l’alcoolémie représentent le plus gros volume (+ de 30 %). Ils constituent la première cause d’infraction délictuelle au Code de la route.
Hausse des délits routiers liés aux stupéfiants
Pour leur part, les délits liés à l’usage de stupéfiants, infraction plus récente, représentent moins de 5 % de l’ensemble des délits routiers mais sont aussi en hausse. En 2011, les services de police et de gendarmerie ont enregistré 25 425 délits routiers liés aux stupéfiants, soit 15 fois moins que pour l’alcool (171 672).
Aujourd’hui, les délits routiers liés aux stupéfiants concernent en quasi-totalité la conduite d'un véhicule après une consommation (97 %), les 3 % restants étant des refus de se soumettre au dépistage. Ces infractions de refus de vérification de l’usage de stupéfiants ont connu une forte hausse au cours de la période récente, passant de 12 refus de dépistage en 2004 à 179 en 2011. Enfin, les délits routiers liés à l’usage de stupéfiants ont doublé depuis la mise en œuvre des tests salivaires par les forces de l’ordre, en 2008 (on comptait alors 12 944 délits)
Des contrôles d’alcoolémie de plus en plus fréquents et positifs
Cette hausse des délits de conduite sous influence s'explique par la fréquence accrue des contrôles d'alcoolémie. Ainsi, en 2011, plus de 11 millions de dépistages de l’état alcoolique (préventifs ou obligatoires) ont été pratiqués sur la route par les forces de l’ordre : ils ont augmenté de 35 % au cours des dix dernières années.
Et malheureusement, les contrôles préventifs se révélent de plus en plus souvent positifs. Leur taux de positivité est passé de 1,5 % à 3,1 % en dix ans. Cette augmentation des dépistages préventifs positifs résulte, selon l'ODFT, en partie d’une stratégie de contrôle plus ciblée, orientée par exemple vers les conducteurs circulant les soirées de week-end.
Par ailleurs, les contrôles obligatoires d’alcoolémie (en cas d’infraction ou d’accident) montrent que l’alcool est, avec la vitesse, un des facteurs majeurs d’accident. En 2011, 5 748 dépistages d’alcoolémie ont été réalisés à la suite d’un accident mortel : 17,2 % d’entre eux se sont révélés positifs. Plus de 30 % des personnes tuées sur la route ont perdu la vie dans un accident impliquant l’alcool, une proportion qui ne régresse pas depuis plus de dix ans. Autrement dit, il semblerait que la politique répressive en matiière de conduite sous influence n'ait guère d'effet.
La réponse pénale : les condamnations se multiplient
Enfin, parallèlement à la multiplication des contrôles routiers, les condamnations judiciaires pour des délits routiers ont fortement progressé (+ 29 % entre 2000 et 2011). Et pour faire face à l’essor du contentieux lié à l’alcool et aux stupéfiants, la justice a diversifié les modes de traitement pénal en multipliant le recours aux procédures allégées depuis les années 2000.
Dans ces affaires, l'Observatoire constate que la conduite en état alcoolique reste un contentieux de masse, et que les stupéfiants au volant sont pour leur part un contentieux de plus en plus sanctionné. Parmi les réponses apportées par la justice, les peines d’amende sont de plus en plus fréquentes, au détriment des peines d’emprisonnement avec sursis total, qui subissent le mouvement inverse.
En matière d’alcool au volant, la part des amendes est ainsi passée de 22 % en 2000 à près de 52 % en 2011, alors que la part des emprisonnements avec sursis total a été divisée par deux, passant de 51 % à moins de 26 %.